Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Présent Défini
en cours de lecture

CVT_Eroica_5928

Visiteurs
Depuis la création 204 058
30 mars 2016

Le Magne, suite et fin - Les bergers ont toujours raison

"Νομίζω ότι είμαστε χαμένοι"*, la phrase du séjour ! Impossible de dire combien de fois nous avons tourné en rond, fait volte-face, ou demandé notre chemin pour tenter de nous repérer sur les petites routes. S’il faut être vraiment distrait pour se perdre sur la seule voie qui fait le tour de la péninsule, c’est tout de suite une autre histoire lorsque que l’on s’engage sur les chemins de traverse. J’avoue que mon sens de l’orientation est en coma dépassé, que pour moi, il y a la droite, et "l’autre droite", et que la beauté ensorcelante des paysages n’aide en rien la concentration sur la carte. Fort heureusement, quand les panneaux sont délavés, imprécis, ou un peu malmenés par les vents, il y a toujours une gentille mamie ou un berger tombé du ciel pour vous mettre dans la bonne direction ou vous conseiller de le suivre sur les hauteurs pour voir... Pour voir un sublime petit monastère en ruines (comme je les aime, pas trop retapé à la bétonneuse, mais en état de légère déliquescence naturelle - à l’exception de la chapelle rénovée, protection des fresques oblige), qui domine toute la baie de Kotronas, sur la côte Est. On monte d’abord par le petit village de Gonéa, construit au XVIIe par une célèbre et très ancienne famille crétoise (les Kallergis) qui fuyait les persécutions ottomanes, village aujourd’hui abandonné et désert. Le monastère Μεταμóρφωσης του Σωτήρος, construit au XIVe, est perché tout là-haut, au bout d’une route cimentée praticable, offrant une vue à couper le souffle (et aussi un très bel observatoire naturel pour scruter la mer et de possibles envahisseurs).

IMG_1380

IMG_1379

IMG_1374

(ruches construites en pierres)

Le berger qui nous a ouvert la voie, une fois ses bêtes abreuvées, se posera sur un bout de muraille et n’en bougera plus, buvant du regard ce panorama exceptionnel. Le monastère a, quant à lui, un charme fou. L’ensemble des bâtiments est fortifié, ceint d’un rempart sérieux, à l’abri duquel les habitants du coin pouvaient se réfugier. L’architecture intérieure est encore bien lisible (cellules, cuisine, réfectoire...), et c’est un vrai plaisir de déambuler entre les pierres, de passer sous les ogives, de grimper les escaliers qui s’envolent aujourd’hui vers le bleu du ciel. Le point fort du monastère se trouve dans sa petite chapelle, avec des fresques bien conservées, fantasques et fantastiques aux couleurs encore claquantes (admirez...).

IMG_1359

IMG_1364

IMG_1365

Toujours sur cette côte Est, deux petits villages, certes moins remarquables que Vathia, valent qu’on s’y arrête pourtant : Flomochori, et plus au Sud, Lagia. Bien dans leur jus avec leurs tours de pierres, une architecture harmonieuse et cohérente, sans doute rien de singulier, mais une belle atmosphère, et toujours ce sentiment d’être seuls au monde en ce mois de janvier quand on arpente leurs ruelles pavées.

Le paysage grandiose du Magne est aussi parsemé d’une foultitude d’églises dans les villages, mais surtout dans la campagne ; elles se cachent au creux d’un vallon, dans le repli d’une colline, derrière un renflement rocheux. Elles sont le plus souvent toutes simples, basses, trapues, solides, ornées de motifs décoratifs en briques à l’extérieur, et de fresques plus ou moins bien conservées à l’intérieur. En remontant du cap Ténaro vers Aréopolis, sur la côte Ouest donc, nous sommes tombés sur trois petites merveilles.

D’abord, Aghios Stratégos, datée du XIe, à Ano-Boularioi. Il faut partir vers la droite, commencer à grimper au-delà du village pour la découvrir lovée dans une ornière de la pente rocheuse. Les pierres plates, qui recouvrent une partie de son toit, la camouflent encore davantage des curieux, et l’agrègent parfaitement à son environnement. Elle semblerait presque minéralisée, comme encastrée dans la montagne. Même si nous avons trouvé porte close, la beauté du lieu isolé et silencieux, l’allure de cette petite chapelle un peu rabotée, suffisent à justifier une visite, surtout quand le soleil d’hiver allume le vallon et projette l’ombre mouvante des oliviers sur la pierre claire.

