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Le Présent Défini
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14 novembre 2014

Prélude à Folégandros

 

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En voilà une qui n’avait sur le papier l’air de rien : un caillou aride, trois villages, une seule route, des plages peu accessibles, un vent du diable et des habitants présumés tout aussi austères que leurs collines. En ce qui nous concerne donc, une promesse de bien-être permanent. C’est peu dire que nos aspirations les plus démesurées aient été comblées au-delà du nirvana attendu. Si votre petit cœur bat la chamade au seul nom d’Amorgos*, si vous avez élu plus beau castro des Cyclades celui de Sifnos, si vous soupirez de nostalgie en feuilletant vos photos d’Ithaque, Folégandros c’est un peu beaucoup tout cela, en mieux encore. C’est avant tout une île rurale escarpée, râpée, où la main de l’homme s’échine à modeler les terres peu arables à grand renfort de murets de pierres plates et de cultures en terrasses. Pas de constructions anarchiques, de paysages altérés par du bétonnage, l’habitat se concentre en quelques points et le territoire appartient aux ânes et aux chèvres. Á perte de vue, une terre brûlée par le soleil, d’où émerge une pagaille de pierres chamboulées. Rien de gentillet, de vraiment dompté, Folégandros est rêche, rugueuse mais jamais inhospitalière.

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Le Routard m’avait un tantinet refroidie en soulignant que l’île devenait courue et subissait un début de développement fracassant… est-il taquin ce Routard parfois ! Certes, quelques hôtels, plutôt haut de gamme, ont émergé à l’entrée du chora mais ça reste discret et très mesuré. Les spécificités de Folégandros l’éloignent d’un raz de marée touristique pour les simples raisons que l’île se découvre avec les pieds, et que les plages demandent de bons mollets. Peu de familles avec enfants, plutôt des quinquas en forme ou des jeunes, amateurs de marche et de calme ; les fêtards ne trouveront aucun bar branché, surtout pas en bord de mer, totalement préservé des tavernes bruyantes, des parasols et autres transats bien laids. On se lève et on se couche tôt, même quand on est grec (fermeture des tavernes à 23h fin septembre).  On y croise pas mal d’Anglais, beaucoup de Français, quelques Allemands et des Nordiques. Il est bon aussi de savoir qu’à Folégandros, on a tendance à oublier fréquemment son maillot de bain (bizarre !) et à se baigner alors sans problème, en tenue d’Éve ou d’Adam. La plage la plus facilement accessible l’interdit clairement, plage d’ailleurs beaucoup plus fréquentée, surtout par les familles grecques.

Si le relief de l’île est abrupt, ses côtes le sont tout autant ; à-pics, dégringolades de rochers, découpes tranchantes, rocs acérés, anses équarries, on plaindrait presque les pirates qui ont dû avoir fort à faire pour accoster sans y laisser leur chemise. Peu s’en faut que certains endroits me renvoient illico dans le Finistère, surtout lorsque le vent siffle entre les murets de pierre et que les rafales envoient valser les flots sur les brisants. La mer Égée a soudain un petit goût d’Atlantique très inattendu…

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Je voudrais pour clore ce préambule m’inscrire pleinement, totalement, entièrement en faux, contre cette réputation d’accueil supposé « frileux » des habitants de Folégandros. Les locaux que nous croiserons sur l’île, bergers, cultivateurs, éleveurs, âgés pour la plupart, ne sont pas différents des autres îliens, taiseux et impassibles. Si vous les saluez avec le sourire, si vous vous mettez un peu en retrait de leur activité, si vous prenez le temps d’apprécier leurs gestes séculaires, si vous leur demandez poliment dans un grec, même très approximatif comme le mien, de les photographier avec leurs bêtes « Με συγχωρείτε κύριε, μπορώ να σας φωτογραφίσω παρακαλώ** », vous ne devriez pas subir de rebuffades. Mais si on se comporte en touriste conquérant qui veut juste alimenter son compte Facebook…

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Le soir de notre arrivée tardive à Chora, nous nous sommes retrouvés sans bagages, suite à une fâcheuse inversion de sacs*** sur le ferry (A. a pris les bagages de B., qui a pris les bagages de C., qui n’a pas pris les bagages de A.…). Notre logeuse, pourtant maman d’un bébé, l’agence de voyage locale, la compagnie de ferry, le responsable de la taverne du coin, tous se sont mis en quatre pour nous aider. Il était 22h30, nous arrivions de Paros, nous étions de parfaits inconnus et pourtant, ils ont chacun mis un terme à leur activité pour nous trouver une solution et nous éviter ainsi un aller-et-retour au Pirée. Sans leurs interventions conjointes, je doute fort que le ferry suivant nous ait rapporté notre sac, ce qui fut pourtant fait. Comme marque tangible d’hospitalité, on ne peut pas faire plus et c’est une chose qu’on oublie pas…

