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Le Présent Défini
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21 mars 2015

Gand, une histoire de quais...

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En sortant du beffroi, nos pas nous ramènent vers la Lys et le pont Saint Michel, où nous n'étions pas seuls à mitrailler cette vue photogénique sur les trois clochers de Gant (la cathédrale, le beffroi et celui de l'église Saint-Nicolas), ainsi que le couvent des Dominicains, de l'autre côté. Certes, cette vue orne tous les guides de la ville mais lorsque les flèches gothiques pointent sur un ciel bleu acier, c'est un vrai saut dans le temps qui s'opère.

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Ce décor de conte perdure dans nos prunelles lorsque l'on glisse vers la gauche, vers ces deux quais emblématiques de l'imagerie de Gand : le Graslei (quai aux Herbes) et le Korenlei (quai au Blé). Le Graslei n'est autre que l'ancien port de Gand, bordé de maisons à pignons, toutes liées au commerce du grain - les Gantois ayant obtenus des privilèges commerciaux qui assuraient la fortune et l'approvisionnement continu de la ville en céréales. Le restaurant Belga Queen a d'ailleurs investi la Maison de l'étape du blé, datée du début XIIIème, imposant grenier trapu de pierres grises. Le quai aligne des demeures de styles variés, du Roman dépouillé au Renaissance plus tarabiscoté de volutes et d'arabesques : Maison des bateliers francs (reconnaissable à la caravelle de pierre au-dessus de la porte), des mesureurs de grains, des maçons, toutes méritent qu'on s'y attarde pour détailler leur façade. Entre deux bâtiments qui portent haut la toute-puissance d'une corporation, on passerait presque à côté de la minuscule Maison de la douane qui nécessite, pour percevoir les taxes, bien moins de mètres carrés que pour entreposer du grain.

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Sur la rive opposée de la Lys, le Korenlei est bordé de maisons plus tardives, baroques et classiques, témoins des évolutions de la société et de la perte des certains avantages : il faut attendre le XVIIIè pour que les bateliers non francs (comprendre non gantois) aient l'autorisation de transporter des marchandises sur la Lys et l'Escaut et s'organisent en corporation. Leur maison, rococo et coiffée d'un navire doré, n'a plus rien à voir avec la magnificence, l'opulence et le pouvoir des bateliers francs d'en face.

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De ces quais qu'on ne se lasse pas d'arpenter de jour de comme nuit, partent de petites embarcations pour des promenades sur la Lys et la Lieve. Nous avons eu de la chance de tomber sur un guide jeune et plein d'humour, heureux d'expliquer l'histoire de sa ville et ses transformations. C'est à faire surtout pour appréhender Gand d'une autre manière (les points de vue à hauteur d'eau sont très différents) et visiter les quartiers Nord, anciens cloaques bordant la Lieve où l'on déversait à peu près tout et n'importe quoi, et où l'espérance de vie ne dépassait pas quarante ans au début du XXème. Les restos et bars branchés mais discrets ont remplacé les tanneries et les ateliers, les bâtiments ont été réhabilités, le coin respire un calme étonnant à quelques centaines de mètres du centre de Gand. La luminosité est magnifique tout au long de la balade, jusqu'au Rabot, ancienne écluse fortifiée qui gardait l'entrée de la ville. Une parenthèse reposante bienvenue  qui n'est pas à négliger quand les mollets commencent à tirer !

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14 mars 2015

Gand, une cathédrale, un chef d'œuvre, un beffroi

Contrairement à Anvers, Gand est une grande cité au centre historique plus vaste. Il demande une bonne journée de visite, que l'on débute souvent par sa cathédrale, pour éviter la cohue devant le joyau "L'Autel de Gand", retable plus communément appelé "L'Agneau mystique". La cathédrale Saint-Bavon (Sintbaafskathedraal) ne laisse aucun souvenir impérissable. Il s'agit d'un bâtiment assez sobre de l'extérieur, presque modeste, doté d'une haute tour épaisse au-dessus du portail. Peu d'ornements, de fioritures, d'enjolivements. Construite sur les décombres d'une église romane du XIIe s. dédiée au Baptiste, elle s'agrandit, s'étend, se transforme au fil des siècles, subit les assauts des iconoclastes, les flammes de plusieurs incendies (elle en perd ses vitraux), et enfin, de gros travaux de restaurations.

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Elle semble aujourd'hui faite de bric et de broc, sans aucune unité : la crypte est romane, le chœur gothique, la nef et le transept gothique tardif, le maître-autel baroque et la chaire rococo. Elle empile trois matériaux successifs selon les moyens disponibles aux différentes étapes de sa construction, la pierre gris-bleu de Tournai, pierre blanche d'Alost, puis simple brique. Le déambulatoire longe 25 chapelles latérales dont deux méritent attention : la 15ème (à gauche du chœur), dédiée aux Saints Pierre et Paul abrite un Rubens - la seule toile de la cathédrale à avoir de l'intérêt -, qui illustre la conversion du Comte Adlowin, futur Saint Bavon, renonçant à sa vie dissolue (le peintre anversois a d'ailleurs donné ses traits au Saint protecteur de Gand) et la 11ème, qui a renfermé le fameux triptyque avant qu'il ne soit transféré dans la 25ème, mieux adapté à sa conservation.