IMG_1422

IMG_1423

Un peu plus au Nord, se sont les murets et les figuiers qui cachent une autre église du XIe, Aghios Soter, à Gardenitsa. Celle-ci n’a pas du tout l’humilité de la précédente, elle pointe haut sa coupole et son clocher. Piliers de marbre extérieurs, narthex ouvert, arches soulignées de briques, murs ornementés, dessins géométriques, mille détails attirent l’œil et retiennent le visiteur qui ne cesse de tourner autour d’elle (à l’intérieur, par grand’chose à se mettre sous la dent).

109878076  109878083

Enfin, en se rapprochant d’Aréopolis, arrêt à Dryalos pour sa double-église : Aghios Georgios et Phanéroméni s’emboîtent en angle droit, se serrent bien fort pour se donner un peu d’importance, tant elles affichent des dimensions de maisons de poupées, posées sur le bord d’une petite route de campagne.

IMG_1432

Vous en verrez beaucoup, de ces chapelles de pierres toutes simples, certaines à nef unique et sans coupole, comme un écho à l’austérité et la pauvreté de la région. Elles n’en sont que plus émouvantes.

thumb_IMG_1419_1024

 

* Je crois que nous sommes perdus.

Publicité
Publicité
15 mars 2016

"Tout poète se souvient de l'avenir"*

109509036

Ça va aller, tu vas voir (Κάτι θα γίναι, θα δεις - 2010), recueil de 16 nouvelles de Chrìstos Ikonómou**, traduites du grec par Michel Volkovitch

Quidam Éditeur, 2016 

 

« Je regarde mon fils et au lieu de voir devant moi je retourne au passé ; Et j’ai honte comme si maintenant c’était un crime, la nostalgie. Et je fais tout le temps des rêves de passé. Je rêve à ce que ça ferait si les choses s’étaient passées autrement. En principe on ne fait pas des rêves de passé mais d’avenir, non ?… Et le boulot mon vieux. Jour et nuit je vois des hommes brisés par le boulot. Des hommes fatigués effrayés. On dirait qu’on ne peut plus travailler sans peur. On dirait qu’on n’est plus payé pour vivre mais pour avoir peur. »

Amer constat de Tákis, serveur à Nikaia (ou Kokkinia pour les rebétès), banlieue populaire du Pirée minée par le chômage et la débâcle. Christos Ikonómou chronique la pauvreté, la faim, le désespoir des plus miséreux dans un quartier qui n’a pas attendu la Troïka et les plans de sauvetage pour sombrer. Seize nouvelles dissèquent les tranches de vie, les épreuves, les revers et les défaites de toute une armée des ombres qui tourne en rond dans les faubourgs d’un port qui s’essouffle. Les usines ferment, les chantiers débauchent, les ateliers disparaissent. Dans cette plaie béante, à vif, pas si loin des beaux quartiers encore en sursis, survivent comme ils le peuvent les laissés-pour-compte, les invisibles ; pas d’espoir néanmoins pour ces opprimés, la cigüe de l’humiliation se boit jusqu’à la lie, condamnés à tenir encore un peu, sans savoir pour quoi, sans savoir pour qui.

Cet enterrement de la classe ouvrière ne se fait pas sans heurts, sans drames, sans cruelle déception, sans trahison, sans dégoût. Tout est bon pour survivre, alors tant pis s’il faut piétiner un peu le voisin, voler moins pauvre que soi, retourner sa veste, fayoter avec les syndicats corrompus, tabasser ou tuer. Résister, protester n’est même plus de mise quand l’urgence de la survie contraint à pactiser avec l’ennemi. Quand un monde s’écroule et qu’au cœur de la tourmente on ne nourrit plus sa famille qu’avec les rogatons des autres, la rébellion devient un luxe très théorique.

