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Le Présent Défini
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23 juillet 2014

Anvers - du gothique, du baroque... et Rubens !

Impossible de faire l’impasse sur la plus grande cathédrale gothique des anciens Pays-Bas méridionaux, construite au long de quatre siècles (1124 - 1520), depuis la modeste chapelle des origines jusqu’à l’imposant édifice qui se dresse derrière la Grand’place. Si la première pierre de l’actuelle cathédrale date de 1352, cette construction d’un nouveau bâtiment se fit sur les vestiges d’une ancienne petite église romane consacrée à Notre-Dame. La cathédrale affiche une allure un peu bancale, de l’extérieur, avec une seule et unique tour Nord de 123 mètres de haut. Les plus grands architectes se sont succédés sur le chantier, rivalisant d’audace pour mener à bien ce projet de prestige et clamer ainsi la toute puissance d’Anvers : sept nefs, 125 piliers, chœur élancé, déambulatoire à cinq chapelles, la cathédrale en impose. Un peu trop pour certains, puisque le lieu a subi coups du sort et dévastations, pour à chaque fois renaître encore plus beau : incendie en 1533, « furie iconoclaste » en août 1566 (les calvinistes apprécient peu le culte des images pieuses qu’ils associent à de l’idolâtrie et dévastent sans remords la cathédrale), interdiction du culte catholique par les protestants et mise à sac de la cathédrale au début des années 1580, et enfin razzia consciencieuse des Français en 1794, au nom de l’idéal républicain. Après chaque cataclysme, les commandes affluent de nouveau, on reconstruit plus riche, on embellit, on décore et on se retrouve aujourd’hui avec un assemblage d’éléments hétéroclites remontant à des époques diverses et formant un nouvel ensemble sans discordance marquée.

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Á la suite des dégâts majeurs opérés par les protestants, l’église catholique reprend la main et commande à Rubens cinq tableaux. Trois sont encore présents aujourd’hui, auxquels est venu s’ajouter un quatrième, transféré du Musée d’Anvers. Même sans être ordinairement transportée devant le pinceau de Rubens, j’avoue que la Descente de Croix fait son petit effet et mérite qu’on s’y arrête un long moment.

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 Á quelques pas de cette saillante construction, la rue vous mène sur une petite place bien jolie, la/le (?) Hendrik Conscienceplein (Hendrik Conscience, auteur anversois du XIXe siècle), bordée du beau bâtiment de la bibliothèque municipale et de l’église Saint-Charles Borromée (Sint-Carolus-Borromeuskerk). L’imposante façade, robuste, vaste, exubérante, rappelle étonnement les églises italiennes, furieusement baroques… en s’approchant, on distingue trois étages de colonnes, des niches, des statues, de l’ornement, du tarabiscotage et un emblème familier, IHS… ah, ben oui, pas de doute, entre les deux lieux de culte, nous avons fait un petit bond dans le temps ! Qui dit IHS, dit Jésuites, donc Baroque. Nous voilà au début du XVIIe siècle, lorsque la Contre-Réforme balaie l’austérité des protestants en laissant les artistes s’en donner à cœur joie. Pas étonnant donc, qu’on ait confié à Rubens le décorum extérieur, qui doit attraper le regard des passants et les ramener dans le droit chemin. Ce goût du mouvement, de la mise en scène, du faste, de l’exubérance, on le retrouve une fois la porte poussée. Si la nef claque un peu moins qu’espéré, c’est la chapelle de la Vierge qui porte le plus haut les codes baroques : marbre blanc, dorures, plafond et peinture de Rubens toujours (une copie, en fait !), statues, autel foisonnant, l’ensemble est fort d’effets visuels, de trompe-l’œil, de contrastes, d’énergie, autant de sources d’émotion qui rappellent aux croyants la grandeur de la religion catholique. Car si les protestants tiennent à distance les images et les enjolivements, les catholiques entendent bien se servir de leur puissance évocatrice.