La seule présence de "L'Agneau mystique" justifie d'une visite à la cathédrale. À la fois pour l'œuvre, unique et honnêtement magnifique, mais aussi pour ses légendes. Le retable à trois volets et vingt quatre panneaux, est une commande de l'échevin Judocus Vyd et de sa femme aux frères Van Eyck, Hubert et Jan (en 1420). Si le second est un peintre attesté, on ne connaît cependant aujourd'hui aucune autre peinture pouvant être attribuée à son frère ainé Hubert. La seule preuve de son existence est une pierre tombale dans la cathédrale, mais rien ne prouve, à l'exception du quatrain figurant sur le cadre du retable, sa paternité d'artiste. À partir de 1794, les Français sont alors maîtres de Gand, le triptyque sera tout à tour, démembré, transféré, vendu, légué au musée de Berlin, redonné aux Belges, caché, enfin reconstitué en 1919 ! Mais en 1934, les deux panneaux du volet inférieur gauche furent dérobés. Contre rançon, le voleur restitua l'un des panneaux, mais l'autre est à ce jour toujours dans la nature. Pour la petite histoire, durant la deuxième guerre mondiale, le retable fut retrouvé par l'armée américaine dans une mine de sel allemande, après que le gouvernement de Vichy, qui avait fait main basse sur le triptyque, l'eut transféré outre-Rhin. C'est un quasi-miracle que le retable soit parvenu jusqu'à nous sans autres dommages.

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Il est présenté au public ouvert et l'on tourne autour pour apprécier ses deux faces. Normalement, "l'Agneau mystique" ne se déplie que pour de grandes fêtes religieuses. Fermé, il est austère, et ne présente qu'une Annonciation (l'ange Gabriel est tout de même une splendeur), le portrait des donateurs et deux imitations de sculptures du Baptiste et de l'Évangéliste. Mais de l'autre côté, c'est un festival de couleurs qui vous claque à la rétine ! La peinture religieuse, si elle sert d'abord l'église, a aussi pour but la diffusion et l'adhésion à sa doctrine. Les fidèles doivent comprendre le message, et quoi de mieux qu'un tableau à la fois lisible et magnifique ! En haut, l'humanité (Adam et Ève), Dieu, la Vierge et saint Jean, des anges et en-dessous, l'Agneau, symbole de la rédemption de l'humanité.

Tous les visiteurs restent bouche ouverte devant le triptyque, saisis par la délicatesse des étoffes et des broderies, la précision du pinceau, la finesse de l'exécution, le raffinement des détails, la grâce qui émane du tableau, que l'on soit ou non sensible au sujet. Même si vous devez longuement faire la queue avant d'entrer dans la chapelle, c'est un monument unique de la peinture qu'il ne faut manquer à aucun prétexte. 

Pour nous remettre de nos émotions, petite halte devant la cathédrale pour déguster une bonne bière belge, avant de continuer vers la Halle aux Draps, datée du XVe, beau bâtiment gothique, flanqué de la prison et surtout du beffroi ; haut de 91 mètres, symbole du pouvoir civil et de l'autonomie administrative de la cité, il est flanqué à son sommet d'un dragon, gardien des privilèges et des chartes des libertés. On y grimpe en ascenseur, puis à pied depuis l'étage des cloches et de l'imposant bourdon, dont on voit clairement le mécanisme. La vue sur la vieille ville par temps dégagé est remarquable !

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10 mars 2015

Merci Florence pour ton vent de liberté… nous sommes toutes un peu orphelines aujourd'hui…

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3 mars 2015

David Bowie Is à la Philharmonie : de la forme, pas de fond

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On a beau se dire qu’on a passé l’âge des admirations éperdues, il est rassurant de voir que nous sommes nombreux à assumer une certaine fan-attitude, même quadragénaires. Car il y avait bien du monde vers midi à la Philharmonie, pour l’ouverture des portes de l’escale parisienne de la grande expo Bowie (on voit à quoi servent les RTT…). Petit regard en passant sur l’avancée des travaux du bâtiment Nouvel, toujours en chantier, toujours inachevé, toujours aussi froid – ce béton gris foncé brut sur les murs intérieurs de l’édifice et cette laque rouge glacée vous collent d’office un bourdon opiniâtre : ce n’est pas une Philharmonie, c’est un tombeau !