Tous les personnages d’Ikonómou sont malhabiles à communiquer, à exprimer leur souffrance, qui les retient dans un mutisme asphyxiant, comme un hurlement muet. Le silence, la stupeur, l’hébétude imposent leur chape qui s’abat comme un éteignoir sur les relations humaines. On lit bien encore les poètes d’ailleurs, des contes lointains, on s’invente des histoires, on raconte ses rêves, tout est bon pour supporter l'insupportable, les souvenirs amers des jours heureux, les factures en attente, les appels des banques, les retards de versements, les appartements qu’on ne peut plus chauffer quand ils ne sont pas tout simplement saisis, les proches qui crèvent faute d’argent pour graisser la patte des médecins. Mais on tait le plus dur, on se terre sous les draps, on refuse d’avouer cette peur primitive qui colle à la peau, qui obscurcit jusqu’au ciel (le climat du Pirée s’ajuste méchamment aux désespoirs des hommes ; ce qu’il peut geler, tempêter, venter, pleuvoir à seaux dans ces quartiers perdus !). Cette frayeur unit tous ces pauvres bougres dont l’existence n’est plus que ruine ; « petit bout par petit bout ils me prennent tout ». Leurs vies se dissolvent irrémédiablement, sans que rien ni quiconque puisse la remettre à flot : « Mais maintenant Nίki a peur. Il y a plein de petites choses toutes petites qui lui font peur. Et puis cette douleur dans la poitrine. Comme si quelque chose était abîmé, décroché… comme un ressort cassé….elle observe les lignes de sa main… droites obliques tournantes. Certaines ressemblent à des barbelés, d’autres à des arbres déracinés. Certaines se croisent et s’estompent, s’arrêtent brusquement comme des routes qui mènent au bord du gouffre ».

Si le regard de l’auteur se penche sans pitié ni fards sur ces petites vies banales, c’est avec beaucoup de sensibilité qu’il leur garde leur humanité, dans ce qu’elle a de plus brutal quand il s’agit de subsister, mais aussi dans sa plus exquise et délicate expression quand demeure encore un peu d’amour ou d’amitié. Un ferrailleur « plein d’un vide incroyable » sait encore lever sa pancarte, tout seul devant un chantier fermé, un lundi de Pâques frileux, pour raconter au monde la mort cruelle de son collègue, même si cette pancarte reste désespérément vide. Un vieil homme, qui ne peut accepter la mort de son épouse, relave sans cesse robes et chemisiers pour garder un contact physique avec la défunte tant aimée. Les retraités se serrent les coudes au-dessus d’un brasero de fortune pour supporter la nuit passée à attendre que les portes de la Sécu s’ouvrent. Une femme est prête à coller ses mains à celles de son compagnon pour ne jamais être séparés, un père avale des clous par solidarité avec son fils envoyé en prison … et deux ouvriers récitent les vers de Miguel Hernandez, en sachant « qu’il y a des mains dans ce monde faites seulement pour tenir les rêves des pauvres gens et les serrer jusqu’à ce qu’ils fondent comme des glaçons ».

Christos Ikonómou utilise une langue très acérée, très précise, pour scruter les tourments des âmes en détresse, une voix forte et rythmée où l’existence des faibles peut s’accrocher. La ponctuation vole en éclat pour ne pas perdre de temps, les phrases tournent en boucle comme un cercle infernal sans issue possible, le tempo se fait chaotique, la parole se fragmente, et puis soudain revient à la longue sentence sinueuse, sans respiration, callée sur la suffocation de ses personnages sidérés.

 

* Jean Cocteau, in Le Journal d’un inconnu

** Chrìstos Ikonómou est un journaliste, né à Athènes en 1970. Il est l’auteur à ce jour de trois recueils de nouvelles.

*** La quatrième nouvelle « Et un œuf Kinder pour le petit » est un intense joyau funèbre de 12 pages, implacable. Á lire absolument.

 