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La nef a subi en 1718 les dégâts de la foudre, qui a réduit en cendre la voûte originelle, porteuse de trente neuf toiles de Rubens, ainsi que nombre de marbres. La chaire, les confessionnaux, les lambris sont postérieurs à ce jour funeste mais valent le coup d’œil : exaltation des valeurs de l’église dans les personnages, présence de symboles forts, compréhensibles par tous, combats dantesques entre le bien et le mal dans les compositions, la nef devient une scène de spectacle ; car contrairement aux églises gothiques conçues pour la déambulation et les processions (nefs latérales, chœur ouvert, maître-autel noble), l’église baroque oppose une nef large, dominée d’une chaire imposante, ouvragée, souvent allégorie d’un sujet biblique, pour donner toute son importance au prêche, au sermon, aux harangues, aux admonestations ! La célébration de la foi se métamorphose alors en dramaturgie…

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17 juillet 2014

Anvers - de deux maisons il faut choisir la bonne… Rubenshuis versus Rockoxhuis.

Lorsque l’on passe à Bruxelles, on va saluer Magritte, à Amsterdam, Rembrandt et Van Gogh, à Ostende, Ensor et à Anvers, Rubens. C’est sans doute le seul attrait notoire de cette ville qui m’ait laissée de marbre ; quand on aime Le Caravage, Le Greco et Zurbaran, le pinceau de Rubens, et ses anatomies féminines grassouillettes dégoulinantes, paraît à la fois épais et excessivement surchargé. Ça ne se discute pas, question de sensibilité. Mais si vous faites partie du fan club, vous allez atteindre l’extase, Rubens s’ingurgite dans moult églises et musées.

Á tout seigneur, tout honneur, la maison du maître, la Rubenshuis, que l’on ne peut ignorer, au vu de la longue queue multilingue qui s’étire devant. Autant la demeure de Rembrandt à Amsterdam m’avait un peu émue (comme quoi…), autant celle de Rubens m’a assommée : nous avons réussi à nous glisser entre un troupeau d’Allemands bruyants et un groupe d’Espagnols moins sonores pour tenter de nous imprégner de l’ambiance mais peine perdue, le soufflé est retombé avant même d’avoir levé. Car, il reste très peu d’éléments d’époque, la demeure, intacte jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, a été entièrement transformée depuis. Les  seuls vestiges ayant gardé leur aspect original, sont le portique en arc de triomphe et le pavillon du jardin (comme le mentionne le guide papier de la Rubenshuis, mais comme semble l’ignorer le Routard). Quant aux toiles du peintre, elles sont disséminées dans le monde entier… il faut donc se baser sur quelques éléments restants pour tenter d’appréhender le lieu, qui transpire un peu le m’as-tu vu, oserais-je dire le bling bling d’époque. Explications : Rubens rentre à Anvers après un voyage en Italie ; à 31 ans, il est déjà peintre de la Cour, riche, reconnu, diplomate, homme d’affaire et représentant officiel de sa ville natale. Il lui faut donc une demeure à sa mesure, qu’il va agrandir au fil des années, agrémenter, parer, pour devenir une vitrine de son rang, de sa puissance, mais aussi un investissement ; galerie des sculptures antiques, collection unique pour l’époque de peintures italiennes et flamandes des XVIe et XVIIe siècle, portique de statues… la maison flamande austère devient « palazzo italien baroque » pour incarner les idéaux artistiques de Rubens et recevoir les Grands de ce monde. On est bien loin de la vision romantique de l’artiste nécessiteux, maudit et incompris ! Alors y a-t-il vraiment un intérêt aujourd’hui à franchir le porche d’une maison qui, hormis son architecture extérieure, n’abrite plus les œuvres ni le quotidien de Rubens ? Certes, les salles transformées préservent de beaux objets, quelques toiles des contemporains de peintre, mais ça sent tout de même l’artifice : lorsque l’on traverse la chambre à coucher, la lingerie, les pièces à vivre, il n’est nulle part clairement indiqué que Rubens n’a jamais pu fouler un tel agencement. C’est bien dommage et très limite.

