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Le Présent Défini
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27 juillet 2011

Jean Cocteau, biographie de Claude Arnaud

 Editions Gallimard, 2003

 

cocteauQue les autres biographies, études, recherches, exégèses paraissent poussiéreuses à côté de ce monument ! 758 pages de texte serré, plus les notes, pour raconter comme un roman la vie d’un personnage des arts du XXème siècle, souvent mal connu, mal considéré et mal lu.

Je ne vais pas m’étendre sur l’homme dont il question (cette biographie s’adresse tout de même à des familiers des œuvres) mais sur la singularité de l’écrit. L’auteur a passé plus de quatre ans avec son sujet, relisant tout, revoyant tout, rencontrant ceux qui l’avaient connu, écoutant, questionnant : pas de texte de seconde main, pas de résumé bâclé, pas de poncifs, de clichés éculés sur l’homme. Tout a l’air neuf dans cette biographie. On repart de zéro. Claude Arnaud va laisser la vie de Cocteau se dérouler à son rythme mais avec quel regard scrupuleux ! Rien n’est laissé au hasard. Ce n’est plus une biographie mais de l’archéologie. L’écriture de Claude Arnaud est subtile, perspicace et toujours au service d’une meilleure compréhension de son sujet. La complexité de chaque époque traversée (meneurs, alliances, courants, influences) est analysée avec méticulosité et intelligence car totalement maîtrisée. Au fil des pages, le mythe est « démythifié » : l’homme apparaît sous les masques, ses multiples identités, ses contradictions, ses mensonges, l’auteur veut comprendre qui est cet artiste « protéïforme », comment se sont articulées ses différentes mutations, comment il se nourrit des talents et de la force vitale de ceux qu’il croise. Pour cela, il lui fallait plonger dans les abysses, devenir familier de l’homme, ressentir avec une même sensibilité, jusqu’à démêler (certainement pas excuser) certains comportements ou prises de position discutables. Claude Arnaud rend Cocteau lisible et met en lumière non pas un faussaire, un touche-à-tout, un équilibriste frivole mais un homme fragile, vulnérable, crédule parfois, étonnamment profond et cohérent.

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25 juillet 2011

L'Éternité et Un Jour (Mia eoniótita ke mia méra)

 

413383_l_eternite_et_un_jour_de_theo_637x0_2Theo Angelopoulos – 1998 – Palme d’Or du Festival de Cannes

 « L'Éternité et Un Jour » fait partie de ces films que l’on redoute un peu d’affronter, tant la réputation de son auteur paralyse : rigueur intellectuelle, références culturelles indéchiffrables pour qui n’est pas grec, œuvre élitiste et aride, voire carrément hermétique, artificielle et fumeuse, pour les plus récalcitrants à la démarche cinématographique d’Angelopoulos. Et pourtant, ce film est certainement le plus accessible, le plus simple du réalisateur : que faire quand on sait que le jour qui se lève sera notre dernier ? Alexandre, écrivain vieillissant à qui Bruno Ganz prête son épaisseur, a déjà capitulé et referme un à un tous les éléments qui ont composé sa vie, avant de rejoindre un hôpital dont il ne ressortira pas. Il fait alors le constat saumâtre d’une vie ratée : il laisse une œuvre incomplète, des travaux au stade d’ébauche, des lambeaux de phrases. Il n’a pas su non plus instaurer un dialogue avec sa femme aujourd’hui disparue ni lui consacrer le temps qu’elle lui demandait, un jour, juste un jour pour elle seule. Le temps a fui et il ne laissera rien d’achevé derrière lui.

Cette journée qui s’annonçait aussi froide et triste que peut l’être un dimanche d’hiver à Thessalonique, lestée du poids des souvenirs qui s’imposent à lui, n’aura pourtant rien d’une tombe qui se referme. Un dernier voyage, tant intérieur que réel, va bouleverser ses certitudes. Sa route va croiser celle d’un petit Albanais, un de ses mômes de la rue que traque la Police. Alexandre le sort des griffes des mafieux, le nourrit, tente de le ramener en Albanie, refuse de le lâcher tant qu’il n’est pas persuadé de l’avoir mis en sûreté, lui trouve un bateau et le laisse partir.

