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Le Présent Défini
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19 novembre 2015

Fragment d'un voyage immobile... vers la léthagie.

BoussoleBoussole, roman de Mathias Énard

Actes Sud, 2015 - Prix Goncourt 2015

 

Quelle consternation ! Quelle déconvenue ! Trois ans d’attente depuis le dernier opus pour 378 pages indigestes, asphyxiantes, inabordables. Si fort que j’aime Mathias Énard, si idolâtre que je sois de ses précédents livres, il m’est impossible de défendre celui-ci, qui m’est tombé des mains par trois fois, et dont je ne suis péniblement venue à bout que par déférence envers l’homme de plume ; un pensum, un Himalaya de l’ennui, - d’aucuns* l’ont même élu somnifère de l’année -, un gavage forcé qui vous laisse hébété.

Comment parvenir à assommer à ce point un lecteur quand on lui parle d’avant et d’ailleurs, du XIXème et des rêves d’opium, de Palmyre et d’Istanbul, de Liszt et de Mahler, de Rimbaud et d’Annemarie Schwarzenbach ?

On aurait tant aimé retrouver dans Boussole, un peu de cette poésie, de cette grâce, de cette délicatesse de style dont Mathias Énard faisait preuve pour nous raconter Michel-Ange, et ses projets de pont sur la Corne d’Or. Mais à trop vouloir nourrir son propos, à radoter un peu aussi, à laisser filer sa plume sans contrôle ni relecture (combien de fois retrouve-t’on le mot « altérité » ? - j’ai cessé de compter à 15…), l’écrivain passe à côté d’un grand ouvrage.

Le livre (je n’ose dire roman, puisqu’aucune trame, aucune histoire ne vient soutenir l’édifice) se confond avec le monologue et les divagations d’un musicologue insomniaque viennois durant une nuit pluvieuse, qui vient d’apprendre que ses jours sont désormais comptés. Le quadragénaire rumine son infortune, fait le bilan d’une carrière universitaire sans grande envergure et reconstruit ses souvenirs du Proche-Orient, sillonné au hasard de ses postes, lorsqu’il n’était encore qu’un jeune chercheur. Et surtout, il s’adresse à sa belle inaccessible, une Orientaliste de renom qui fuit toujours plus à l’Est, avec qui les rendez-vous manqués furent légion.

Alors, indéniablement, globe-trotter formé aux Langues O’, familier de l’arabe et du persan, chercheur en Turquie, Syrie et Iran, Mathias Énard maîtrise son sujet et insuffle à son livre le vécu de ses rencontres, de ses découvertes et son savoir encyclopédique. Mais sans se demander à aucun moment si le lecteur moyen peut le suivre dans ce catalogue étouffant de références livresques, d’anecdotes, de culture démente, d’érudition si pointue qu’elle en devient infernale.

Les rêveries du musicologue sont une suite de digressions sans fin, de détours prompts sur un détail, de cabrioles impétueuses, de virages en épingle à cheveux, comme une bille de flipper hors de contrôle qui ricoche frénétiquement. Mathias Énard manie de plus un « name dropping » continuel un peu crispant : sur deux simples pages qui précèdent le récit du dernier concert viennois donné par Beethoven déjà atteint de surdité, il est capable de suivre soudain une idée et de rebondir sur pas moins de vingt cinq noms, de Hammer-Purgstall à Louis-Philippe, en passant par Beethoven, Dr Glossé, A. et T. Apponyi, Chopin, Liszt, Sand, Balzac, Hugo, Lamartine, Metternich, Napoléon, Talleyrand, Goethe, Hafez, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Strauss, Schönberg, Rückert, Jalal od-Din Roumi, Louis XVI et Louis XVIII ! Cela devient totalement apocalyptique lorsqu’il s’amuse ainsi avec des compositeurs, poètes, traducteurs, philosophes, diplomates arabes, voire des leaders de tribus bédouines, de nous connus ni des lèvres ni des dents : pas une note, pas une ligne biographique, le néant, on navigue en terre inconnue.