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Rubens doit une grande partie de sa bonne fortune à Nicolas Rockox (1560 - 1640), échevin et bourgmestre d’Anvers ; mécène, humaniste, collectionneur, il passe à Rubens d’importantes commandes pour les bâtiments les plus importants de la cité, l’hôtel de ville, la cathédrale, deux églises, mais aussi à titre personnel.  La demeure de ce généreux protecteur est devenue un petit musée fort plaisant, la Rockoxhuis. Elle abrite aujourd’hui son importante collection privée et certaines pièces marquantes du musée royal des Beaux-Arts, fermé pour cinq ans. Les quelques salles sont agencées d’une manière chronologique, telles des Cabinets d’Art qui auraient traversé les siècles : cabinet d’art du Moyen Âge tardif, puis Renaissance, Baroque, pour finir sur une dernière salle consacrée au cabinet d’étude, où, aux côtés des peintures, il y avait place pour les petits objets, les monnaies, les bijoux, les gravures et les livres. La disposition des œuvres picturales ne ressemble en rien à l’accrochage d’un musée ; elles occupent tout l’espace disponible sur les murs, comme on le faisait alors, enchâssées les unes aux autres comme les pièces d’un puzzle. Nulle hiérarchie entre les Rubens, les van Dyck, les Jordaens, les Brueghel, et les petits maîtres. C’est à chacun de s’approcher et de faire de belles découvertes, même si le nom de certains peintres sont moins connus (ou pas du tout…). Le musée fait aussi la part belle à du mobilier de très fine facture, coffrets à bijoux, armoires, petits secrétaires, vaisselles. Même si on imagine que la demeure de Rockox n’est plus tout à fait conforme à ce qu’elle était du temps de son prestigieux propriétaire, on est immergé dans ce Siècle d’Or anversois, qui a vu s’épanouir les arts, les sciences et la culture. Avec une délicieuse impression de changer d’époque, d’être pris par la main par un érudit très éclairé, qui nous fait partager son goût pour les pièces rares, dans le cadre intime de son intérieur quotidien.

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12 juillet 2014

Anvers - cité mariale

La présence manifeste de la Vierge dans une ville portuaire, fameuse pour son négoce et ses richesses, peut paraître déroutante : il suffit de lever le regard pour rencontrer, dans des niches creusées en façade ou à l'encoignure de deux rues, des statues de Marie, colorées, décorées, riches d'agréments et de fioritures : socles, dais, ornements végétaux, angelots adorateurs, lanternes vitrées, le lexique du décorum semble renvoyer à l'abondance et à la folie du baroque.

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C'est d'abord oublier que, dès le XIIe siècle, Anvers se met sous la protection de Marie, dont la ville fait sa Sainte patronne. Á partir du XIVe, le culte de la Madone connait un succès grandissant, qui atteint au XVIe un rayonnement considérable ; ce triomphe de la figure de Marie ne peut être réduit à une seule expression spontanée de piété. Elle fait suite au mouvement initié par la Contre-Réforme catholique visant à la glorifier, quand les protestants minimisent son rôle de médiatrice entre le Ciel et les croyants. Marie descend dans l'espace public pour triompher des réformateurs calvinistes, cimenter l'union des provinces des Pays-Bas méridionaux mais aussi souligner la toute puissance de l'autorité des Habsbourg. Elle s'assimile à l'identité de la ville, jusqu'à s'imposer sur des bâtiments laïcs, comme en 1587, lorsque la figure du héros local Brabo, vainqueur du géant Antigoon, est descendue de la façade de l'hôtel de ville, pour être remplacée par une Marie toute puissante !

La piété mariale des Anversois s'est d'abord exprimée par des processions festives, à l'occasion desquelles des représentations de la Vierge venaient orner les places, carrefours et ponts, à chacune des haltes des cortèges. Les statues publiques de rues, subsistant encore à Anvers, datent elles, du début du XVIIIe. Á partir de 1783, les mesures anti-religieuses promulguées par Joseph II*, qui souhaite soumettre l'Église à l'État, vont freiner la production de ces signes extérieurs de dévotion. Souvent vandalisées au cours du régime français, ces statues de façade furent cachées par les habitants et confréries de quartier, pour être réinstallées dès 1814.

On dénombrait encore 260 statues au cours du XIXe siècle, dont la moitié dans la vieille ville. Depuis la dernière guerre, il en reste une soixantaine, bien collectif et morceaux d'histoire.

 

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* Celui-là même qui trouvait dans les opéras de Mozart « trop de notes » !