8 mars 2016

Le Magne - les incontournables, ou presque

Le Magne étant une péninsule montagneuse, impossible de la parcourir sur sa largeur, sauf si bien sûr vous êtes partants pour faire souffrir vos jarrets, sac au dos, en passant par des cols à plus de mille mètres. La seule route, ponctuée de très beaux villages plus ou moins laissés dans la brume et le silence, s'ouvre à Aréopolis (la ville d'Arès), porte d'entrée du Magne ; on descend ensuite jusqu'au cap Tenaro, avant de remonter de l'autre côté jusqu'à Gythion. Nous avons passé trois jours à arpenter le lieu, la luminosité hivernale défaillante à partir de 17h tronquant les après-midi. Si nous avons d'abord suivi le chemin classique avec des étapes dans les principaux villages épinglés par le Routard, les deux jours suivants furent consacrés "aux sentiers de traverse", c'est-à-dire aux haltes coups de cœur, visites de chapelles, de monastères, de villages oubliés dont nous ignorons jusqu'au nom. Je ne peux donc que vous conseiller à la fois une très bonne carte au 1/30000 et le guide du coin en français de Georges Hassanakos (et oui, le montreur d'ombres de Gythion, encore lui !) pour tout ce que le Routard passe sous silence (et il y a pléthore d'oublis et d'ignorance). La brochure de l'ami Hassanakos "découvrez le Magne en 300 images" explore le lieu par thématiques : les forteresses, les châteaux, les tours, les monastères, les églises, les grottes, les gorges, les ponts... libre à vous ensuite, en fonction des photos qui ont accroché votre regard, de visiter ce qui vous a interpellé, selon vos goûts et votre humeur du jour.

Le périple a donc commencé par Aréopolis, l'une de nos rares déceptions du Magne... c'est peu dire que le charme n'a pas du tout opéré, conséquence d'une restauration bien trop léchée à notre goût. Le village de pierres a tout d'un décor d'opérette, fignolé, soigné, poli, sans âme quoi. C'est propret, repeint, retapé au cordeau, rien ne dépasse, tout est bien aligné donc monotone et sans saveur. C'est aux détails des anciennes demeures et de l'église des Taxiarques, sur la vieille place, qu'on se dit que le village a dû avoir un passé, avant d'être "touristisé" à outrance (chambres d'hôtes, boutiques, cafés...). J'aime que les choses soient dans leur jus, si décrépies soient-elles ; tant pis si les pierres sont par terre, que les murs s'affalent, que les toits s'écroulent, du moment que les bâtiments racontent une histoire. Le replâtrage coquet qui aseptise et gomme les aspérités, c'est franchement soporifique, puisqu'on ne peut plus laisser son imagination voyager et reconstruire mentalement comme il nous sied.

IMG_1214

IMG_1216

thumb_IMG_1217_1024

Nous avons ouvert en revanche de grands yeux quelques kilomètres plus loin, en bifurquant sur les hauteurs dans un village abandonné, ruineux comme je les aime. Une tour carrée, quelques maisons, de jolies ouvertures cintrées, de vieilles roues de pressoir, rien de moderne ou d'anachronique qui vient bousculer l'ensemble et saboter mes songeries galopantes.

IMG_1235

En descendant la côte vers le Sud, on arrive à Géroliménas, tout petit port de poupée pas trop rafistolé, totalement craquant hors saison. Pas un chat – enfin si, seulement des chats qui lézardent au soleil, des mamies bien burinées qui regardent le jour passer sur le pas de leur porte, et ce contraste très marqué entre la douceur du bord de mer et cette haute montagne, limite menaçante, où s’accrochent les nuages. Rien de fracassant à y voir certes, mais le village est harmonieux, apaisant, comme une accalmie bien heureuse dans ce paysage du Magne hérissé de tours et baigné de brouillard. Le Routard souligne lourdement « l’accueil déplorable et mercantile » des locaux. Pas d’accord du tout, nous resterons à papoter plus d’une heure avec une gentille dame bien avenante dans l’une des rares tavernes ouvertes, dame qui oubliera d’ailleurs de compter mon yaourt au miel sur l’addition de l’en-cas de onze heures et demie (trois mots de grec font parfois des miracles !).

IMG_1249

Il fallait bien se caler l’estomac avant le must, le joyau, la carte postale emblématique, le panorama imparable, le village tant attendu qui orne nombre de guides, Vathia. Je trépignais de le découvrir, persuadée que les clichés étaient tous retouchés pour donner cette atmosphère de décor fantastique que n’aurait pas reniée Louis II : hé bien non, le site est sublime dans le genre cité irréelle plantée sur un éperon délaissé, isolée au milieu de collines peinturlurées de mille nuances de vert. Les nuages qui défilent à tire-d’aile et le soleil qui joue à cache-cache modifient sans cesse l’ambiance du village délaissé, qui prend parfois un aspect presque inquiétant (j’imagine qu’en juillet avec des cars de touristes, c’est un peu différent). Le silence est impressionnant et on peut se sentir un peu oppressé par ses hautes tours qui dessinent des ruelles très étroites et qui éteignent encore plus les rares rayons de lumière. Nous avons passé une bonne heure à errer parmi les demeures en débâcle, ces vestiges d’une autre époque où les chefs de clan faisaient la loi du haut de leur nid d’aigle. Le temps s’est arrêté au-dessus de Vathia, où les traces des activités humaines sont encore bien présentes. Les décombres, les stigmates, les flétrissures ne revêtent pas le village d’un linceul ; ça respire encore, quelque part entre les pierres, et on douterait presque d’être les bienvenus…