Le garçon, de son côté, lui aura donné trois mots pour le remercier et le réconcilier avec sa vie, comme autant d’oboles qui font sens pour le grand passage. Le poète grec Dionysios Solomos, revenu à Zante après des études en Italie sans plus savoir un mot de sa langue natale, achetait aux habitants des mots pour écrire ses poèmes. Comme lui, Alexandre va renouer avec l’existence  avec des mots simples de sa propre langue : il doit admettre qu’il est un exilé (« Xenitis »), un étranger à sa propre vie qu’il n’a pas vécue, trop accaparé par ses travaux littéraires et que cette dernière journée a tout d’une ultime odyssée pour trouver des réponses, si douloureuses soient-elles, à cette impossibilité de communiquer avec les autres. Mais Alexandre doit aussi être conscient de l’amour que sa femme lui a porté, des mots tendres qu’elle lui a adressés (« Korphoula mou »). Il ne doit plus méconnaître ces sentiments mais les prendre en compte comme une extraordinaire richesse. Enfin, le garçon, lui rappelle que cette prise de conscience vient bien tard (« Argadini »), que tout est joué depuis longtemps, qu’il ne peut plus changer sa vie. Il ne sert plus à rien de se raidir contre cette vie passée trop vite et trop mal, trop seul. Alors le temps d’un plan séquence d’anthologie, Alexandre retourne dans la maison qui sera détruite demain, ouvre une fenêtre et retrouve les souvenirs d’une journée de septembre datée de trente ans, se mêle à la foule de ses amis et de sa famille, pour une dernière valse lente avec sa femme à qui il parle enfin. Non, il n’est pas encore trop tard.

La fluidité des plans, la lenteur de la caméra qui semble toujours glissée, les travellings très élaborés, les cadrages au cordeau, les lumières soignées, font de ce film un grand moment de cinéma : les spectateurs asservis désormais au rythme syncopé des réalisations américaines auront peut être du mal à suivre cette mobilité si lente, si contemplative. Théo Angelopoulos maîtrise sa caméra, mêle présent, passé et futur sans heurter la trame narrative, avec une simplicité évidente. Et l’on suit alors Alexandre, dans ce balancement régulier entre le réel et le rêve, le présent et les souvenirs,  la ville sinistre et cette plage en été, cette vie qui a disparu si vite et le temps enfin retrouvé.

S’il sait bien évidemment filmer le Nord de la Grèce comme personne, rendre ses pluies, son brouillard, sa mélancolie grise d’une poésie déchirante, il sait aussi imaginer des atmosphères oniriques, des images fulgurantes de beauté qui viennent déchirer l’écran, telle cette frontière albanaise cauchemardée par Alexandre, tendue d’un haut grillage auquel s’agrippent des individus immobiles comme autant d’être humains déjà morts, sous un ciel plombé, étouffé de neige sale. La palette des gris, la lumière, nous emmènent chez Dreyer, comme l’un des premiers plans de la plage durant l’enfance d’Alexandre nous entraîne vers Visconti.

Ma seule déception viendra d’une bien piètre musique de film, une scie redondante qui lorgne vers Chostakovitch, se voulant nostalgique mais en fait épouvantablement commerciale.

19 juillet 2011

La Traviata, Aix en Provence 2003 : s’il ne devait en rester qu’une…

 

traviata_belairPas la peine d’argumenter contre cette mise en scène un peu déroutante, de souligner certaines faiblesses vocales de Mireille Delunsch, d’insister sur la noirceur de cette production, cette Traviata là reste pour moi dans les annales. Huit ans après, elle raisonne encore comme un spectacle singulier, un ovni musical à l’émotion jamais retrouvée.

Le metteur en scène a choisi une interprétation extrêmement simple mais audacieuse, Violetta va mourir dès le lever du rideau et voit défiler sa vie, mêlant le passé et le présent, comme les motifs de la musique qui s’entrelacent et qui reviennent dans des actes différents. Des images sont projetées durant la représentation, sur un rideau transparent où coulent des gouttes de pluie, des lumières, des clignotants. Le plateau restera quasiment vide et toujours sombre, comme la vie que Violetta sent lui échapper. Il est demandé au spectateur de percevoir le monde avec les yeux de Violetta et de l’accompagner sur cette dernière route et de partager sa douleur. Nous sommes donc très loin des productions classiques, où la Traviata évolue vers la mort. Ici, tout est plié dès la première note. Le metteur en scène dilate le temps de ces dernières secondes de lucidité et nous partageons alors son cauchemar.