S’attacher aux personnages est difficile, tant leur seule raison d’être est d’étaler continuellement leur bagage doctoral, même lorsqu’ils se draguent, qu’ils s’adonnent à l’opium, qu’ils fréquentent les bordels, qu’ils fouillent des sites archéologiques, qu’ils organisent des nuits à la belle étoile, ou qu’ils perdent pied dans des crises de folie. Sont-ils verbeux et pédants ! De plus, tous répondent à un schéma préétabli qui confine à la caricature ; la belle est évidemment sublime, brillante, insaisissable, multilingue, incarnant à elle seule toutes les saveurs de l’Orient, les chargés de thèse sont vieux et libidineux, les archéologues trafiquent les œuvres d’art en sahariennes et foulards couleur crème, les chercheurs abusent des paradis artificiels et finissent timbrés…

Mais qu’est donc censé servir ce colloque perpétuel pontifiant ? L’Orient, ou plutôt les relations entre Orient et Occident, leurs limites floues, leurs enchevêtrements, leurs allers-retours culturels, les échanges et les emprunts ; « sur toute l’Europe souffle le vent de l’altérité, tous ces grands hommes utilisent ce qui leur vient de l’Autre pour modifier le Soi, pour l’abâtardir, car le génie veut la bâtardise, l’utilisation de procédés extérieurs pour ébranler la dictature du chant de l’église et de l’harmonie ». Ainsi, la musique s’enrichit de ces dialogues constants où elle va et vient, adoptée, renouvelée, puis renvoyée dans sa culture d’origine où elle séduit encore davantage, comme s’il y a avait du soi en l’autre. Pas d’Occident dominateur ni d’Orient dominé, car l’Orient est une construction, une illusion, un ensemble de représentations dans laquelle chacun puise à l’envi. C’est à Lucie Delarue-Mardrus que nous devons cette phrase extraordinaire : « Les Orientaux n’ont aucun sens de l’Orient. Le sens de l’Orient, c’est nous autres, les Occidentaux, qui l’avons. » L’Orientalisme n’est en fin de compte qu’une construction mentale, une rêverie, une déploration, une exploration toujours déçue. Tous les voyages vers l’Est sont une confrontation  avec ce songe. Il y a même un courant fertile qui construit sur ce rêve, sans avoir besoin de voyager. Heinrich Heine glissera à Liszt avant son départ pour Constantinople : « Comment ferez-vous pour parler d’Orient quand vous y serez allé ? »

Nombreux furent ces orientalistes tentés de guérir leur mélancolie foncière par cet ailleurs ; la quête de soi au travers des autres… Peine perdue, ils se sont fracassés sur leur propre exil.

 

* Je parle de vrais lecteurs, pas de la presse cireuse de pompes.

 

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14 novembre 2015

Les loups sont entrés dans Paris...

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10 novembre 2015

Naxos - du centre à la côte Est

B. et F. m'ont fait remarquer que j'étais un brin vacharde avec Naxos et que l'île avait tout de même quelques ressources pour visiteurs exigeants. Certes. Mais il faut basculer à l'opposé du Chora, pour goûter d'une tout autre atmosphère.

Une fois passée "Halki-la-surfaite où il n'y a rien à voir", il est bon de se perdre dans les villages de l'intérieur, accrochés aux collines, dont la saveur toute simple vous raccommode sur le champ avec une certaine Grèce. Filoti, Apiranthos*, Keramoti, Koronos, Koronida distillent un vrai charme, l'air de rien, modestement.

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Il n'y a pas grand' chose de vraiment sensationnel à y voir mais c'est un délice de se perdre dans leurs ruelles, de retrouver les papous qui s'embrouillent à une semaine des élections, d'acheter du fromage aux bergers du coin, de faire une halte sucrée après une jolie promenade, bref, de repasser au rythme hellène ; même architecture de maisons blanches blotties les unes contre les autres, de tours vénitiennes, de passages voûtés, de placettes ombragées, de balcons décorés, omniprésence de la pierre et du marbre... et du silence. Toute cette région très vallonnée est bien verte, recouverte de vignes, de vergers et d'oliviers et relativement préservée des hautes températures, car rafraîchie par les vents qui glissent sur le mont Zas (Zeus) et sur les chaînes de montagnes qui hérissent cette partie de l’île.