7 juillet 2014

Anvers - incontournable MAS

Quand on est dans une ville pour trois jours, il faut faire des choix et souvent revoir à la baisse ses prétentions de visite. Le centre historique proposant pléthore de musées intéressants, on se gratouille le cervelet lorsqu’une matinée de libre a été prévue dans l’emploi du temps : balade le long de l’Escaut et visite des quartiers Nord, ou Sud ? Le Sud (Zuid) abrite bien le musée royal des Beaux-arts, mais il est fermé pour travaux jusqu’en 2018. Le secteur est fameux pour abriter le musée de la Mode et les créations des « Six d’Anvers* », sujet qui me passionne autant que la physique quantique et la dualité onde-particule (Pierre, désolée…        triste-10).

Nous ferons malgré tout un détour en vélo, pour remonter ces larges avenues bordées de bâtiments XIXe, qui convergent vers des places ornées de statues ou de fontaines. Le Zuid attire aussi les noctambules, dans les bars et restos branchés, les galeries et les entrepôts rénovés…  mouais, pas convaincus, pas séduits par le quartier qui manque un tantinet de caractère**, nous retournons nos guidons plein Nord. 

En suivant l’Escaut, on rejoint le Het Steen, reste d’un château construit à partir du XIIIe, fortifié au fil des siècles, pour protéger la frontière naturelle de l’Empire germanique qu’était le fleuve, devenu prison, puis musée, fermé en 2008 – plus grand’ chose à voir, donc. Il fait un peu château d’opérette (j’ai même cru un instant qu’il s’agissait d’une mauvaise reconstruction de pacotille, honte à moi !), un peu trop retapé et léché à mon goût.

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Passé le Het Steen, on circule le long d’une friche portuaire, où sont exposés des bateaux et des vestiges du passé industriel et maritime du port ; il me suffit de trois barcasses, de quelques vieux chalands, d’une gracieuse hélice, pour recouvrer un bel entrain, que le Zuid un peu fade avait émoussé. Bon sang breton ne saurait mentir !

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Á quelques encâblures, on arrive au bord du bassin Bonaparte, sur l’ancien port d’Anvers, d’où surgit le MAS - Museum ann de Stroom (musée au Fil de l’Eau), tour habillée de rouge et de verre, conçue tel un entrepôt vertical, un jeu de construction de conteneurs empilés. Cette protubérance un peu hautaine s’intègre parfaitement dans le décor, les architectes ayant pris soin de garder, pour l’esplanade qui s’étend autour du musée, les mêmes matériaux, des « pierres de sable », rouges et brunes.

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Chaque étage raconte l’histoire de la cité portuaire, du Moyen Âge à nos jours et ses échanges avec le reste du monde, grâce aux 470 000 pièces issues du musée national de la Marine, du musée du Folklore, du musée ethnographique et du musée royal des Beaux-arts, durant sa période de rénovation. Mais la « muséographie » est tout sauf académique, puisque même sa réserve de 170 000 objets non exposés est accessible au public : le MAS est considéré comme un lieu de vie, avec sa « promenade » extérieure, sa terrasse panoramique, son resto deux étoiles, sa salle des fêtes (nous y avons même croisé des Anversoises venues enterrer leur vie de jeune fille, habillées en bunny, chose que j’ai rarement vue au Louvre…). Les longs escalators qui mènent à la terrasse sont habillés d’une gigantesque expo photos sur l’exode des Belges durant la Première Guerre mondiale ; le visiteur n’est plus passif devant des petits clichés accrochés sur un mur, il est projeté assez violemment au cœur d’une tourmente qui le dépasse, au propre comme au figuré.

Cinq étages sont consacrés aux expositions permanentes, que l’on visite selon des thématiques et ses propres intérêts : Démonstration de puissance / Métropole / Port mondial / La vie et la mort (deux étages d’ethnologie existentielle, sans rapport avec Anvers). Nous nous sommes longtemps attardés au 6ème, superbe plateau rempli de maquettes de gréements, de bateaux de commerce, de cartes, retraçant les grandes heures du négoce anversois, avec le reste de l’Europe d’abord, puis avec l’Orient, enfin jusqu’à l’époque moderne où le conteneur devint une nouvelle unité de mesure.