C’est pourquoi la direction des chanteurs est exempte de gestes inutiles : d’une grande sobriété, elle sert juste à accompagner la musique et les voix, l’essentiel. Resserré autour des souvenirs de la dévoyée, la mise en scène épurée concentre l’attention sur la douleur d’une femme miraculeusement portée par Mireille Delunsch. Splendide et déchirante dans sa robe blanche (seule touche de couleur dans cet univers cafardeux), elle donne à cette Traviata une totale incarnation scénique. Elle EST Violetta, sa présence est une évidence. Aucun pathos ne vient alourdir sa théâtralisation du personnage. Tout se joue sur la nuance, le délicat, l’indicible presque. L’artifice n’a plus sa place quand on va mourir, la sincérité, la vérité sont les seules admissibles. Elle ne force jamais sa voix, mais exhale une ligne claire fragile et douloureuse absolument bouleversante. On connait l’approche très théâtrale de Mireille Delunsch, son travail des personnages, son écoute du metteur en scène. Le choix de ce dernier s’est porté sur une interprétation presque morbide du livret, ce qui explique le rejet des certains spectateurs qui ont hurlé à la trahison de Verdi. Je pense juste que cette relecture empreinte d’une infinie tristesse permet à la musique du compositeur de raisonner avec la  profondeur d’un diamant très noir.

18 juillet 2011

La Traviata, Aix en Provence 2011 : un combat perdu d’avance

web_traviata__469x239Pourquoi une soprano qui n’a plus l’âge du rôle souhaite t’elle chanter un opéra taillé bien trop grand pour ses capacités vocales ? Si Natalie Dessay s’est coulée à merveille dans Mozart ou Donizetti, le personnage de la demi-mondaine phtisique semble bien loin de son univers, Mais toutes les sopranos en rêvent avant qu’il ne soit trop tard.

Et bien côté voix, ce n’est pas vraiment cela. Le début sera à la limite de l’audible, des notes aigres, des aigus mal assurés, du tranchant et du cinglant. On espérait d’avantage de rondeur et de volupté de la part d’une courtisane amoureuse. Dans l’acte II, on attend de la souffrance, du déchirement dans le duo le plus poignant de tout l’opéra, et il ne se passe rien. Plus le livret avance, plus l’héroïne est rattrapée par la maladie, plus la voix doit se faire dramatique, tragique, jusqu’à devenir au dernier acte un souffle, une respiration souffrante avec un timbre qui râle. Nathalie Dessay se contente de sur jouer, de caricaturer le rôle avec des tics vocaux vite insupportables. Non, la Traviata n’est pas folle, non elle n’est pas une hallucinée, elle se meurt d’une maladie qui épuise son organisme. Là où l’on attend une extrême fragilité, une voix brisée, une vulnérabilité bouleversante, on observe des gestes saccadés, une raideur des mouvements, une démarche titubante.

Evidemment, l’émotion ne passe pas, on ne croit pas un seul instant à son personnage qui laisse de glace. Il faut dire que la soprano n’est pas aidée par les choix du metteur en scène. Pourquoi avoir fait de Violetta une femme déjà mûre, usée, maquillée à outrance ? Lorsque Violetta retire sa perruque, j’ai eu soudain la vision d’une Gloria Swanson décatie. Violetta, réduite à une caricature de vieille femme parkinsonienne…Trahison du livret. Les duos d’amour ne fonctionnent pas (Violetta a l’air d’être la mère d’Alfredo) et tout l’opéra vacille dans un pathos de mauvais aloi. Son agonie devrait être celle d’une femme encore jeune et belle qui sent son corps l’abandonner mais qui reste absolument lucide jusqu’au bout, couchée dans un lit où la maladie l’a clouée. Eh bien, Natalie Dessay, reste debout, telle une démente : étonnant pour une tuberculeuse…

Ce manque de lisibilité du livret, ce goût de l’exagération qui vire au grotesque, ce refus de la simplicité de l’histoire de la Traviata mettent mal à l’aise. La musique est si remarquable, malgré une direction d’orchestre un peu faiblarde (pardi, faire jouer du Verdi à un orchestre symphonique…), les duos tant porteurs d’émotion, les grands airs tellement magiques que l’on se doit de se mettre au service de la partition, pas de réécrire l’histoire pour le seul plaisir de paraître intelligent.

