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Le Présent Défini
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egeennes du nord
16 mai 2013

Πασχα στην Χιο … et mise en bouche à Athènes

J’étais persuadée n’avoir jamais mis les semelles en Grèce durant les fêtes pascales, jusqu’à ce que πουλακι μου oppose à mes neurones fissurés un docte sourcil soulevé par une juste semonce : « T’as plus la lumière à tous les étages : t’as oublié qu’on t’a entendue râler à chaque repas pendant une semaine, lors de notre premier voyage, puisque Mademoiselle ne voulait pas toucher au délicieux agneau rôti, servi quotidiennement pour Pâques ? » J’ai tourné du groin, rappelé que ça datait comme mes robes et que des pintes de Mythos avaient coulé à flots depuis. Pourtant, sa juste remarque a aussi sec ravivé des images d’un Athènes déserté et d’une effective redondance culinaire ovinesque : il était grand temps de retrouver le vol de 13h d’Aegean.

Vingt ans après, ce sont les mêmes rues vides… à l’exception de Plaka, qui grouille comme une fourmilière. Á croire que tous ceux, qui ne rentrent pas dans leur village, se sont donnés rendez-vous là. Une cohue, une pagaille et du raffut. Notre endroit de prédilection* pour le premier ouzo des vacances over-déborde, ça parle haut et fort, on ajoute des fauteuils, les cercles d’amis s’élargissent, on s’interpelle bruyamment… et nous, on affiche un sourire béat tant nous sommes heureux de revoir un peu d’énergie et de joie dans une ville dévastée par la crise. Enquiller ensuite Οδος Τριποδων et Οδος Λυσιου tient de l’impossible car nous sommes happés à la sortie d’un office par une procession compacte dont nous mettrons de longues minutes à nous extirper… la ferveur religieuse semble monter. Notre taverne attitrée** n’accepte ce soir que les Grecs qui ont réservé à l’issue des cérémonies du Vendredi Saint et nous échouons à deux pas de là pour une solution de repli*** gustativement satisfaisante. Un fort parfum d’encens envahit soudain Οδος Μνησικλέους, des chants d’une infinie tristesse annoncent l’arrivée du Pope, de la Croix, des bannières, de l’icône et de l’Épitaphe, des fidèles et de leur cierge, qui remontent lentement la ruelle étroite. Le silence s’abat soudain, les orthodoxes se lèvent et se signent rapidement par trois fois sur son passage... le cortège s’éloigne, l’étau se desserre doucement…on respire à nouveau…

 

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Le lendemain, à Chios, dans le village d’Avgonyma où nous logeons, l’ambiance est plus à la fête, aux préparatifs du festin, à l’accueil des familles qui rentrent retrouver les leurs et à la finalisation du bûcher… cet amas de bois au-dessus duquel attend Judas, à qui on réserve un quart d’heure brûlant à la tombée de la nuit. Dès vingt heures, les chèvres (et non des agneaux mignons, heureuse île !) et leurs brochettes d’abats (Κοκορέτσι) prennent des couleurs, les enfants allument les premiers pétards, la place du village enfle et bruisse, l’ouzo rempli les verres… et une demi-heure après, le brasier s’enflamme, dévorant les bûches qui craquent, et le traître, dans un flamboiement dantesque.

 

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Petits et grands, nous sommes tous hypnotisés par le son et lumière pendant un long moment, troublé par les premiers coups de cloches qui appellent à la grand' messe de la Résurrection. L’église d’Avgonyma est bien modeste pour accueillir toute la foule endimanchée et nombre de croyants resteront massés aux portes, écoutant la voix du pope se déverser du haut-parleur. Mais les adolescents commencent à trouver le temps long et illuminent la nuit de feux d’artifice, de fusées colorées, de pétards sifflants, couvrant le prêche du Pope qui accélère et hausse le ton : ce combat du sacré et du païen tourne à l’avantage du religieux qui annonce la Résurrection à grand renfort de "Χριστός Aνέστη" et de cloches carillonnantes. Les cierges (λαμπαδες) s’allument de main en main, on se souhaite des "Χρόνια Πολλά", on s’embrasse et on essaie de garder son cierge allumé pour tracer, de retour à la maison, une croix au-dessus du linteau et allumer la mèche d’une veilleuse.