 

*Amorgos, île où ma moitié refuse catégoriquement de retourner, conséquence sans appel de la soi-disant traumatisante et éprouvante remontée pédestre de la plage d’Agia Anna, au pied de la Panagia Chozoviotissa… grincheux, va !   

** j’ai bien dit approximatif

*** ça nous apprendra à avoir tous les gros sacs Cargo Eastpak NOIRS

 

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1 novembre 2014

Parce que l'on passe toujours par Naoussa...

Non, Naoussa n’est pas seulement le lieu « chic et branché » de Paros, où quelques célébrités parisiennes ont posé leur sac. Si vous avez la chance de fréquenter le lieu hors saison, - mais ce présupposé est valable pour nombre d’îles -, ce vieux port de pêche de carte postale, croquignolet et photogénique en diable, saura exercer sur vous toute sa séduction. C’est vrai qu’il en fait presque trop, avec son petit fort vénitien en ruines, sa chapelle blanche, les barques des pêcheurs qui se gondolent doucement, les poulpes séchés au soleil, les petits volets bleus ou verts qui tranchent sur la chaux des maisons cubiques, les ruelles fleuries… on se dit à chaque visite qu’on ne va plus s’y laisser prendre et… peine perdue, on se laisse abuser comme deux bleusailles. C’est surtout le matin que la magie opère, lorsque Naoussa est encore silencieuse et que la lumière douce du soleil semble dorer la mer. Certes, les collines autour du village sont vilainement ankylosées de constructions passablement hideuses, mais le vieux port reste lui, délicieux.

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Sur le quai, des navettes font des allers et retours vers les plages de Kolymbithrès, de Monastiri ou de Lagueri. Kolymbithrès est la plus célèbre et l’une des plus fréquentées (même en juin et en septembre), avec ses rochers aux formes bizarres qui dessinent des petites criques bien abritées. C’est à faire au moins une fois, surtout avec des enfants qui s’amusent beaucoup à plonger dans ce désordre de pierres. Pour être plus au calme, nous préférons les toutes petites criques que l’on trouve avant la grande anse de Monastiri, (moyen de locomotion obligatoire). Comme les photos l’attestent, la fréquentation reste très raisonnable … et en continuant à pied vers le Nord, se dressent les falaises du cap Almiros, le monastère Agios Ioannis et le parc culturel de Paros, sorte de friche pour bateaux en cale sèche, où sont organisées des soirées et concerts de toutes sortes.

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29 octobre 2014

Paros de l'intérieur

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On ne vient pas uniquement à Paros pour sa dolce vita, ses jolies plages de sable, le port de Naoussa, mais aussi pour ses très beaux villages intérieurs, bien desservis par les bus qui vous emmènent vous baigner à Logaras, Pounda ou Golden Beach (Chryssi Akti). C’est tout simple, il suffit de suivre la ligne, de descendre vous promener et siroter un café, et de reprendre le bus suivant jusqu’au prochain village.  Même s’il n’y a pas grand' chose à voir à Marathi, cette première étape est célèbre pour ses carrières, exploitées depuis l’antiquité pour la blancheur, la transparence et la finesse de son marbre. Extrêmement fragiles, seules de petites statues pouvaient être sculptées dans ces blocs : l’Hermès de Praxitèle, la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo, la Victoire de Paionios sont sortis des entrailles de Paros. Ce marbre d’exception est appelé « lychnitis », car extrait à la lueur des lampes à huile (Ληκυθος) des esclaves. Les carrières ont été exploitées de nouveau durant une partie du XIXe siècle, (les ruines des bâtiments sont toujours visibles) et ont servi, entre autres, aux bas-reliefs du tombeau de Napoléon.

Plus loin, on arrive à Kostos, tout petit village tranquille, doté de deux églises, d’une mignonne grand’ place, d’une taverne ombragée et de son kafeneion ; quelle que soit l’heure à laquelle nous passons, nous y voyons toujours un ou de deux popes attablés, papotant avec les papis du village. C’est fou comme en Grèce il existe des lieux où il est si difficile de s’extirper, une fois bien calé devant un frappé ou une Fix… la quiétude, le silence, la discrétion des habitants engendrent une forme de béatitude que l’on attrape très facilement.

