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Le Présent Défini

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12 août 2011

Kali Orexi ! (καλή όρεξη)

 

Bon nombre de voyages en Grèce débutent par un passage par Athènes. La ville regorge de très bonnes adresses pour se caller l’estomac, pour tous les goûts, selon les bourses.

Je vous propose quelques endroits largement éprouvés, où je traine mes sandales avec plaisir.

Si votre estomac crie famine lors d’une balade dans Plaka, Palia Taverna Tou Psara vous tend les bras. Fondée il y a plus d’un siècle, cette taverne est une valeur sûre. L’endroit est charmant, la terrasse bien agencée et les plats goûteux. La salade d’aubergines est un must, et l’agneau kleftiko, un prodige. Vous croiserez beaucoup d’Athéniens qui viennent y déjeuner en famille (toujours bon signe).

Si votre budget est plus serré, toujours dans Plaka, le Scholarhio Ouzeri Kouklis vous nourrira pour pas cher. Une autre institution du quartier où la qualité ne bouge pas. On vous amène de grands plateaux bien garnis où vous vous servez selon vos préférences (5 plats au choix pour deux, 7 plats pour trois…selon un tarif connu à l’avance).

Dans Psirri, coin plus branché d’Athènes, et si vous n’êtes pas trop ric rac, offrez-vous Oineas. On change là de catégorie : les plats sont originaux, bien présentés, les vins intéressants mais dans une gamme de prix assez différente. A deux rues, son confrère To Zidoron est tout aussi recommandable, idéalement situé dans une rue piétonne.

Et, pour les Parisiens nostalgiques qui n’ont pas réussi à décrocher de la cuisine grecque, voilà quelques lieux pour se remettre le moral dans le bons sens (je parle de cuisine, pas de la tambouille de la rue de la Huchette…).

A tout seigneur, tout honneur, la table grecque la plus connue de la capitale, Mavrommatis. Depuis trente ans, la famille native de Chypre propose une excellente cuisine grecque dans ses boutiques, ses bistrots et restaurants. C’est carton plein à chaque fois, cela ne désemplit pas. Il y en a pour tous les budgets, toutes les envies, de la vraie gastronomie à la cuisine simple de taverne. Toutefois, même si la cuisine de haute volée ne subit aucun fléchissement, je trouve que le service laisse trop à désirer et les portions à rétrécir, tant l’assurance de faire salle comble est certaine.

Toujours dans le Vème, l’inévitable Acropole, table d’habitués, des étudiants du coin et de leurs profs. Cet endroit ne paie pas de mine, il paraît même un brin vieillot de l’extérieur mais reste fidèle à une carte qui ne me semble pas avoir bougé depuis vingt ans. Il s’agit d’une cuisine simple de taverne, pas chère, sans chichi mais ultra fraîche.

Pas très loin, dans le VIème arrondissement, on peut s’installer avec enthousiasme chez Evi Evane. Aux commandes de ce petit endroit cosy à souhait, une vraie chef grecque qui propose une cuisine légère et raffinée. On y retrouve des saveurs bien connues mais revisitées, enrichies, travaillées. C’est beau, c’est bon, c’est la table que je fréquente à chaque fois que la morosité pointe son nez (l’addition est à la hauteur… donc faites vous inviter).

J’ajouterai bien un autre endroit intéressant L’Olivier, dans le IIIème. Les plats y sont particulièrement goûteux et originaux, très loin des classiques usés jusqu’à la corde, mais quelque chose d’assez impalpable avait douché mon enthousiasme. La salle ne dégage rien de très agréable : ça manque de chaleur et de cordialité, on ressent comme un décalage entre la qualité des plats et un service plus qu’approximatif. A vous de tester.

 

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10 août 2011

Madame de…

de2Max Ophuls - 1953

Qu’est-ce qui différencie un vieux mélo suranné d’un grand film qui resplendit encore plus d’un demi-siècle après sa sortie? La grâce. Si Max Ophuls a consacré tant de films à des portraits de femmes, c’est qu’il est passé maître dans l’art de filmer leur complexité. Chez lui, les hommes font corps avec leur époque, en acceptent les codes et se plient aux exigences sociales, les femmes s’y opposent et rejettent les conventions qui les étouffent. Mais le prix à payer est alors exorbitant. La comtesse Louise de… va mettre à mal les petits accommodements de sa classe, choisir de suivre ce que lui dicte son cœur plutôt que les règles établies, mais elle sera broyée par les bas compromis de sa caste.

La comtesse est au début du film une parfaite femme du monde, coquette, frivole, inconstante, qui brille dans les bals et fait chavirer les cœurs. Son mari, qui lui aussi s’occupe hors des liens du mariage, accepte cet état de fait avec amusement : du moment que tout le monde joue selon les règles établies, les convenances sont sauves. Mais Madame de… va croiser le baron Fabrizio Donati, et s’en éprendre. La valse légère va faire place au drame. La comtesse se donne en spectacle, s’évanouit en public, fuit pour tenter d’éteindre les sentiments qui la submergent puis finit par les accepter. Qu’importe ce que les autres peuvent dire derrière son dos, elle rentre, s’affiche avec le Baron. L’être humain singulier s’est enfin éveillé sous le mensonge de la femme futile formatée. Mais le monde auquel elle appartient ne va pas admettre que l’on brise les codes. Le comte va séparer les deux amants. Madame de… s’enfonce alors dans la dépression et la maladie. Son mari refuse de croire en sa sincérité : « le malheur s’invente » et comprend trop tard qu’elle est perdue. Son dernier sursaut d’orgueil le pousse à provoquer le baron dans un duel à mort pour mettre définitivement fin à cet amour qui le dépasse.