15 juillet 2011

Céphalonie, la douce

Grande sœur de Leucade, située plus au Nord, Céphalonie/Kefalonia est la plus grande et la plus montagneuse des Ioniennes. On la connaît pour une espèce particulière de pins qui ne pousse qu’ici, pour son mont Aïnos qui culmine à plus de 1600 mètres, pour son parc national où vivent en liberté des chevaux sauvages, ses côtes où viennent se reproduire tortues de mer et phoques moines. On y ajoute un vin local très reconnu (le Robola), des grottes et des lacs souterrains, la plage de Myrtos la plus photographiée de Grèce, des villages de pêcheurs de carte postale… une île donc qui mérite le détour.

 

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Tout ceci est bien réel mais reste digne du dépliant touristique. Il se dégage de cette île un sentiment d’apaisement, de respiration profonde et facile en même temps, grâce à ses grands espaces ouverts : les hautes collines n’étouffent pas, les vallées s’épanouissent  sans asphyxier, les routes de montagnes dégagent à chaque large lacet des rivages amples et généreux. On y enverrait bien quelques phtisiques s’y refaire les poumons. Ces 1 000m² permettent aussi à chacun d’y trouver le point de chute qui convient le mieux, selon ses attentes et son niveau de misanthropie : du chef lieu très touristique, vivant et animé (Argostoli), aux stations balnéaires pensées pour les touristes qui pratiquent la bronzette à outrance (Skala, Lassi), en passant par les villages de montagne intérieurs, calmes et silencieux et les petits ports dissimulés aux trop pressés, il serait étonnant de ne pas dénicher son havre de paix. Cette mosaïque permet au voyageur de ne jamais s’ennuyer à Céphalonie.

 

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Si cette île n’a rien de mémorable, de remarquable (Oui, je sais, Assos, Fiskardos...mais très touristiques tout de même), elle est paradoxalement celle d’où on a le plus de mal à s’extirper. Elle accueille, elle reçoit, elle propose et on s’y fond paisiblement, comme si notre empreinte nous y attendait déjà. Ardu ensuite de détacher la patelle de son rocher.

Je soulignerai pour finir l’extrême gentillesse des habitants de l’île qui vous adoptent très rapidement (je parle hors saison…), heureux de vous voir ressentir leur île avec autant de délice et de béatitude.

 

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12 juillet 2011

Leucade, la dissonante

Pour les coutumiers des Cyclades, l’arrivée dans les Ioniennes est un choc. Oubliées les maisons blanches et les chapelles aux toits bleus, les plages douces, les collines arides, la végétation rare… ici nous sommes en paysage montagneux, aux arbres très verts, les côtes sont dentelées, la flore abondante, les maisons plus robustes, les toits protégés de tuiles roses (la saison des pluies dure d’octobre à mars).

Entre Corfou et Céphalonie, se trouve Leucade/Lefkas ou Lefkada (« la blanche »), en référence à la couleur de ses falaises de craie. Cette île est une vraie douche écossaise à elle tout seule : elle offre le pire, comme le meilleur, une nature esquintée mais aussi très préservée, des villages truqués comme des endroits authentiques, des plages abîmées mais des plateaux de montagnes à couper le souffle.

Leucade souffre du fait qu’elle est reliée au continent ; facile d’accès, elle doit absorber le week-end et l’été un tourisme assez envahissant : toute la côte Est est pour moi totalement sinistrée, bétonnée sans plan d’urbanisme, sans respect de l’environnement, les petites plages collées à la route. Il faut fuir Nydri comme la peste, principal centre touristique de cette côte, où comme le souligne un guide bien connu, le grec est la seule langue dont on n’a pas besoin : tout y est fait pour le tourisme bas de gamme.

Leucade est surtout reconnue pour ses plages de la côte Ouest, qui ornent bon nombre de calendriers, de dépliants ou de sites sur la Grèce. Porto Katsiki, Egremni, Gialos, Kathisma, sont des endroits d’une très grande beauté, aux eaux turquoises, protégées par de hautes falaises crayeuses. Mais, et ce mais est d’importance, elles sont toutes aménagées dès le début de saison, avec des parasols et des transats sur 5 à 6 rangées tout le long du rivage. On image ces endroits en avril et en mai, quand tout ce foutoir ne pollue pas encore la vue et les oreilles.