Mais il est temps de repartir pour Lefkes, ancienne capitale de l’île, dont les maisons cubiques blanches (λευκος) dégringolent en amphithéâtre. Un peu en hauteur, entouré de collines en terrasses, sous la protection de vieux moulins, Lefkes déroule ses étroites ruelles bordées d’églises, de belles demeures classiques et d’habitations toutes simples bien fleuries : lacis de chemins dallés, de placettes, de murs chaulés, Lefkes n’a cependant rien d’un village de carte postale pour touristes : écoles, tavernes, cafés, les habitants y mènent la vie de tous les jours sans penser à défigurer le lieu pour vider les poches des visiteurs. Nous nous sommes de nouveau cassés le nez sur les portes décidemment souvent closes de l’église Aghia Triada, dont les guides chantent des louanges extasiées, pour ses ornements de marbre (iconostase, chaire, trône épiscopal) et ses icônes. Vous pouvez toujours vous consoler en allant faire un tour derrière l’église, sous les grands pins, jusqu’au cimetière où la vue sur les collines, jusqu’à la mer, est splendide. Si votre estomac commence à se manifester, remontez sur la place principale en haut du village et attablez-vous chez Clarinos, taverne familiale simple et conviviale, fréquentée par les gens du coin. De bonnes grillades pour les amateurs, goûteux plats de légumes pour les autres.

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En continuant vers la mer, on passe par Marmara (le marbre, toujours), autre petit village typiquement cycladique, avant d’arriver au très beau village de Marpissa. Le bus ne passe évidemment pas dans la partie ancienne, qui se découvre en hauteur, à partir de la place des Trois-Moulins. De nouveau ce même embrouillamini de venelles, de passages voutés, un labyrinthe blanc piqué du rose des bougainvilliers dont nous ne nous lassons pas. La concentration d’églises dans un si petit périmètre est impressionnante, on en croise parfois deux sur moins de cent mètres, toutes différentes, à dôme bleu, clocher de pierre, fronton ouvragé…

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De Marmara, si vous souhaitez une alternative plus calme à Pounda et Golden Beach, vous pouvez vous rendre sur la très jolie plage de Molos, encore préservée des locations de transats et de parasols. Nous n’y croisons que des Grecs, couples d’amoureux ou familles avec enfants en bas-âge. Il faut dire que cette plage de sable est parfaite pour les bambins, elle descend en pente toute douce dans une mer transparente, sans un rocher. Le site est magnifique, bordé aux deux extrémités par une chapelle, et au Sud par un tout petit port de pêche. Passé 19h, vous êtes tout seuls (juin et septembre, of course).

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23 octobre 2014

Parikia, un peu d'histoire à portée de main

Une pensée pour toi, Élo…

Les villages qui abritent le débarcadère des ferrys ont souvent tout de l’embarquement pour la déception. Ce sont en majorité des endroits « modernes » fabriqués, un peu trop neufs, sans caractère, rayés en front de mer par un alignement d’hôtels, de bars et de tavernes. On a alors hâte de monter vers le Chora ou le Kastro historique, bien à l’abri des pirates et des envahisseurs de tout poil. Paros* s’inscrit en antithèse et affiche ses legs du passé à hauteur de quai, dans son chef-lieu de Parikia.

Comme toutes les îles grecques après l’hégémonie romaine, Paros a vu défiler les mêmes vagues d’occupants : goths, slaves, byzantins, vénitiens, ottomans… Selon la durée de leurs « séjours » et leurs intentions, certains se sont juste essuyé les pieds dessus, quand d’autres bâtissaient, transformaient et marquaient profondément l’île de leur empreinte. Les byzantins ont édifié l’une des églises les plus anciennes de Grèce, massive, puissante, qui en impose toujours aujourd’hui. L’église, appelée Katapoliani (Á côté de la ville) ou Ekatontapyliani (Aux cent portes), ces deux dénominations étant utilisées parallèlement dès le milieu du XVIe, acquiert très rapidement prestige et influence.  De nombreux habitants de l’île, devenus des fidèles de ce nouveau lieu de culte, s’installent dans le quartier voisin ; on les appelle des παροικι (« qui appartiennent à la même communauté »). Le mot est resté jusqu’à désigner l’ensemble du village, Parikia.