La comtesse est tellement prisonnière du joug social qu’elle est incapable d’exprimer à Donati ce qu’elle ressent. La plus célèbre réplique du film « je ne vous aime pas, je ne vous aime pas », murmurée plusieurs fois au baron telle une femme qui se noie dans une passion destructrice est un aveu déchirant du combat intérieur auquel elle doit faire face. Admettre son amour pour cet homme, serait faire voler en éclat tout ce qui portait son existence.

L’objectif de Max Ophuls accompagne le trio (Danielle Darrieux, Charles Boyer et Vittorio de Sica) avec de longs travellings, des mouvements amples, un montage fluide qui lient les séquences entre elles. Les boucles d’oreilles de la comtesse passent de main en main dans une ronde folle, la comtesse et le baron voient leur amour naître pendant les bals où la caméra suit les danseurs dans une longue et unique valse qui durerait toujours, le film s’ouvre et se referme sur une même séquence tournée dans une église où venait prier la comtesse : la boucle est bouclée, Madame de… n’a pu s’échapper.

 

5 août 2011

The Fairy Queen : to listen eyes wide open

The_Fairy_Queen_DVD_155x225Henry Purcell, 1692 – Enregistré à Glyndebourne en 2009 / DVD 2010

On ne peut qu’applaudir lorsqu’autant de talents se réunissent pour proposer un spectacle total. Je râle souvent devant l’arrogance de certains metteurs en scène qui nous imposent leurs obsessions souvent très éloignées des livrets et qui s’imaginent imaginatifs et talentueux alors qu’ils ne sont que dédaigneux de l’œuvre originale. Mais quand une troupe entière se met au service d’une féerie avec l’envie manifeste d’emmener le public avec lui, le résultat est jubilatoire.

Tout comme King Arthur, The Fairy Queen est un semi-opéra, genre anglais du XVIIème, où se mêlent théâtre, musique, chant et danse. Librement inspiré du "Songe d’une nuit d’été", The Fairy Queen imbrique trois univers, trois « histoires » qui vont s’entremêler, jouées par des acteurs : les chamailleries du roi et de la reine des fées, Titania et Oberon, les chassés-croisés amoureux de deux jeunes couples athéniens et une troupe déjantés d’ouvriers qui répètent la tragédie de Pyrame et Thisbé. Durant une nuit où tout est possible, dans une forêt enchantée, royaume des fées, des personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, vont être soumis à des sortilèges, des métamorphoses et vivre bien des rêves et des désordres amoureux.

Ce socle théâtral est enrichi de parties instrumentales, de ballets, de chœurs et d’intermezzo chantés par des solistes, symbolisant des figures allégoriques (la Nuit, le Sommeil, Le Secret, Le Mystère, Les Saisons et des dieux). La trame narrative totalement invraisemblable est un tremplin pour toutes les inventivités de mise en scène. Avec des effets visuels de toute beauté, des lumières splendides, un imaginaire débridé et une audace sans limite (comme seuls les anglais en sont capables…), les quatre heures de spectacles filent à cent à l’heure.

Les tableaux s’enchaînent avec fluidité, évidence, ajustés sans que l’on sente que l’on passe d’un genre à l’autre. Cette cohérence de l’ensemble, dont le nerf principal reste la pièce de théâtre offre dans « les divertissements chantés » une liberté absolue. Machinerie baroque, couleurs rouge et or, masques et trappes, lyrisme mais aussi bouffonnerie, voire paillardise, les airs sont des odes à la folie. Même le superbe lamento « If love is a sweet passion » est chanté devant une Titania endormie dans les bras d’un Bottom à tête d’âne, au creux d’une barque manœuvrée par un gondolier à tête de perroquet. Les moments d’émotion, de poésie, intenses et délicats (« Oh let me weep ») se coulent dans la drôlerie, la frénésie délirante. Le spectateur reste ébahi devant la générosité de cette Fairy Queen, où tous les intervenants s’amusent autant que lui. Pas de « grandes stars », personne pour tirer la couverture, juste une bande de joyeux drilles qui connaissent leur partition et qui donnent le meilleur d’eux-mêmes au service de la fantaisie. Quant à la direction, c’est du William Christie, inutile d’en rajouter.

 

3 août 2011

Mens sana in corpore sano – pratiquer la méthode Pilates.

On trouve sur internet pas mal d’articles sur le Pilates, et il m’est arrivé de lire parfois des choses qui me laissent pantoise, à croire que ce que je pratique depuis 4 ans est une tout autre activité.