IMG_1276

IMG_1272

IMG_1275

Pour prendre l’air après cette plongée dans le Magne rude et austère, la descente vers le cap Ténaro fait un bien fou. On peut s’arrêter à Porto Kagio, tout petit port bien planqué dans sa baie, très très calme en janvier… avant de filer vers la pointe, là, tout en bas. Les deux derniers kilomètres se font à pied, après avoir laissé la voiture en bout de piste. Le lieu prend alors vraiment des allures de lande irlandaise, surtout quand un gentil soleil retrouvé vient se balader sur les pierres et les herbes folles. Le bout du Péloponnèse s’arrête là, au pied d’un phare qu’on atteint en suivant une piste de terre rouge. Plus que cette fin de terre, c’est un petit sanctuaire hors d’âge dédié à Poséidon qui a retenu notre attention. Mais un Poséidon très ancien, tellurique, qui parlait alors aux morts et qui rendait des oracles, un « ébranleur du sol » (le cap Ténaro était d’ailleurs considéré comme une porte d’entrée des enfers). Aujourd'hui ce petit temple, devenu entre temps chapelle, n'est plus qu'un tertre de pierres arrondi, qui recueille les offrandes de tous ceux qui viennent saluer des Dieux d'un autre temps. Il s'inscrit ici comme un ressouvenir séculaire, gardien d'un paysage grandiose, sauvage et primitif.

IMG_1283

IMG_1287

IMG_1285

 

2 mars 2016

Athènes, année zéro

Sur ce blog, les billets d’humeur se font très rares – pas envie ni besoin d’étaler mes états d’âme.

Pourtant, la décision de Bruxelles de lever aujourd’hui 300 000 000 d’euros en 24 heures pour la Grèce (en court-circuitant totalement le Parlement !) mesure la panique qui règne en haut lieu. Imaginer un seul instant qu’il s’agisse d’une largesse faite la main sur le cœur serait bien naïf : Bruxelles vient de ratifier la « mutation » d’un pays européen en gigantesque camp de réfugiés. C’est officiel, c’est gravé. Tsipras est prié de garder les « indésirables » chez lui et on dégaine pour cela le chéquier, comme on a tenté de le faire avec Erdogan (avec les résultats que l’on sait). L’Europe admet qu’elle a minimisé la crise, que 2016 va être très compliquée et que faute de mieux, elle sacrifie un pays de l’Union Européenne.

Les expats, les blogueurs, les amis qui vivent avec au moins un pied en Grèce, tous nous racontent depuis un an une tragédie annoncée. Nous l’avons vu lors de nos propres voyages (Lesbos en mai dernier, ce n’était déjà pas de tout repos pour les locaux) et revu (Athènes se couvre de migrants, ce n’est pas un fantasme, j’en parlais dans ce post de janvier). Que Merkel (qui n’est, à ce que je sache, pas Présidente de l’Europe) ait besoin d’une main d’œuvre bon marché est une chose. Qu’elle allume le feu en demandant ensuite aux Grecs de l’éteindre en est une autre. Ce que Schaüble avant commencé, la chancelière l’a terminé. Je n’ai aucune idée du devenir de la Grèce ni comment elle va pouvoir gérer sur le long terme la fermeture des frontières du Nord. Mais qu’on s’essuie encore une fois les pieds sur ce pays est insupportable. Et le rendre responsable de ne pas savoir garder les frontières extérieures de l’Europe (comme on l’entend beaucoup à Bruxelles) confine à la malhonnêteté la plus crasse. Évidemment, il faut venir et revenir en Grèce, qui ne doit pas, en plus, perdre la seule ressource qui lui reste.

 

Publicité
Publicité
Le Présent Défini
Publicité
Newsletter
Publicité