 

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Mais faut-il alors passer par Leucade ? Eh bien oui, mais pour ses montagnes, ses modestes villages intérieurs, ses monastères en ruine si paisibles, ses deux petits ports du Sud (Vassiliki et surtout Sivota), pour son Profitis Ilias (seul toit bleu de toute l’île), pour ses sommets dans la brume, ses routes en lacets dans les genêts et les oliviers, ses plateaux désertiques où souffle un vent du diable (Englouvi).

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L’intérieur de l’île secrète un réel enchantement. Vous y serez certainement tout seuls, avec quelques troupeaux de chèvres et leur pâtre qui se demandera ce que vous faîtes sur ses hauteurs au lieu de bronzer idiots. Vous vous perdrez beaucoup à la recherche d’églises oubliées, vous croiserez un peintre hollandais dans une chapelle dont le vent fait tinter les cloches, vous aurez une pensée pour Sappho en arrivant au Cap Doukato et vous l’aimerez beaucoup, cette île de Leucade, le cœur empreint d’un sentiment de plénitude, de la certitude d’un lien unique avec une nature protégée, d’une révélation improbable, de grands moments de bonheur à la découverte d’endroits dérobés, discrets, qui font aussi de Leucade une île miraculeusement préservée.

 

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8 juillet 2011

Milos, île des contrastes

Au sud des douces et sereines Serifos et Sifnos, s’étale une grande île volcanique, en forme de fer à cheval, vive, colorée et… moderne. Rien à voir avec ses consœurs, on change de monde et d’époque. Si Santorin dégage une forte présence géologique, elle est avant tout cycladique (architecture, atmosphère), ce qui n’est pas le cas de Milos. La richesse actuelle de Milos vient de ses mines, d’extractions dantesques, dans la partie Est : des complexes industriels massacrent l’île, la creusent à ciel ouvert sur des centaines de mètres, pour donner un ensemble de cratères béants d’où sans relâche, sont prélevés perlite, bentonite, kaolin, souffre, baryte, gypse. Le va et vient des gigantesques trucks flambant neufs monopolise les routes et vous ne ferez alors pas le fier à bord de votre petite Fiat Punto. Nous sommes tombés sur cet enfer de bruit, de poussière, de machines absolument par hasard. Evidemment une facette de l’île peu décrite sur les dépliants touristiques…

 

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Mais la générosité de ses sols a aussi façonné Milos et l’a dotée de falaises, de côtes insolites et saisissantes, de rochers aux formes très inhabituelles et aux couleurs tranchées. Il est conseillé d’effectuer le tour de l’île par bateau pour admirer ses curiosités : immenses falaises d'orgues basaltiques, écueils de pierres déchiquetées, blocs vertigineux où on peut lire l’histoire géologique de l’île en suivant les strates colorées, petites criques camouflées sous les escarpements, cette balade est vraiment un enchantement.

Milos est aussi reconnu pour ses petits ports atypiques très colorés (Klima, Mandrakia ou Firopotamos), des anciens garages à bateaux, construits au raz de l’eau, creusés dans la roche, devenus des habitations, à un ou deux étages.

 

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Passage obligé sur le site de Sarakiniko, le plus visité de l’île : cette petite partie de la côte est formée de rochers blancs, tout nus, lisses et arrondis, comme charnus, bulbeux, sans aucune forme de végétation. Le vent y souffle souvent en rafale et la mer perd sa douceur égéenne pour des bonnes vagues dignes de l’Atlantique.

 

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Ses plages entourées de formations rocheuses rouges, ocres ou vertes, portent évidemment l’empreinte de cette vie volcanique et on est parfois surpris de découvrir des remontées d’eau chaude, des émanations de gaz ou des senteurs de souffre. Paliochori est un cours de géologie à elle toute seule.

Milos offre aussi de bonnes tables avec une mention spéciale à « Erghina », village de Tripiti, cuisine vraiment typique de l’île avec des plats jamais vus ailleurs. Pour moi une des meilleures tables de toutes les cyclades.

Cette île possède de très beaux atouts pour séduire le visiteur. Néanmoins, il lui manque pour moi une unité, une bienveillance et une rondeur. C’est bien la première fois que la « capitale » d’une Cyclade (le plaka, ou le chora) ne me séduit pas. Le port d’arrivée est déjà une petite ville contemporaine, pas un assemblage de cubes croulants sous les bougainvilliers. C’est une île moderne, offrant tout le confort possible mais manquant d’élégance et d’enchantement, à mon goût. Je traîne peut être aussi une image un peu désuète d’une certaine Grèce figée dans un autre temps (merci Lacarrière), agricole, humaine et préservée.