La méthode Pilates n’est en aucun cas un machin à la mode (genre “aquabiking” et autre vide-poches) mais un ensemble d’exercices physiques qui date d’un siècle. Ces exercices sont issus de la réflexion de Joseph Pilates, un Allemand né en 1880, qui a cherché à concilier forme physique et bien-être mental (il connait bien les arts martiaux, le Yoga, le Taï Chi). En Angleterre, puis aux Etats-Unis, il développe son enseignement qui trouvera un écho immédiat chez les danseurs. L’objectif est de développer sa force et sa souplesse d’une manière douce et progressive en insistant sur ce qu’on appelle le “power house”, la sangle abdominale qui maintient le corps. Ce centre fort permet aux muscles du corps de se développer dans la longueur. La posture s’améliore, la colonne vertébrale se redresse. Les mouvements sont effectués selon une respiration spécifique, que l’on doit contrôler rigoureusement. Une grande concentration est demandée durant les cours pour effectuer des séries courtes mais variées, avec précision et maîtrise. Pas de musique en Pilates, on doit s’entendre expirer sur l’effort.

Le cours se déroule sur des tapis (on parle alors de “Mat”), avec quelques accessoires pour corser la difficulté et mettre souvent le corps en déséquilibre. On peut aussi pratiquer sur des machines (“Wall Unit”, “Cadillac” ou “Reformer”), où l'on travaille sur des résistances, des sangles, des ressorts selon son niveau. Autre avantage, si un cours de Mat peut accueillir jusqu’à 14 participants (ensuite, ce n’est plus un cours de Pilates, c’est du rendement en batterie), les cours sur machines ne dépassent pas quatre personnes. Le professeur est alors parfaitement disponible pour corriger ou améliorer une posture.

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J’ai souvent lu sur le net que le bénéfice du Pilates, c’est un corps tout neuf en trois mois. Carabistouilles. La méthode Pilates, c’est comme le yoga, une hygiène de vie, pas une recette miracle. Si votre emploi du temps ne vous permet qu’une heure d’activité sportive par semaine, vous n'en tirerez aucun intérêt. Trois heures sont nécessaires pour en percevoir tous les bienfaits. Si je fais le bilan après quelques années de pratique, j’en retire :

- une disparition progressive mais réelle de mes maux de dos

- un renforcement musculaire

- une souplesse accrue

- un ventre presque plat

- une meilleure gestion du stress

- une silhouette tonique

Et pour être claire, non le Pilates ne fait pas perdre de poids, puisqu’il muscle. Mais il affine là où il faut. Dans un cours de Pilates, on rencontre aussi bien des danseuses filiformes, des quadras passées par trois grossesses que des retraités qui se bougent. La méthode profite à tous quelle que soit sa date de naissance, sa morphologie, son passif médical : on fait ce que l’on peut, à son rythme.

Le défaut majeur du Pilates réside dans son coût. Un cours de “Mat” revient entre 14 et 20 euros selon l’abonnement (au dessus, fuyez, c’est du racket), comptez le double pour un cours sur machine. Et très peu de centres proposent des abonnements illimités pour les cours de Pilates.

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2 août 2011

Les Yeux Noirs (Oci ciornie)

 

les_yeux_noirsNikita Mikhalkov – 1987 – Prix d’interprétation pour Marcello Mastroianni au Festival de Cannes / DVD 2010

Enfin il est possible de redécouvrir ce très beau film, presque 25 ans après sa sortie en salle. Et force est de constater que le film a très peu vieilli : sans doute parce qu’il raconte une histoire immuable, celle de la lâcheté des hommes, de leurs trahisons, de leur laideur .Celle-ci est filmée par un virtuose qui embringue le film dans des directions très différentes (la comédie, le burlesque puis le drame) et portée par un casting de légende : un serveur vieillissant qui travaille sur un bateau (Romano), rencontre un voyageur russe et entreprend de lui raconter ses amours malheureuses avec une de ses compatriotes, séduite dans une ville d’eau puis abandonnée. Ce qui commence comme une échappatoire à la beuverie en solitaire d’un séducteur déclinant ravi de prononcer crânement le seul mot de russe qu’il a retenu, va devenir au fil des confidences une mise à nu d’une âme veule et méprisable. Le personnage joué par Mastroianni aura tout raté dans sa vie : jeune architecte, il se marie avec une riche héritière et oublie rapidement ses velléités de créations urbaines au profit d’une vie confortable, pratique et soporifique. Il s’en échappe comme un enfant, en dormant en douce après avoir esquivé des soirées assommantes ou en faisant le pitre devant les invités. Il s’invente des pathologies insolites pour quitter la maison romaine où il étouffe et se rend dans une station thermale, son emploi du temps rythmé par ses conquêtes féminines : une vie facile et légère, sans conséquence. Mais il va croiser une jeune femme russe (Anna) mariée à un homme qu’elle n’aime pas, droite, honnête, fragile et sensible, qui va croire  à tous les bobards du joli cœur. Elle s’enfuit après lui avoir cédé, lui laissant une lettre d’amour qui va bouleverser la vie de ce séducteur ; il la suivra jusqu’en Russie, la retrouvera, lui promettra de revenir définitivement après avoir tout avoué à sa femme et qui bien évidement ne réapparaîtra jamais.