 

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On se retrouve tous alors à la taverne du village (Ο Πύργος) pour les agapes, rompant 40 jours de carême avec des assiettes de chèvres grillées. Sur les tables, des œufs peints en rouge, que l’on cogne contre celui du voisin, en espérant le garder intact, gage de chance, et des tranches de τσουρέκι, brioches de Pâques parfumées au zestes d’orange. La fête se termine très tard… et le lendemain, eh bien, on remet ça, et sur chaque pas de porte, le chef de famille arrose la chèvre entière qui tourne sur sa broche…

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* Diogenis (Διογένης), Πλατεία Λυσικράτους

** Taverna tou Psara (Ταβέρνα του Ψαρρά), Ερεχθέως 16

*** Taverna Sissifos (Ταβέρνα Σισυφος), Μνησικλέους 31

 

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12 mai 2013

Chios, prélude au chaos de pierres

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Si vous êtes un peu à l’Ouest à la fin de ce copieux hiver, grincheux, grisâtre et tout grommelant, pointez votre boussole vers l’Est de la mer Égée, arrêtez-vous 8 kilomètres avant la côte turque et posez votre sac sur une île, qui tient à la fois des Ioniennes … et de l’Irlande. Voilà un patouillis inattendu, bien éloigné des clichés recuits, comme les maisons cubiques blanches, les coupoles bleues et les moulins chromos. Á Chios, vous allez vous manger du caillou, de la roche, du minéral, de l’austère, du médiéval, de la ruine, des paysages sauvages, battus par les vents et la pluie, même en mai. Si le thermomètre a grimpé jusqu’à 28° les 5 premiers jours du séjour, nous avons fini sous des baquets d’eau, avec 12° de moins. Et c’est certainement sous ce climat que nous l’avons le plus aimée. 

Chios est une vaste contrée de 842 km² (contre 96 km² pour Ithaque, à titre de comparaison), toute en longueur, divisée en trois parties bien marquées, à la fois par le sol et le développement économique : 

- au Sud, Chios est l’île du lentisque, du mastic, des villages fortifiés et cossus pour la sauvegarde de la précieuse résine

- au centre, la plaine fertile, les riches demeures des Gênois, les jardins d’agrumes, d’amandiers et de jasmin

- au Nord, la partie montagneuse chichement peuplée, un environnement stérile, des habitations modestes, une terre brute.

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Porte vers l’Asie Mineure, plaque tournante du commerce durant tout le Moyen-Âge, escale des voyages vers l’Orient, la situation stratégique et la production de mastic ont fait de Chios une île à part : ses occupants successifs (Byzantins, Gênois et Turcs) ont vite compris qu’ils avaient tout à gagner à lui laisser la bride sur le cou et une certaine autonomie, pour bénéficier ainsi de sa prospérité, de son essor économique et de l’exclusivité de la vente du mastic. C’est pourquoi Chios montre encore aujourd’hui les empreintes successives de ses « hôtes », une architecture riche, préservée et unique. Il faut attendre le XIXème siècle et ses calamités successives (massacre de la population par les Ottomans en réponse aux velléités d’indépendance des Grecs – 25 000 morts et 50 000 habitants vendus comme esclaves, sur une population totale de 100 000 personnes -, destruction des cultures et des arbres à agrumes par le gel en 1850, séisme dévastateur en 1881), pour voir sa suprématie décliner.

Chios est aujourd’hui peu fréquentée par les Français qui lui préfèrent les Cyclades, c’est bien dommage : et la découvrir au moment de la Pâques orthodoxe, croyez-moi, c’est quelque chose !

 

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