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Comme à l’accoutumée, un édifice de cette importance ne sort pas de terre ex-nihilo car il faut montrer que la nouvelle religion a triomphé de l’ancienne : l’église Katapoliani a été édifiée au IVème siècle, sur l’emplacement de deux constructions successives pré-chrétiennes,  un temple antique, et un gymnase de l’époque romaine. Ce premier édifice modeste**, endommagé par un incendie, fut reconstruit sous Justinien, deux siècles plus tard, agrandi, agrémenté de voûtes et d’une coupole. Les chapiteaux et pilastres de marbre ont été « empruntés » au temple de Déméter, tout proche alors. Ensuite, les aléas des occupations successives, les pillages, les raids des pirates, le séisme de 1773 modifièrent l’apparence de l’église, qui fut rendue à sa forme première lors d’un important travail de restauration dans les années 1960.

L’église a aujourd’hui l’aspect d’un monastère, avec son mur d’enceinte, sa cour intérieure, son jardin et les cellules de moines… qui n’en abritent plus. Le bâtiment en croix grecque fait forte impression avec ses rangées de piliers, ses colonnades et sa large coupole. Le marbre sur la partie inférieur des murs, les pierres taillées de couleur des voûtes, la richesse de l’iconostase, le lustre imposant, l’or des icônes, vous tombent littéralement dessus : elle est à la fois sobre mais somptueuse, bien équilibrée mais remarquable, grandiose sans être grandiloquente. Sa chapelle Saint-Nicolas et son baptistère aux fonts baptismaux cruciformes, tous deux rescapés du IVe siècle, dépouillés, presque austères, émeuvent par leur simplicité et leur dénuement. On touche là à quelque chose d’originel, d’essentiel, qui vous remue singulièrement la corde sensible.

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Au XIIIe siècle, ce sont les Vénitiens qui se serviront des ruines des sanctuaires antiques pour ériger le kastro de Paros : des blocs de marbre, des morceaux de colonnes ont été intégrés au mur d’enceinte de la forteresse, que l’on atteint à partir de la vieille ville de Parikia. On monte doucement en lacis, dans d’étroites ruelles tachées du rose et du rouge des bougainvilliers, les petites maisons cubiques serrées les unes contre les autres, à l’abri des attaques des pirates ; passages voutés, placettes, chapelles discrètes, escaliers dérobés, l’ensemble a gardé son cachet, son charme, à deux pas pourtant des rues plus fréquentées où s’alignent les boutiques de souvenirs.

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C’est une des raisons du bien-être que l’on ressent à Paros, à savoir un équilibre, une coexistence réussie entre des lieux d’histoire et les impératifs économiques du présent. Entre un café et une épicerie, on peut toujours admirer la beauté des maisons de maître aux toits de tuiles, les balcons ouvragés, les corniches, des balustrades, des fontaines du XVIIIe siècle. Les magasins sont discrets, respectent l’harmonie des rues, se fondent dans le décor sans agressivité et coexistent avec l’église d’à côté et la demeure seigneuriale à blason du coin. Les enfants de Parikia jouent sur la grand’ place, on déguste une glace entre deux popes, on partage les fêtes du village, on se mêle à la population sans se sentir trop touristes ou étrangers, et on est vite intégré au tempo de l’île. C’est pourquoi on revient toujours à Paros, parce qu’on y a laissé un gros bout de soi et qu’on ressent toujours une bouffée d’émotion lorsque le ferry abaisse le battant du pont arrière, et que les ailes du moulin de Parikia se dessinent lentement…

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* Comme Naxos d’ailleurs

** Selon la légende, sainte Hélène et son fils l’Empereur Constantin, revenus de Palestine avec la Sainte Croix, seraient les fondateurs de l’église. 

15 octobre 2014

Retour à Paros, l'île où tout va bien - Mise en bouche

C’est sans regrets ni nostalgie que nous avons quitté Santorin, dès potron-minet, debout à cinq heures pour ne pas manquer le ferry Blue Star ; nous laissons loin derrière le capharnaüm et le tintamarre, soulagés de nous retrouver bientôt « à la maison », de reprendre nos petites habitudes, de retrouver Parikia et son kastro, les plages de sable blond, le calme des villages intérieurs, un rythme de croisière plus nonchalant, qui pourrait rappeler celui d’un paresseux au sortie de sa sieste. C’est étonnant comme les journées peuvent défiler à Paros, alors que nous passons notre temps le museau vers le ciel, à respirer l’air du temps qui passe, sans risque aucun de surchauffe. Mon ressenti de l’île n’a pas bougé d’un iota au long de ces onze années, où nous sommes revenus régulièrement lorsque le besoin s’en faisait sentir : le même accueil, la même chaleur, un plaisant mélange de sérénité et d’allégresse. De plus, les sirènes du profit à tout crin et de la surexploitation immobilière sont passées très au large, préservant l’île des dommages constatés en Crète et à Corfou. Sages habitants de Paros !