Je ne vois pas quel autre film montre une telle chiffe, un couard pareil, dont la vie n’est qu’une série de traîtrises. Mastroianni s’engouffre dans le personnage avec jubilation, en fait des tonnes, cabotine, épaissit le trait, joue comme grisé par la bassesse de son personnage. Car dans sa vilenie, Romano est toujours sincère, il n’a aucun scrupule à mentir, tricher puisque de toute façon ses actes n’auront pour lui aucune conséquence dommageable. Comme un petit garçon que l’on a sans doute empêché de grandir, il reste prisonnier de son propre bien-être, de son confort, semble imperméable aux préoccupations de ses proches, au mal qu’il leur fait. Au lendemain de la seule nuit qu’il passe avec Anna, totalement anéantie par sa propre faiblesse, Romano ne voit rien de son désarroi, continue de plaisanter tout en bâfrant sa pastèque, insensible à tout ce qui est étranger à son plaisir personnel. Et pourtant cette femme lui dit en russe qu’ils ne se reverront jamais, mais il ne l’écoute pas.

La fuite de Romano en Russie à la recherche de cette femme qui est son contraire, a tout de la panique de l’adolescent exalté : sous un prétexte totalement improbable, il traverse la Russie, croise des personnages comme sortis d’un roman de Gogol (les fonctionnaires imaginent des histoires à dormir debout pour éviter de signer son autorisation d’avancer dans le pays), ne tient pas la vodka, danse avec des tsiganes, saute à pieds joints sur des carrés de verre incassable devant des dignitaires ébahis, traverse la steppe sur une carriole en compagnie d’un contestataire du régime, tout cela à cent à l’heure comme la course effrénée de quelqu’un qui ne veut pas réfléchir à ce qu’il fait, presque effrayé de sa propre audace. Les retrouvailles avec Anna est une des plus belles scènes du film : avertie par son mari qu’un étranger arrive d’Italie et qu’il faut le recevoir, elle se dérobe, décampe, cavale pour ne pas croiser l’homme qu’elle aime toujours mais à cause de qui elle est parjure à ses liens du mariage. Et Romano, de la poursuivre, comme un chasseur qui traque sa proie, ne lui laissant pas de répit, jusqu’à l’acculer dans un poulailler où il lui promet qu’il reviendra pour de bon.

Bien sûr, il ne dira rien à son épouse légitime, la seule capable de lui offrir une vie facile. Celle-ci pourtant a tout compris des raisons qui ont poussé son mari à partir précipitamment pour Saint-Pétersbourg. Et quand elle lui demande calmement et presque maternellement de ne pas lui mentir et de faire preuve une fois dans sa vie d’honnêteté, il se défile, nie avec aplomb et trahit dans un sourire celle à qui il jurait un amour éternel quelques semaines plus tôt.

A l’opposé de cet immature, les femmes du film possèdent une lucidité acérée doublée d’une immense capacité d’aimer. La femme de Romano, jouée avec une classe toute viscontienne par Sylvana Mangano, n’est en rien une épouse fortunée froide et raide. Elle aime toujours autant son mari, ne regrette pas ce mariage pour lequel elle a dû batailler, le défend devant les perfidies de sa propre famille, aime cette légèreté et cet anti-conformisme qui lui sont tellement étrangers. Mais elle sait aussi qui elle a épousé, un petit garçon capricieux qu’elle a trop protégé et qui ne changera plus. Elle est responsable de cette inertie, de cette paresse et n’a pas l’indécence de le lui reprocher.

C’est Anna, (délicieuse Elena Safonova) qui va payer le prix fort des caprices de Romano. Prisonnière d’un mariage d’argent avec un rustre, elle accueille cet homme si différent, attentif, gentil, séduisant, comme un assoiffé un verre d’eau. Anna s’épanouit, sourit, puis rit aux éclats devant la drôlerie et les histoires invraisemblables de Romano. Mais elle sait aussi mettre fin à cette histoire car elle lit très bien dans le jeu de cet homme qui n’avait qu’un but : la faire chuter. Elle a compris qu’elle ne doit rien attendre d’un grand gamin désinvolte qui savoure un petit mot de russe comme il sucerait une sucrerie. D’ailleurs elle ne lui demande rien, elle le quitte pour ne pas (trop) souffrir.

Le voyageur russe qui a écouté l’histoire de Romano va lui opposer à la toute fin du film une autre conception de la vie : fidèle, loyal à son unique amour, il a courtisé une femme durant de longues années en attendant qu’elle perçoive sa bonté et la sincérité de ses sentiments et qu’elle l’épouse enfin.

Romano, va alors baisser le masque, concéder avec une sincérité bouleversante « que sa vie n’a été qu’une mauvaise copie » et qu’il n’a plus rien, si ce n’est le souvenir de la berceuse que lui chantait sa mère, le visage de sa femme la première nuit et les brumes de Russie. Il aura tout reçu, rien donné et tout perdu.

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27 juillet 2011

Jean Cocteau, biographie de Claude Arnaud

 Editions Gallimard, 2003

 

cocteauQue les autres biographies, études, recherches, exégèses paraissent poussiéreuses à côté de ce monument ! 758 pages de texte serré, plus les notes, pour raconter comme un roman la vie d’un personnage des arts du XXème siècle, souvent mal connu, mal considéré et mal lu.