7 juillet 2011

Serifos, la sauvage

Un peu au dessus de Sifnos, une autre île des Cyclades est peu fréquentée par les visiteurs, Serifos. Les ferries arrivent au port de Livadi, où se concentrent hôtels, chambres à louer, tavernes… Je vous déconseille fortement d’y loger à moins d’être moustiquophile. Livadi est construit dans le lit d’une ancienne rivière, cerné par des roseaux, la zone est humide et extrêmement riche de volants en tout genre. Dormir sous la moustiquaire est quasi obligatoire. De toute façon Livadi n’a aucun intérêt. Montez plutôt tout de suite à Chora, chef lieu qui culmine sur les hauteurs, authentique village cycladique. Je vous recommande une halte au café Stou Stratou, sur la place Saint-Athanasios bien accueillante.

 

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Serifos est une petite île aride, pelée, comme tondue par les vents qui lèchent ses collines. Elle bénéficie de très belles plages de sable, telles Psili Ammos, Agios Sostis ou Kalo Ambeli. Certaines ne sont accessibles qu’après une bonne marche de trente minutes dans les collines mais la transparence de l’eau et la tranquillité de la plage ne vous le feront pas regretter (une très bonne carte bien détaillée s’impose pour suivre les bons sentiers). Serifos est une île ou vous pourrez marcher deux ou trois heures sans croiser âme qui vive (sur deux pattes j’entends, moutons et chèvres sont les seuls rois des étendues désertes de construction de l’île).

Les seuls vrais et beaux arbres de l’île se rencontrent dans le monastère des Taxiarches (des Archanges), près de Galani, bâti comme une forteresse, certainement sur une des rares sources de l’île, à l’abri de ses hauts murs blancs. Le dernier moine vous ouvrira la porte avec courtoisie, vous offrira thé et loukoum et vous fera visiter l’église riche de fresques.

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Ne pas manquer de faire une halte « retour dans le passé » à Megalo Livadi, au sud de l’île. Ce tout petit village est en fait le musée en plein air de ce qui a fait la richesse de Serifos dès le XIXème, son sous-sol, gorgé de minerais. Tous les engins d’extractions, de transport, de chargement ont été laissés là, abandonnés en l’état, rouillés, comme si tous les mineurs s’étaient volatilisés d’un coup. Arpenter cet endroit, sous un soleil de plomb, le silence accablant uniquement troublé par le crissement des insectes est assez troublant. Ne pas hésiter par contre à déjeuner dans les deux petites tavernes pieds dans l’eau du village, un des meilleurs poulpes grillés jamais dégusté en Grèce.

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Serifos est une terre que l’on découvre en marchant, sur des sentiers secs et durs, dans une végétation rêche et jaune mais qui offre à ceux qui font l’effort de la découvrir des rencontres, des lieux singuliers que je n’ai croisés dans aucune autre île.

 

4 juillet 2011

Kastro, île de Sifnos, plus beau village des Cyclades

Je suis retournée à Sifnos rien que pour lui. En ce qui me concerne, c’est un des plus beaux lieux qui soit, aussi fort que le site du  Monastère de la Panagia Chozoviotissa à Amorgos. Kastro est  l’ancienne capitale fortifiée de l’île, un véritable bourg-forteresse vénitien bâti vers 1630 sur la côte Est, sur le bord d’un rocher aux falaises abruptes, avec la mer en à pic. Il reste encore des traces du mur extérieur, ceignant le village. Côté mer, ce sont carrément des habitations de deux ou trois étages, presque sans aucune ouverture, qui servaient de remparts. A l’intérieur de cette fortification, on découvre les maisons de maîtres, les ruelles pavées aux joints blanchis, les églises aux toits bleus ou blancs. Mais j’ai rarement vu une telle pagaille urbaine, un tel enchevêtrement de maisons : loggias, escaliers, enfilement de voûtes, passages étroits qui débouchent sans prévenir sur la mer, une seule petite place (ou bien un simple élargissement de la venelle ?)  et hop, on se perd à nouveau dans le dédale, on monte des marches, on repasse sous des arches, on tourne la tête avec surprise car on découvre des écussons des grandes familles du chef-lieu gravés sur les linteaux des portes, ou des colonnes servant de piliers pour soutenir une arcade. Le temps semble s’être arrêté dans ce kastro,  où nous sommes début juin bien souvent les seuls visiteurs. Le village est ramassé sur lui-même, fermé, dense, silencieux, comme pétrifié depuis plus de trois siècles : on ne serait pas étonné de voir passer des cavaliers d’un autre temps ou d’entendre le fracas des épées.