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D'Apiranthos, il faut bifurquer vers la droite pour retrouver de superbes plages DÉSERTES, encore à l'abri des alignements hideux de transats et de parasols : Lygarida, Lionas, Kleidos et surtout Psili Ammos, grande étendue de sable blond bordée de tamariniers, qui nous rappellera Molos, notre plage favorite de Paros. Enfin de grands espaces, du calme, une poignée de familles grecques, quelques nordiques et c’est tout.

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Si nous avons fini par enfin trouver le lieu parfait pour faire trempette, c’est le petit port de Moutsouna qui nous fera regretter d’avoir choisi un hôtel sur la côte Ouest. Moutsouna est l’ancien port d’Apiranthos, d’où partait l’émeri, extrait des mines des montagnes de Koronos. On peut toujours admirer le « chemin de fer aérien », construit à la fin des années 20, long de 9 kilomètres, haut de 40 mètres, qui reliait les cinq sites d’extraction aux calles des navires ; le transport n’était plus tributaire du relief escarpé, des crêtes et des à-pics, et les mulets pouvaient enfin souffler. La ligne restera en service jusqu’en 1978,  quand l’émeri perdra de sa superbe. Sur le port en lui-même, demeurent comme à Sérifos, les rails, les grues, les souvenirs des entrepôts. Moutsouna, outre la richesse de son passé, est un adorable endroit, coquet et tranquille où nous serions bien restés.

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Donc, petit conseil à ceux qui n’ont pas envie de passer leurs vacances dans le stress, le vacarme et le béton, entourés de businessmen aux dents longues qui vous voient venir de loin, posez-vous là !

* village natal du héros national Manolis Glézos

 

4 novembre 2015

Naxos - à boire et à manger

 

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Tout d’abord, où se loger à Naxos ? Pour ne pas être trop loin du Chora et du Kastro, nous avions élu le quartier d’Agios Giorgios, à 700 mètres au Sud du débarcadère, à un saut de puce de la plage du même nom. Le coin a dû être très beau, mais on a désormais beaucoup construit sur cette côte et vous n’y serez pas les seuls, même au milieu du mois de septembre. En fait, le cœur historique de Naxos s’est dilué, s’est étalé sur un bon kilomètre, avec des constructions modernes pas toujours de bon goût ; on est à des années-lumières de l’élégance de Parikia… de plus, le quartier d’Agios Giorgios est zébré de petites rues à angle droit où il est assez difficile de circuler en voiture, particulièrement de nuit. En conclusion, si je devais remettre les pieds à Naxos (non, cette éventualité confine en fait à l’impossibilité la plus absolue !), c’est sur la côté Est que je me poserais, j’en reparlerai plus tard.

Notre lieu de résidence était pourtant bien charmant (Hôtel Glaros), avec une déco soignée et recherchée, des matériaux nobles, une vaste salle de bain, le balcon sur la mer, un toit-terrasse bien aménagé… mais, de nouveau, ça n’a pas fonctionné. Tout simplement parce que nous avons rarement croisé une telle pingrerie : tout se facture à Naxos, même le sachet de thé ou la capsule de café de votre chambre, car il faut bien rentabiliser l’établissement au maximum. Le ticket d’entrée au 15 septembre est déjà pourtant de 100 euros la nuit sans le petit-déjeuner, mais le jeu est de faire fonctionner la machine à cash au maximum. L’hospitalité grecque, on repassera. Quand nous ferons la comparaison avec la générosité de notre Sophia à Koufonissi, quelques jours plus tard, l’addition de Naxos passera encore plus difficilement. L’anecdote finale est, je pense, assez révélatrice d’une mentalité en pleine mutation. Le jour de notre départ, en attendant le taxi (oui, on ne vient pas vous chercher au port, hein, faut pas rêver non plus !), le propriétaire nous fait le laïus de départ « j’espère vous revoir… blabla… », et envoie son acolyte nous chercher un calendrier aux couleurs de l’île, qu’il fait faire chaque année pour ses clients, spécialement, par des artistes locaux. Nous retrouverons en fait le même calendrier dans une des librairies de Naxos, à côté du port. Le fourbe ! Nous sommes restés ici pour la seule et unique raison que nous avons été bien secoués, moi par une intoxication alimentaire, ma moitié par une bronchite, et que nous n’avions aucune envie de refaire les valises à la recherche d’une autre chambre.