Je ne vais pas m’étendre sur l’homme dont il question (cette biographie s’adresse tout de même à des familiers des œuvres) mais sur la singularité de l’écrit. L’auteur a passé plus de quatre ans avec son sujet, relisant tout, revoyant tout, rencontrant ceux qui l’avaient connu, écoutant, questionnant : pas de texte de seconde main, pas de résumé bâclé, pas de poncifs, de clichés éculés sur l’homme. Tout a l’air neuf dans cette biographie. On repart de zéro. Claude Arnaud va laisser la vie de Cocteau se dérouler à son rythme mais avec quel regard scrupuleux ! Rien n’est laissé au hasard. Ce n’est plus une biographie mais de l’archéologie. L’écriture de Claude Arnaud est subtile, perspicace et toujours au service d’une meilleure compréhension de son sujet. La complexité de chaque époque traversée (meneurs, alliances, courants, influences) est analysée avec méticulosité et intelligence car totalement maîtrisée. Au fil des pages, le mythe est « démythifié » : l’homme apparaît sous les masques, ses multiples identités, ses contradictions, ses mensonges, l’auteur veut comprendre qui est cet artiste « protéïforme », comment se sont articulées ses différentes mutations, comment il se nourrit des talents et de la force vitale de ceux qu’il croise. Pour cela, il lui fallait plonger dans les abysses, devenir familier de l’homme, ressentir avec une même sensibilité, jusqu’à démêler (certainement pas excuser) certains comportements ou prises de position discutables. Claude Arnaud rend Cocteau lisible et met en lumière non pas un faussaire, un touche-à-tout, un équilibriste frivole mais un homme fragile, vulnérable, crédule parfois, étonnamment profond et cohérent.

25 juillet 2011

L'Éternité et Un Jour (Mia eoniótita ke mia méra)

 

413383_l_eternite_et_un_jour_de_theo_637x0_2Theo Angelopoulos – 1998 – Palme d’Or du Festival de Cannes

 « L'Éternité et Un Jour » fait partie de ces films que l’on redoute un peu d’affronter, tant la réputation de son auteur paralyse : rigueur intellectuelle, références culturelles indéchiffrables pour qui n’est pas grec, œuvre élitiste et aride, voire carrément hermétique, artificielle et fumeuse, pour les plus récalcitrants à la démarche cinématographique d’Angelopoulos. Et pourtant, ce film est certainement le plus accessible, le plus simple du réalisateur : que faire quand on sait que le jour qui se lève sera notre dernier ? Alexandre, écrivain vieillissant à qui Bruno Ganz prête son épaisseur, a déjà capitulé et referme un à un tous les éléments qui ont composé sa vie, avant de rejoindre un hôpital dont il ne ressortira pas. Il fait alors le constat saumâtre d’une vie ratée : il laisse une œuvre incomplète, des travaux au stade d’ébauche, des lambeaux de phrases. Il n’a pas su non plus instaurer un dialogue avec sa femme aujourd’hui disparue ni lui consacrer le temps qu’elle lui demandait, un jour, juste un jour pour elle seule. Le temps a fui et il ne laissera rien d’achevé derrière lui.

Cette journée qui s’annonçait aussi froide et triste que peut l’être un dimanche d’hiver à Thessalonique, lestée du poids des souvenirs qui s’imposent à lui, n’aura pourtant rien d’une tombe qui se referme. Un dernier voyage, tant intérieur que réel, va bouleverser ses certitudes. Sa route va croiser celle d’un petit Albanais, un de ses mômes de la rue que traque la Police. Alexandre le sort des griffes des mafieux, le nourrit, tente de le ramener en Albanie, refuse de le lâcher tant qu’il n’est pas persuadé de l’avoir mis en sûreté, lui trouve un bateau et le laisse partir.

Le garçon, de son côté, lui aura donné trois mots pour le remercier et le réconcilier avec sa vie, comme autant d’oboles qui font sens pour le grand passage. Le poète grec Dionysios Solomos, revenu à Zante après des études en Italie sans plus savoir un mot de sa langue natale, achetait aux habitants des mots pour écrire ses poèmes. Comme lui, Alexandre va renouer avec l’existence  avec des mots simples de sa propre langue : il doit admettre qu’il est un exilé (« Xenitis »), un étranger à sa propre vie qu’il n’a pas vécue, trop accaparé par ses travaux littéraires et que cette dernière journée a tout d’une ultime odyssée pour trouver des réponses, si douloureuses soient-elles, à cette impossibilité de communiquer avec les autres. Mais Alexandre doit aussi être conscient de l’amour que sa femme lui a porté, des mots tendres qu’elle lui a adressés (« Korphoula mou »). Il ne doit plus méconnaître ces sentiments mais les prendre en compte comme une extraordinaire richesse. Enfin, le garçon, lui rappelle que cette prise de conscience vient bien tard (« Argadini »), que tout est joué depuis longtemps, qu’il ne peut plus changer sa vie. Il ne sert plus à rien de se raidir contre cette vie passée trop vite et trop mal, trop seul. Alors le temps d’un plan séquence d’anthologie, Alexandre retourne dans la maison qui sera détruite demain, ouvre une fenêtre et retrouve les souvenirs d’une journée de septembre datée de trente ans, se mêle à la foule de ses amis et de sa famille, pour une dernière valse lente avec sa femme à qui il parle enfin. Non, il n’est pas encore trop tard.