 

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Au bas de la falaise sur un promontoire, l’église des Efta Martyres, émerge des flots, tel un îlot du grand Bé toujours à marée haute. Le soir, vers 19 heures, on s’assoit au bord du précipice sur un banc, on perçoit le tintement des cloches des troupeaux de chèvres et de moutons sur la colline à droite, le regard se perd vers l’immensité de la mer qui s’ouvre devant Kastro et l’on se dit que c’est ici qu’il faudra venir se reconstruire si un vrai chagrin nous prenait.

 

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3 juillet 2011

Sifnos, la paisible

Si toutes les Cyclades se ressemblent, toutes se distinguent. On passe dans certaines, on s’attarde dans d’autres et on revient dans quelques unes, Sifnos fait partie de celles-ci. Île des Cyclades de l’ouest, elle offre au premier regard les mêmes maisons cubiques blanchies à la chaux, les coupoles bleues des églises, la rareté de sa végétation et les plages d’eaux claires.

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Mais on respire surtout une quiétude quasi palpable, une douceur et un parfum de sauge. Pas encore défigurée par le tourisme, sa campagne reste vierge de constructions anarchiques. Je vous conseille de vous loger au chef lieu Apollonia ou à Ano Petali (quartier d’Apollonia situé un peu en hauteur), pour la bonne raison que les bus rayonnent à partir de là. Je recommande la Pension Geronti, hôte sympathique qui nous gava de gâteaux maisons et de tourtes fraîches aux épinards, comme nous baragouinons quelques mots de grec. Ah oui, essayez vraiment avant votre départ de France de potasser un peu l’alphabet et le vocabulaire de base : en Grèce on parle grec, pas anglais. Les locaux y sont très sensibles et vous verrez tout d’un coup arriver sur votre table des petits suppléments offerts de bon cœur, des vieux papis grecs vous sourire sur les chemins de rando et vous offrir des fruits de leurs vergers pour remercier vos efforts. Cela ne coûte pas grand-chose et vous passerez un peu moins pour des touristes « sea and sun ».

Sifnos distille son charme harmonieux au fur et à mesure des balades : elle n’a pas la vitalité de Paros, l’âpreté d’Amorgos, les contrastes de Milos ou la splendeur de Santorin. Elle reste un peu à l’écart, discrète, délicate et secrète. En fin de printemps, ses plages sont encore désertes, les petits villages (Artemonas, ancien quartier des puissants de l’île abrite de magnifiques demeures de maîtres et Kastro, l’ancienne capitale, vous racontera l’histoire médiévale de l’île) valent à eux seuls le déplacement. Les baies bien abritées cachent des petits ports où rien de semble avoir bougé depuis des décennies (Cheronissos, Faros, Vathy).

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Sifnos séduit ceux qui recherchent une île encore rurale, apaisante, où les insulaires sont plus nombreux que les touristes, et qui durant quelques jours savent se glisser dans le rythme nonchalant des rêveurs. On se pose à Sifnos, on arrête sa montre, on prend le temps de regarder les moutons passer en sirotant son ouzo et on médite comme un vieux sage.

 

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2 juillet 2011

Paros, Amorgos, Santorin, 10 ans après

J’ai découvert le visage des Cyclades à travers ces trois îles, au début des années 2000 (pas de photos, pas de numérique à l’époque…). Que m’en reste-t-il une décennie après ? Une sensation très nette de lumière, d’un contraste de couleurs qui ferait presque mal aux yeux, des bleus coupants, des blancs qui réverbèrent le soleil et éblouissent.