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On passe facilement une demi-journée au MAS, sans voir le temps filer, car entre les niveaux, on ressort sur la promenade, on s’aère, on découvre la ville selon des points de vue différents, sous un ciel du Nord si changeant…

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* Ann Demeulemeester et Dries Van Noten sont les seuls que je connaisse.

** À moins qu’il ne s’harmonise pas du tout avec les images préconçues que nous avions d’Anvers, possible.

 

2 juillet 2014

Anvers - béguinage Sainte-Catherine... un peu d'histoire

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Lorsque Charles Quint décide d’étendre ses possessions au Nord de son Empire, ses ambitions sont contrecarrées, entre autres, par le duc de Gueldre, Charles d’Egmont (1467-1538), qui voit d’un très mauvais œil la remise en cause de son indépendance. Il combat avec acharnement la mainmise des Habsbourg sur son duché* et les États gueldrois refusent de se soumettre. Son successeur, Guillaume de Clèves, mènera en 1542, en retour,  une campagne de grande envergure contre l'Empereur du Saint-Empire romain germanique, dans le Brabant, en lançant 15 000 hommes sur Anvers. La ville choisira la tactique de la terre brulée, incendiant tous les bâtiments situés hors les murs, limitant les capacités de retraite des assiégeants. Peu rompues à l’art du siège, les troupes du duché de Gueldre lèveront vite le camp sur un échec cuisant, Anvers ne tombe pas. 

Mais le premier béguinage (begijnhof**), érigé en 1240 à l’extérieur de la ville, fera partie des débris calcinés. Les béguines achèteront en 1545 un pré, pour accueillir églises et nouvelles constructions. Il se visite toujours aujourd’hui, un peu à l’écart du centre d’Anvers, mais très facilement accessible en vélo en redescendant du MAS***. Rien à voir, certes, avec celui de Bruges ou d’Amsterdam, mais le béguinage d’Anvers, plus modeste, moins touristique, moins « carte postale » possède une atmosphère bien à lui : petites maisons de briques rouges construites autour d’un jardin, cours intérieures à l’abri de jolies portes, rue pavée, silence et sérénité. On a presque du mal à imaginer que les béguines ont disparu, tant le lieu ne semble pas avoir beaucoup bougé.

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Le routard termine son descriptif dans le guide, en s’interrogeant sur la dissolution de ces communautés de femmes. Pour ceux qui l’ignorent, cette vie en communauté a longtemps chatouillé le museau de l’Église : imaginez un peu, dès le XIIè siècle, des femmes (pas toujours veuves ou célibataires) décident de vivre regroupées en une communauté laïque, sans règle monastique, sans mère supérieure, sans clôture et sans former de vœux perpétuels. Elles sont libres, indépendantes, autonomes, et ne rendent de compte à personne. Elles travaillent, enseignent, soignent, prient, comme bon leur semble. Les dons affluent très vite, les béguinages sont riches. C’est ce qui gêne d’abord les monastères, qui voient filer sous leur nez des legs qui auraient pu accroître leur patrimoine : ils sont concurrencés par des femmes, qui cultivent émancipation et hardiesse. L’Église apprécie peu que l’on se détache de son autorité et décide de les mettre au pas, dés le début du XIVè. Elles sont soupçonnées d’hérésie, mises à l’index, certaines finissent même sur le bûcher, avec leurs écrits. La charité chrétienne n’est déjà plus ce qu’elle était…

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Les béguines disparaissent d'Europe, sauf en Flandres, où une bulle papale les autorise à perpétuer leur manière personnelle de vivre leur foi, sous la condition de se rapprocher de l’église et de faire un peu moins de bruit. La tutelle ecclésiastique masculine vient de tomber, les béguinages ne sont plus que de simples paroisses, qui disparaitront peu à peu, à compter du XIXè, semblables aux autres communautés religieuses.

Quand vous visiterez la prochaine fois un béguinage, ayez une petite pensée pour ces femmes qui, au Moyen Âge, ont ouvert la voie à bien des combats…

 

* En gros, le Nord Est des Pays-Bas actuels

** Le terme est attesté en latin au XIIIè - beguina et adapté du français en néerlandais beggen, réciter des prières d’une façon monotone 

*** MAS : Museum aan de Stroom, situé un peu au Nord en suivant l’Escaut

 

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