La fluidité des plans, la lenteur de la caméra qui semble toujours glissée, les travellings très élaborés, les cadrages au cordeau, les lumières soignées, font de ce film un grand moment de cinéma : les spectateurs asservis désormais au rythme syncopé des réalisations américaines auront peut être du mal à suivre cette mobilité si lente, si contemplative. Théo Angelopoulos maîtrise sa caméra, mêle présent, passé et futur sans heurter la trame narrative, avec une simplicité évidente. Et l’on suit alors Alexandre, dans ce balancement régulier entre le réel et le rêve, le présent et les souvenirs,  la ville sinistre et cette plage en été, cette vie qui a disparu si vite et le temps enfin retrouvé.

S’il sait bien évidemment filmer le Nord de la Grèce comme personne, rendre ses pluies, son brouillard, sa mélancolie grise d’une poésie déchirante, il sait aussi imaginer des atmosphères oniriques, des images fulgurantes de beauté qui viennent déchirer l’écran, telle cette frontière albanaise cauchemardée par Alexandre, tendue d’un haut grillage auquel s’agrippent des individus immobiles comme autant d’être humains déjà morts, sous un ciel plombé, étouffé de neige sale. La palette des gris, la lumière, nous emmènent chez Dreyer, comme l’un des premiers plans de la plage durant l’enfance d’Alexandre nous entraîne vers Visconti.

Ma seule déception viendra d’une bien piètre musique de film, une scie redondante qui lorgne vers Chostakovitch, se voulant nostalgique mais en fait épouvantablement commerciale.

19 juillet 2011

La Traviata, Aix en Provence 2003 : s’il ne devait en rester qu’une…

 

traviata_belairPas la peine d’argumenter contre cette mise en scène un peu déroutante, de souligner certaines faiblesses vocales de Mireille Delunsch, d’insister sur la noirceur de cette production, cette Traviata là reste pour moi dans les annales. Huit ans après, elle raisonne encore comme un spectacle singulier, un ovni musical à l’émotion jamais retrouvée.

Le metteur en scène a choisi une interprétation extrêmement simple mais audacieuse, Violetta va mourir dès le lever du rideau et voit défiler sa vie, mêlant le passé et le présent, comme les motifs de la musique qui s’entrelacent et qui reviennent dans des actes différents. Des images sont projetées durant la représentation, sur un rideau transparent où coulent des gouttes de pluie, des lumières, des clignotants. Le plateau restera quasiment vide et toujours sombre, comme la vie que Violetta sent lui échapper. Il est demandé au spectateur de percevoir le monde avec les yeux de Violetta et de l’accompagner sur cette dernière route et de partager sa douleur. Nous sommes donc très loin des productions classiques, où la Traviata évolue vers la mort. Ici, tout est plié dès la première note. Le metteur en scène dilate le temps de ces dernières secondes de lucidité et nous partageons alors son cauchemar.

C’est pourquoi la direction des chanteurs est exempte de gestes inutiles : d’une grande sobriété, elle sert juste à accompagner la musique et les voix, l’essentiel. Resserré autour des souvenirs de la dévoyée, la mise en scène épurée concentre l’attention sur la douleur d’une femme miraculeusement portée par Mireille Delunsch. Splendide et déchirante dans sa robe blanche (seule touche de couleur dans cet univers cafardeux), elle donne à cette Traviata une totale incarnation scénique. Elle EST Violetta, sa présence est une évidence. Aucun pathos ne vient alourdir sa théâtralisation du personnage. Tout se joue sur la nuance, le délicat, l’indicible presque. L’artifice n’a plus sa place quand on va mourir, la sincérité, la vérité sont les seules admissibles. Elle ne force jamais sa voix, mais exhale une ligne claire fragile et douloureuse absolument bouleversante. On connait l’approche très théâtrale de Mireille Delunsch, son travail des personnages, son écoute du metteur en scène. Le choix de ce dernier s’est porté sur une interprétation presque morbide du livret, ce qui explique le rejet des certains spectateurs qui ont hurlé à la trahison de Verdi. Je pense juste que cette relecture empreinte d’une infinie tristesse permet à la musique du compositeur de raisonner avec la  profondeur d’un diamant très noir.

18 juillet 2011

La Traviata, Aix en Provence 2011 : un combat perdu d’avance

web_traviata__469x239Pourquoi une soprano qui n’a plus l’âge du rôle souhaite t’elle chanter un opéra taillé bien trop grand pour ses capacités vocales ? Si Natalie Dessay s’est coulée à merveille dans Mozart ou Donizetti, le personnage de la demi-mondaine phtisique semble bien loin de son univers, Mais toutes les sopranos en rêvent avant qu’il ne soit trop tard.

Et bien côté voix, ce n’est pas vraiment cela. Le début sera à la limite de l’audible, des notes aigres, des aigus mal assurés, du tranchant et du cinglant. On espérait d’avantage de rondeur et de volupté de la part d’une courtisane amoureuse. Dans l’acte II, on attend de la souffrance, du déchirement dans le duo le plus poignant de tout l’opéra, et il ne se passe rien. Plus le livret avance, plus l’héroïne est rattrapée par la maladie, plus la voix doit se faire dramatique, tragique, jusqu’à devenir au dernier acte un souffle, une respiration souffrante avec un timbre qui râle. Nathalie Dessay se contente de sur jouer, de caricaturer le rôle avec des tics vocaux vite insupportables. Non, la Traviata n’est pas folle, non elle n’est pas une hallucinée, elle se meurt d’une maladie qui épuise son organisme. Là où l’on attend une extrême fragilité, une voix brisée, une vulnérabilité bouleversante, on observe des gestes saccadés, une raideur des mouvements, une démarche titubante.

