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Le Présent Défini
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18 avril 2014

Anatomie de la mélancolie de l'Ouest… Robert Adams

Intro

L’endroit où nous vivons, exposition de Robert Adams

Musée du Jeu de Paume

Jusqu’au 18 mai 2014

Très ardu en ce moment d’éviter le battage, médiatique et ultra-people, des deux expositions Mapplethorpe, qui sévissent au Grand Palais et chez Rodin. Je suis de plus en plus hermétique à la photo composée, aux clichés « regardez, je fais de l’Art ! », à cet artifice qui se concentre davantage sur le cadrage, la lumière, le grain, que sur le sujet.  J’ai donc fui les délires SM et les b…  en érection du New Yorkais, au profit du travail d’un autre américain, Robert Adams, nettement moins racoleur, mais plus en phase avec son époque.

Né en 1937 dans le New Jersey, Robert Adams est un chroniqueur discret et humble de l’Ouest américain : se méfiant du numérique et de ses possibilités infinies de tricotage de la réalité, il reste fidèle à l’argentique, au noir et blanc, à des formats raisonnables (15*15, 15*20) et passe de longues heures enfermé dans sa chambre noire à équilibrer ses tirages. Cette exposition est une sorte de rétrospective, un choix de 270 clichés issus d’une vingtaine de séries, toutes publiées en albums, au long de la carrière du photographe. Sujet de ce demi-siècle de travail, l’homme et son environnement, les stigmates irréversibles de l’empreinte humaine sur une nature longtemps préservée. Et le paradoxe assez inattendu que cette violation d’un monde encore vierge peut produire des images d’une beauté inattendue. Robert Adams ne recherche pas l’esthétique, l’artifice, mais une forme de réconciliation, un réconfort puisé dans la lumière naturelle qui magnifie des images effrayantes. Il est une sorte de pèlerin, arpentant le Colorado, l’Oregon, la Californie, témoin des paysages abîmés, détruits, profanés par l’homme, qui grignote les grands espaces à coup de déforestation et de constructions effrénées. Mais il le fait à hauteur d’homme, humblement, calmement, avec sobriété, sans claironner l’anéantissement programmé ni se poser en moralisateur qui sermonne. Car il sait faire partie de cette humanité irresponsable et complexe, dotée « d’une tragique propension au mal ».  « Je veux avoir de l’espoir si je peux aussi être dans le vrai » Nul besoin de forcer alors le trait pour sensibiliser ses contemporains. Ses photos de Denver (série What we bought), en proie à un développement chaotique de sa banlieue, relève plus du documentaire que de la composition : zones commerciales, lotissements en construction, parc de mobile homes, cafeteria, terrain vague jonché de détritus, tout transpire le vide, l’ennui, les installations bon marché, dans une plaine du Colorado asphyxiée par la main avide de l’homme. « S’agiter frénétiquement n’est pas nécessaire pour explorer le cœur de la vie. »

denver  denver 2

denver 3

Pas étonnant que Robert Adams voue un culte à Edward Hopper, « clef qui permet d’accéder à la sensibilité américaine, à la lumière, à l’espace, à la beauté des lieux inachevés et à la solitude. » Le photographe partage avec le peintre la pureté des lignes, des sujets apparemment insignifiants et la contemplation de la désolation dans le silence.

Adams 1

La série la plus poignante est sans conteste Turning Back, témoignage factuel du saccage de la forêt originelle du comté de Clatsop, en Oregon : larges saignées au bulldozer, collines ratiboisées, paysages désolés, sols jonchés de débris de bois, souches monumentales décapitées, on se demande quels combats effroyables ont ravagé cette forêt primitive avant de comprendre que la cupidité de l’homme est seule responsable. Adams voit d’ailleurs un lien entre « les coupes rases et la guerre », la destruction de milliers d’hectares enseignant une certaine forme de violence gratuite. C’est pourquoi il ne se laisse pas entrainer à célébrer la puissance des hommes et des machines, et à esthétiser le carnage. On croise quantité d’arbres dans les photos de Robert Adams : peupliers noirs, eucalyptus, aulnes, palmiers, car il a fait sienne cette phrase de Virginia Woolf, dans son livre de chevet, Vers le phare : « Et toutes les vies que nous avons vécues, et toutes les vies à venir, sont pleines d’arbres et de feuilles changeantes … ».

4  Foret 2

Arbres

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