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Inimaginable de ne pas nous poser de nouveau , pension maintes fois saluée par nombre d’internautes, qui ne tarissent pas d’éloges sur l’hospitalité, la gentillesse de Sofia et de Manolis. Nous avons vu leur fille et les arbres du jardin grandir, le français de Manolis devenir impressionnant, les lapins et les chats se multiplier, mais rien n’a changé dans leur manière de concevoir leur pension ; une grande famille où il fait bon vivre. Réservez très tôt, c’est plein de juin à septembre.

Aucune nouvelle table testée cette année à Parikia pour le dîner, tant nous aimons deux endroits que nous alternons, selon l’humeur du jour, l’Ouzeri Boudaraki et le Levantis. Le premier, situé très à droite sur le quai lorsque l’on a la mer dans le dos, est une petite taverne toute simple, pas chère, qui est restée fidèle aux plats traditionnels qu’elle sait faire. Mention spéciale pour les aubergines confites, plat modeste mais pourtant délicieux, qu’une certaine cliente québéquoise de ma connaissance prend même en dessert, c’est tout dire... surtout lors de soirées mémorables où la Suisse, la France et le Québec réunis, arrivent à faire plus de bruit que les tables de Grecs...content (108)

Avec le Levantis, au cœur du vieux Parikia, on monte en catégorie avec une cuisine plus élaborée et un cadre plus intimiste. Si les plats végétariens sont délicieux (linguine aux tomates rôties et sardines marinées, mijoté de légumes et d’olives, gnocchi maison à la roquette sauce aux noix), ma moitié se régale de l’agneau en feuille de vigne et féta aux herbes, du filet de porc aux pommes et aux raisins, sauce Mavrodafni, du ragoût de lapin au yaourt et aux aubergines. C’est aussi un des rares endroits où je prends un dessert, tout aussi pensé, construit, cuisiné, que les plats. L’addition s’en ressent mais reste en accord avec la qualité des mets.

Pour un petit en-cas, très bonne assiette de fromages grecs au Café Distrato, à savourer avec une Fix Dark, sous un arbre centenaire. Vous passerez obligatoirement devant ou dessous, en vous promenant dans les petites ruelles.

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Les bus se faisant plus rares en septembre, il est préférable d’opter pour la location d’une voiture où d’un scooter ; trois jours et demi de location d’un gros quad nous sont revenus à 55 euros, hors essence, ce qui reste accessible.

Pensez aussi à réserver très tôt votre ferry, si vous continuez votre périple vers une île moins bien desservie ou qui ne voit plus passer que la compagnie SeaJet. Les seuls billets restant en classe supérieure peuvent tout à coup sacrément grever votre budget…

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9 octobre 2014

Santorin, l’île qui renaît toujours de ses cendres – Akrotiri "dé-lavée"

Certains visiteurs posent le pied à Santorin avec la même émotion qu’ils ressentiraient à fouler le sol lunaire : l’île n’en est pas une, elle est une mémoire géologique, un marque-temps, un site issu des entrailles de la terre en colère, multiforme, instable et éphémère*. Plusieurs volcans sous-marins ont fait et défait Santorin, dans une succession ininterrompue d’éruptions ; à chacune d’elles, les volcans s’effondrèrent avant de se réédifier de nouveau, créant à chaque explosion une gigantesque dépression centrale, un cratère, une caldeira ; aujourd’hui, les parois de la caldeira, à demi-immergée, surgissent à 385 mètres au-dessus de la mer, et plongent d’autant sous l’eau. Santorin a plusieurs fois changé de visage, suivant les caprices et les ardeurs de ses volcans : d’un seul tenant, en plusieurs morceaux, ronde ou en croissant, agrémentée d’îlots, de cônes volcaniques brièvement surgis des eaux avant de replonger, elle reste turbulente, traversée de secousses et d’activités sismiques sous-marines.