On avait alors d’autant plus hâte de plonger dans l’univers haut en couleur et singulier du chanteur anglais, cette exposition étant précédée d’une réputation flatteuse à chacune de ses haltes sur les cinq continents. Pour faire simple, trois cents pièces issues des archives privées du chanteur retracent le processus de création d'un artiste qui ne s'est jamais limité à son art de prédilection : le théâtre, la peinture, la pantomime, la mode, le cinéma, le design, ont à la fois nourri l'élaboration de ses métamorphoses successives mais lui ont aussi permis de mettre en scène ses personnages dans un univers visuel en cohérence avec sa musique. Tant que Bowie scénarise ses albums, se dédouble jusqu’à disparaître derrière le Major Tom, Ziggy, Aladdin Sane, Halloween Jack, The Thin White Duke, ou joue les avant-gardistes à Berlin, la musique est à la fois insolite, inventive et remarquable. C'est pourquoi, comme je l'avais plus longuement expliqué ici, je décroche dès que l'imagination se tarit et que le novateur cède le pas à la machine à cash, puis au vide sidéral (tout se qui vient après Scary Monsters). L'exposition fait donc la part belle à cette flamboyante décennie des 70', qui rassemblent les plus grands albums de Bowie. Mais que vaut-elle vraiment ?

Après une première salle consacrée aux jeunes années, aux influences musicales des débuts, la scénographie privilégie une mise en espace plus thématique, avec des salles consacrées aux alter ego, aux années berlinoises, aux films tournés par le chanteur, aux influences théâtrales, à l'écriture aléatoire de certains textes avec sa propre méthode de cut-up, autour de costumes de scène tous plus fous les uns que les autres. On déambule casqué, chansons et interviews dans les oreilles selon les endroits traversés. Les murs, les vitrines, sont tapissés de photos, de pochettes de disques, de manuscrits originaux, de partitions, de dessins. Le numérique (vidéos, projections 3D) permet de donner vie à l'expo et de présenter ainsi aux plus jeunes visiteurs des performances live qui ont fait date. Seulement voilà, cette "biographie" par l'objet a tout de l'hagiographie un poil crispante, conçue d'une manière trop lisse.

En premier lieu, la Philharmonie dispose d'un espace d'exposition plus petit que le Victoria and Albert Museum où a été élaborée l'exposition en 2013. Résultat, on se sent un peu à l'étroit dans un espace confiné, très très sombre, blindé de visiteurs. On se presse pour lire les descriptifs des pièces, on joue des coudes pour déchiffrer les textes écrits et corrigés de la main de Bowie, on fait la queue devant les projections. Limiter davantage le nombre d'entrées eut été salutaire mais visiblement incompatible avec l'amortissement du coût du bâtiment. Dommage.

Ensuite, si fort que j'aime l'artiste, j'ai un peu de mal à admettre une tendance à l'idolâtrie la plus primaire ; les commissaires de l'expo n'ont aucun souci à mettre sous vitrine, telle la relique d'un Saint, un mouchoir tâché de son rouge à lèvre... par contre, on gomme volontairement tout ce qui fait le sel d'un artiste, ses contradictions, ses aspérités, ses faiblesses, ses mensonges, ses vilénies. Transformer un simple mortel, si génial soit-il, - avec tout ce que cela suppose d'humanité donc d'imperfection -, en divinité polie, inabordable et incontestable, me paraît au mieux flagorneur, voire carrément malhonnête. Rien sur les errements douteux du Thin White Duke, sur ses sorties nauséabondes concernant Hitler, sur sa paranoïa de junkie, sur ses déclarations empreintes d'un paradoxal conservatisme, sur les aléas de sa sexualité et ses reniements tardifs, qui ne trompent personne. Rien ne doit dépasser, tout doit bien tenir dans les cases, shut, ne surtout pas parler de ce qui viendrait écorner l'image du mythe.

De plus, je fais partie de ceux qui sont restés sur leur faim d'un point de vue musical, car Bowie est avant tout un auteur compositeur interprète. Certes, il dépense beaucoup d'énergie à contrôler son image et celle de ses doubles, mais on espérait une autre mise en valeur de son travail de musicien : composition, enregistrements, concerts... ces domaines sont à peine esquissés, les années Berlinoises, pauvrement illustrées ou d'une manière anecdotique. Affleure presque l'impression d'un total isolement de Bowie sur la scène musicale. Quid de ses musiciens, de ses affinités, de ses amitiés avec d'autres artistes ?  Je veux bien que l'exposition privilégie les influences visuelles (mode, cinéma, théâtre) mais son mécanisme créatif ne peut être exempt d'interactions avec d'autres musiciens.

Je n'ai ressenti en définitive que peu d'émotions durant cette heure et demie passée en compagnie d'un "certain"  Bowie qui ne ressemble par tout à fait au mien : trop de révérence, de froideur, aucun background social ou politique (les personnages de Bowie sont nés en rébellion à une certaine société - sujet totalement passé sous silence), beaucoup de mode et peu de son, et des priorités données à des sujets de médiocre intérêt (une salle complète pour les années MTV, on se pince pour y croire !). Mais en sortant, dans cette dernière salle obscure qui projette sur les murs des vidéos de concert, j'ai enfin senti un frisson me parcourir, de la nuque au bas des reins. Oublié le mégalo qui archive jusqu'à ses mouchoirs, le maniaque qui opère un contrôle absolu sur sa production, on retrouvait une bête de scène halluciné crachant Rock and Roll Suicide comme un damné...

 

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