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Côté tables…

- Coup de cœur :

Nostimon Hellas*2 (www.nostimonhellas.gr), sur Ioannou Paparigopoulou, dans la rue des restos qui descend de la place Protodikiou. Accueil, déco, ambiance, rien à redire, on y revenait même pour le jus d’orange et le yaourt au miel matinal. Excellente Matsata (les tagliatelles de Folégandros) pour moi, bœuf au Mavrodafni pour J-P, aubergines au sésame et au miel… tout est délicieux. Les mets sont fins, agrémentés d’herbes, avec des sauces ou des pestos élaborés ; ici, on cuisine vraiment et on prend soin des clients avec un grand sourire. L’addition n’est pas celle d’une taverne mais sans exagération non plus.

- Vaut le détour : 

Scirocco*3 (www.scirocco-naxos.gr), place Protodikiou. 

Gros a priori devant ce lieu toujours blindé, qui bourdonne, qui s’agite, où le Grec est une langue ultra-minoritaire, bref, qui a tout de l’usine à touristes. Et pourtant, qu’est-ce-que c’est bon ! Une assiette de mezzés pour deux et une grande salade de figues et de fromages de Naxos suffisent largement à vous rassasier. On retrouve ici tous les plats traditionnels de taverne mais un peu « dégrossis », « revisités » et on y revient sans se poser de question. Accueil speed avant 22h30, venir ensuite pour entendre parler autre chose que l’anglais, l’allemand ou l’italien.

Taverne Nikos, tout près de la place Protodikiou

Taverne familiale typique où ça dépote ! Plats consistants, portions généreuses, excellentes viandes selon mon carnivore, bon niveau sonore, rien d’original en somme mais un lieu où l’on se sent bien et où l’on sait par avance que l’on ne sera pas déçu. 

- Peut mieux faire :

Maro, à côté du précédent… mais préférez le précédent.

Autre taverne grecque mais un peu brut de décoffrage. On vient dîner pour se nourrir, certes, mais aussi un peu pour faire danser les papilles. Là, on ne sort pas des Pastitsio/Moussaka/grillades et on aimerait un peu plus de prétention culinaire. Addition toute légère, au contraire de votre estomac bien lesté.

To Elliniko*2 (http://www.toelliniko.com), plus bas que Nostimon Hellas, dans la même rue.

Pour nous, un restaurant très surévalué et inégal. Certes, on dîne dans un petit jardin charmant et agréable mais le lieu devient une grosse machine à produire, où la qualité peut laisser à désirer. Si notre premier dîner de poisson était tout à fait correct (faire griller un calmar n’est pas non plus un grand exploit), le second a été moins réussi : entrée trop salée, agneau kleftiko trop gras et pas assez cuit (un comble) et tourte aux épinards mollassonne. Un soir "sans" ou un resto qui somnole sur son passé ?

- Á fuir :

Anna’s Organic Shop & Garden, la voisine de To Elliniko 

Présenté par le Routard comme le lieu rêvé pour un petit déj’ sain et savoureux. Quinze minutes se passent avant que la dame daigne s’intéresser à vous. Pas de jus d’orange frais et pas de yaourt, alors que l’île en produit de savoureux. On a décampé !

O Giannis, à Halki, sur la place.

Halki est le village touristique le plus surfait de Naxos, avec ses trois ruelles, ses deux placettes… et ses églises byzantines fermées. Les locaux attendent le chaland sur le pas de leurs boutiques de souvenirs sans intérêt et tout le monde finit par se retrouver sous la vigne qui pendouille dans la seule taverne ouverte en septembre le midi, assurée de faire salle comble. Service totalement à la ramasse (entre le détachement et le dédain) et cuisine limite. Je dois à cet endroit une nuit… difficile (la pharmacienne m’expliquera que c’est ce qu’il arrive avec des épinards mal ou pas lavés avant de les cuisiner !). De retour, j’ai vérifié sur un site bien connu le ressenti des autres touristes. Je me suis sentie soudain moins seule. 

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Enfin, si vous fréquentez Plaka Beach, le petit coin de plage non colonisé par les rangées de transats et de parasols, la Taverna Paradiso (www.naxos-paradiso.gr) est tout à fait recommandable, simple mais très sympa. Le propriétaire possède aussi les deux hôtels voisins, bâtis en front de mer (et au détriment des dunes…)

 

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