Evidemment, l’émotion ne passe pas, on ne croit pas un seul instant à son personnage qui laisse de glace. Il faut dire que la soprano n’est pas aidée par les choix du metteur en scène. Pourquoi avoir fait de Violetta une femme déjà mûre, usée, maquillée à outrance ? Lorsque Violetta retire sa perruque, j’ai eu soudain la vision d’une Gloria Swanson décatie. Violetta, réduite à une caricature de vieille femme parkinsonienne…Trahison du livret. Les duos d’amour ne fonctionnent pas (Violetta a l’air d’être la mère d’Alfredo) et tout l’opéra vacille dans un pathos de mauvais aloi. Son agonie devrait être celle d’une femme encore jeune et belle qui sent son corps l’abandonner mais qui reste absolument lucide jusqu’au bout, couchée dans un lit où la maladie l’a clouée. Eh bien, Natalie Dessay, reste debout, telle une démente : étonnant pour une tuberculeuse…

Ce manque de lisibilité du livret, ce goût de l’exagération qui vire au grotesque, ce refus de la simplicité de l’histoire de la Traviata mettent mal à l’aise. La musique est si remarquable, malgré une direction d’orchestre un peu faiblarde (pardi, faire jouer du Verdi à un orchestre symphonique…), les duos tant porteurs d’émotion, les grands airs tellement magiques que l’on se doit de se mettre au service de la partition, pas de réécrire l’histoire pour le seul plaisir de paraître intelligent.

15 juillet 2011

Céphalonie, la douce

Grande sœur de Leucade, située plus au Nord, Céphalonie/Kefalonia est la plus grande et la plus montagneuse des Ioniennes. On la connaît pour une espèce particulière de pins qui ne pousse qu’ici, pour son mont Aïnos qui culmine à plus de 1600 mètres, pour son parc national où vivent en liberté des chevaux sauvages, ses côtes où viennent se reproduire tortues de mer et phoques moines. On y ajoute un vin local très reconnu (le Robola), des grottes et des lacs souterrains, la plage de Myrtos la plus photographiée de Grèce, des villages de pêcheurs de carte postale… une île donc qui mérite le détour.

 

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Tout ceci est bien réel mais reste digne du dépliant touristique. Il se dégage de cette île un sentiment d’apaisement, de respiration profonde et facile en même temps, grâce à ses grands espaces ouverts : les hautes collines n’étouffent pas, les vallées s’épanouissent  sans asphyxier, les routes de montagnes dégagent à chaque large lacet des rivages amples et généreux. On y enverrait bien quelques phtisiques s’y refaire les poumons. Ces 1 000m² permettent aussi à chacun d’y trouver le point de chute qui convient le mieux, selon ses attentes et son niveau de misanthropie : du chef lieu très touristique, vivant et animé (Argostoli), aux stations balnéaires pensées pour les touristes qui pratiquent la bronzette à outrance (Skala, Lassi), en passant par les villages de montagne intérieurs, calmes et silencieux et les petits ports dissimulés aux trop pressés, il serait étonnant de ne pas dénicher son havre de paix. Cette mosaïque permet au voyageur de ne jamais s’ennuyer à Céphalonie.

 

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Si cette île n’a rien de mémorable, de remarquable (Oui, je sais, Assos, Fiskardos...mais très touristiques tout de même), elle est paradoxalement celle d’où on a le plus de mal à s’extirper. Elle accueille, elle reçoit, elle propose et on s’y fond paisiblement, comme si notre empreinte nous y attendait déjà. Ardu ensuite de détacher la patelle de son rocher.

Je soulignerai pour finir l’extrême gentillesse des habitants de l’île qui vous adoptent très rapidement (je parle hors saison…), heureux de vous voir ressentir leur île avec autant de délice et de béatitude.

 

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12 juillet 2011

Leucade, la dissonante

Pour les coutumiers des Cyclades, l’arrivée dans les Ioniennes est un choc. Oubliées les maisons blanches et les chapelles aux toits bleus, les plages douces, les collines arides, la végétation rare… ici nous sommes en paysage montagneux, aux arbres très verts, les côtes sont dentelées, la flore abondante, les maisons plus robustes, les toits protégés de tuiles roses (la saison des pluies dure d’octobre à mars).

Entre Corfou et Céphalonie, se trouve Leucade/Lefkas ou Lefkada (« la blanche »), en référence à la couleur de ses falaises de craie. Cette île est une vraie douche écossaise à elle tout seule : elle offre le pire, comme le meilleur, une nature esquintée mais aussi très préservée, des villages truqués comme des endroits authentiques, des plages abîmées mais des plateaux de montagnes à couper le souffle.

Leucade souffre du fait qu’elle est reliée au continent ; facile d’accès, elle doit absorber le week-end et l’été un tourisme assez envahissant : toute la côte Est est pour moi totalement sinistrée, bétonnée sans plan d’urbanisme, sans respect de l’environnement, les petites plages collées à la route. Il faut fuir Nydri comme la peste, principal centre touristique de cette côte, où comme le souligne un guide bien connu, le grec est la seule langue dont on n’a pas besoin : tout y est fait pour le tourisme bas de gamme.