Paros est une porte d’entrée commode, pratique, parfaitement adaptée aux enfants. Grosse plaque tournante de ferries, elle est facile d’accès. Le port de Parikia est on ne peut plus fonctionnel et mélange de vieilles ruelles traditionnelles avec tout le confort que peut demander un touriste un peu exigeant. Bonnes adresses de chambres (coup de cœur pour la « Pension Sofia », un poil cher mais au petit soin pour les visiteurs), chouettes tavernes (Ah, les baklavas de « Boudaraki » !), des tables plus élaborées (« Levantis »), juste ce qu’il faut d’activité et d’ambiance le soir (cafés sympas, bonne musique…). Les plages de sable fin et blond sont légions (Pounda, Golden Beach, Logaras…), les villages du centre de l’île, des plus typiques (Lefkes, Podromos) et Naoussa (port de l’île célébrissime depuis que des peoples français y ont élu domicile) ne devraient pas vous décevoir. Paros ne demande aucun effort, tout est à portée de main, ou de bus et permet un premier contact attrayant avec les îles.

Pas du tout la même ambiance à Amorgos, où on effectue un bond dans le temps. Pour les amoureux de la nature, des grandes balades, du calme, il s’agit d’une île de choix, encore préservée et authentique. Tout le monde a vu le film de Luc Besson, donc, tous les français connaissent le Chora et le monastère de la Panaghia Chozoviotissa. Aussi beaux que sur la pellicule ? Oui, encore mieux. On trouve à s’y loger dans l’un des deux ports d’arrivée Aegiali et Katapola. Nous avions choisi l’hôtel « Voula Beach » à Katapola (bonne adresse), coquet petit village plus attachant d’Aegiali. Là aussi on trouve de très vieux villages (Lagada, Tholaria et Potamos) mais très peu de belles plages de sable facilement accessibles. Je me souviens que nous prenions un caïque à Katapola pour nous rendre sur une petite crique bien tranquille (hors saison, cela va sans dire) et qu’aucune autre plage de nous avait transportés, si ce n’est une, située au sud (voiture recommandée). Mais on vient à Amorgos pour ses randonnées (la moyenne d’âge des touristes n’est pas du tout la même qu’à Paros…) : il y en a pour tous les mollets, tous les poumons mais je garde de ses heures passées à battre les collines en respirant le thym et la sauge, sous le cagnât, le sentiment que l’île nous appartenait un peu.

Faut-il tout de même se rendre à Santorin, quand on aime les îles brutes et sauvages ? Malgré tous les défauts de Santorin (exploitation touristique débridée, prix ahurissants, villages avariés par les marchands du temple), elle est unique, exceptionnelle, assez magique en fait. Logez à Firostefani, rien que pour le plaisir d’arpenter la corniche jusqu’à Fira. Lorsque la nuit tombe, la féérie se met en marche, le coucher de soleil sur la Caldera méritant à lui seul le déplacement. Quant à la grande balade entre Fira et Oia elle vous laissera un souvenir mémorable.

1 juillet 2011

Orta San Giulio

Si vos pas vous mènent dans le Piémont, dans la région des lacs, approchez-vous du petit frère du lac Majeur, il lago d’Orta. Je le fréquente depuis quinze ans, à toutes les saisons, de préférence en hiver ou au printemps, quand les hordes des cars de touristes ne sont pas encore de sortie (un immense parking a vu le jour il y a 8 ans, les tours opérateurs comprenant soudain tout l’intérêt de l’ajouter à leurs circuits). Hors saison, il dispense une atmosphère rare. Sur les rives de ce petit lac, étiré au bord de l’eau, s’étend Orta San Giulio, minuscule village médiéval que l’on parcourt à pied, les semelles claquantes sur les pavés mal taillés : ruelles étroites et sombres, arcades, loggias, portails de fer, vieux palazzi décrépis, toits de pierre, senteur de bois humides et de feux de cheminée en décembre, parfums entêtants de glycine en avril : en son centre, la piazza où la vie sociale des habitants s’organisait (le vieux tribunal du XVIème est toujours bien assis sur ses colonnes et orné de fresques). Une halte est alors indispensable sur cette place inondée de soleil, le temps d’un Campari soda. La vue en impose, en droite ligne sur l’isola di San Giulio, ou domine la basilique du XIIème. Selon la légende, au  IVème siècle, Saint Jules débarrassa l’île de ses serpents et autres bêtes peu cordiales après avoir traversé le lac sans se mouiller et y fonda une première église.

Si l’on marche un peu vers le sud, en quittant la place, on suit la rive du lac où s’alignent de très belles villas et leurs jardins en étages, croulant sous la végétation. Cette partie du village témoigne de la bonne santé financière de ses occupants, qui retapent, restaurent, embellissent et prennent soin d’un patrimoine qui mérite d’être sauvegardé.

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