Leucade est surtout reconnue pour ses plages de la côte Ouest, qui ornent bon nombre de calendriers, de dépliants ou de sites sur la Grèce. Porto Katsiki, Egremni, Gialos, Kathisma, sont des endroits d’une très grande beauté, aux eaux turquoises, protégées par de hautes falaises crayeuses. Mais, et ce mais est d’importance, elles sont toutes aménagées dès le début de saison, avec des parasols et des transats sur 5 à 6 rangées tout le long du rivage. On image ces endroits en avril et en mai, quand tout ce foutoir ne pollue pas encore la vue et les oreilles.

 

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Mais faut-il alors passer par Leucade ? Eh bien oui, mais pour ses montagnes, ses modestes villages intérieurs, ses monastères en ruine si paisibles, ses deux petits ports du Sud (Vassiliki et surtout Sivota), pour son Profitis Ilias (seul toit bleu de toute l’île), pour ses sommets dans la brume, ses routes en lacets dans les genêts et les oliviers, ses plateaux désertiques où souffle un vent du diable (Englouvi).

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L’intérieur de l’île secrète un réel enchantement. Vous y serez certainement tout seuls, avec quelques troupeaux de chèvres et leur pâtre qui se demandera ce que vous faîtes sur ses hauteurs au lieu de bronzer idiots. Vous vous perdrez beaucoup à la recherche d’églises oubliées, vous croiserez un peintre hollandais dans une chapelle dont le vent fait tinter les cloches, vous aurez une pensée pour Sappho en arrivant au Cap Doukato et vous l’aimerez beaucoup, cette île de Leucade, le cœur empreint d’un sentiment de plénitude, de la certitude d’un lien unique avec une nature protégée, d’une révélation improbable, de grands moments de bonheur à la découverte d’endroits dérobés, discrets, qui font aussi de Leucade une île miraculeusement préservée.

 

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8 juillet 2011

Milos, île des contrastes

Au sud des douces et sereines Serifos et Sifnos, s’étale une grande île volcanique, en forme de fer à cheval, vive, colorée et… moderne. Rien à voir avec ses consœurs, on change de monde et d’époque. Si Santorin dégage une forte présence géologique, elle est avant tout cycladique (architecture, atmosphère), ce qui n’est pas le cas de Milos. La richesse actuelle de Milos vient de ses mines, d’extractions dantesques, dans la partie Est : des complexes industriels massacrent l’île, la creusent à ciel ouvert sur des centaines de mètres, pour donner un ensemble de cratères béants d’où sans relâche, sont prélevés perlite, bentonite, kaolin, souffre, baryte, gypse. Le va et vient des gigantesques trucks flambant neufs monopolise les routes et vous ne ferez alors pas le fier à bord de votre petite Fiat Punto. Nous sommes tombés sur cet enfer de bruit, de poussière, de machines absolument par hasard. Evidemment une facette de l’île peu décrite sur les dépliants touristiques…

 

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Mais la générosité de ses sols a aussi façonné Milos et l’a dotée de falaises, de côtes insolites et saisissantes, de rochers aux formes très inhabituelles et aux couleurs tranchées. Il est conseillé d’effectuer le tour de l’île par bateau pour admirer ses curiosités : immenses falaises d'orgues basaltiques, écueils de pierres déchiquetées, blocs vertigineux où on peut lire l’histoire géologique de l’île en suivant les strates colorées, petites criques camouflées sous les escarpements, cette balade est vraiment un enchantement.

Milos est aussi reconnu pour ses petits ports atypiques très colorés (Klima, Mandrakia ou Firopotamos), des anciens garages à bateaux, construits au raz de l’eau, creusés dans la roche, devenus des habitations, à un ou deux étages.

 

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Passage obligé sur le site de Sarakiniko, le plus visité de l’île : cette petite partie de la côte est formée de rochers blancs, tout nus, lisses et arrondis, comme charnus, bulbeux, sans aucune forme de végétation. Le vent y souffle souvent en rafale et la mer perd sa douceur égéenne pour des bonnes vagues dignes de l’Atlantique.

 

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Ses plages entourées de formations rocheuses rouges, ocres ou vertes, portent évidemment l’empreinte de cette vie volcanique et on est parfois surpris de découvrir des remontées d’eau chaude, des émanations de gaz ou des senteurs de souffre. Paliochori est un cours de géologie à elle toute seule.

Milos offre aussi de bonnes tables avec une mention spéciale à « Erghina », village de Tripiti, cuisine vraiment typique de l’île avec des plats jamais vus ailleurs. Pour moi une des meilleures tables de toutes les cyclades.

Cette île possède de très beaux atouts pour séduire le visiteur. Néanmoins, il lui manque pour moi une unité, une bienveillance et une rondeur. C’est bien la première fois que la « capitale » d’une Cyclade (le plaka, ou le chora) ne me séduit pas. Le port d’arrivée est déjà une petite ville contemporaine, pas un assemblage de cubes croulants sous les bougainvilliers. C’est une île moderne, offrant tout le confort possible mais manquant d’élégance et d’enchantement, à mon goût. Je traîne peut être aussi une image un peu désuète d’une certaine Grèce figée dans un autre temps (merci Lacarrière), agricole, humaine et préservée.

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Le Présent Défini
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