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En 1630 av J.-C.**, le grand cataclysme a lieu ; l’éruption dantesque, biblique, envoie des panaches de scories à 35 km au-dessus de l’île, arrose la Méditerranée de cendres, engendre raz-de-marée et catastrophe climatique. On a longtemps lié le déclin de la civilisation minoenne à cette éruption apocalyptique. Une plus fine datation du désastre met à mal ce raccourci bien séduisant et l’éloigne de deux cent ans de la destruction et l’abandon des palais crétois, estimés vers 1450 av J.-C.

Cette effroyable éruption détruisit toute vie sur Santorin mais permit aussi de nous léguer un témoignage exceptionnel de la vie sur l’île, à l’âge du bronze : une ville entière, prospère, organisée, hiérarchisée, dotée d’infrastructures de haut niveau, dormait sous 15 mètres de cendres. On ignore son nom, on la désigne par celui du village voisin actuel. Même si le site n’a rien à voir avec Pompei, malgré ce que l’on peut lire, le site d’Akrotiri est particulièrement émouvant. Les archéologues n’ont retrouvé aucun corps ni aucun objet de valeur, ce qui laisse présager plusieurs séismes annonciateurs de la catastrophe, qui firent fuir les habitants vers des abris de fortune.  Sur les 20 000 mètres ² estimés de la cité, construite sur une petite plaine du Sud abritée des vents et dotée de deux ports naturels, seule la moitié a été fouillée. Le site révèle un ensemble de bâtiments pour certains dotés encore de leurs étages, des ruelles dallées, des places publiques, des édifices religieux, administratifs, des demeures particulières cubiques, un système d’évacuation des eaux usées, des magasins, des jarres et des poteries. Les hauts bâtiments aux façades en pierre de taille sont appelés xestes (taillés) et rappellent par leur volume, le nombre de leurs pièces, les bassins de purification, les agencements internes des chambres et leurs peintures murales, les palais crétois.

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Akrotiri soulève d’ailleurs plus de questions qu’il ne donne de réponses, quant à ses relations avec la civilisation minoenne : on ignore si la ville était habitée par des colons crétois ou bien si les habitants ont adopté, par imitation culturelle, certaines des habitudes des Minoens, artistiques, religieuses et administratives. Les chercheurs s’accordent tous sur une profonde influence crétoise et avancent la possibilité de familles puissantes, qui auraient pu servir les intérêts crétois dans un avant-poste cycladique***. Les peintures murales qui ornaient certaines chambres ont bien évidemment été déposées pour des soucis de conservation et sont visibles au musée de Fira. On est époustouflé par l’élégance de ces peintures, leur finesse, leur délicatesse : corps sveltes et racés, chevelures travaillées, costumes féminins audacieux mais aussi par une représentation étonnante de la nature. Lys, papyrus, antilopes, singes bleus, hirondelles, tout vibre, respire, bouge en liberté. Rien de figé, de normalisé dans ces peintures aux couleurs vives, riches de mille détails, inventives et expressives. Il serait vraiment dommage de faire l’impasse sur le site et le musée car ces fresques en disent long sur le tempérament, le caractère des habitants d’Akrotiri, sur leur quotidien, leur goût pour les arts, la beauté et leur cadre de vie.

A D

C

*Rappelons que certains voient en Santorin, la mythique Atlantide de Platon (après tout, les bretons ont bien leur Kêr-Ys, qu’on veut voir au large de Douarnenez ou dans la baie des Trépassés, selon les chapelles)

** Á peu près…

*** Pour en savoir plus : Art et Religion à Théra, Nanno Marinatos, Éditions Souanis (traduction française un peu fantaisiste).

 

3 octobre 2014

Mode de survie à Santorin

Si vraiment vous tenez à passer par Santorin, malgré toutes les réserves évoquées précédemment, il est possible de quitter l’autoroute balisée (Fira, Oia, Red Beach) et de mettre à son emploi du temps un peu plus de Grèce, en suivant d’autres chemins  … enfin, si on n’est pas trop regardant.

Contrairement à nombre d’îles, les plages de Santorin ne laissent aucun souvenir éternel ; elles sont toutes du même acabit, tapissées de transats collés-serrés,  bordées de tavernes et de bars à fort potentiel de décibels, qui nourrissent et abreuvent les clients, sous leurs parasols : imaginez l’état vers 19h, lorsque les gobelets de Frappés et les bouteilles de Mythos s’entassent… Kamari, Perivolos, Périssa sont aussi noires de monde que leur sable volcanique et leurs eaux souffrent de cette sur-fréquentation*. Si vous êtes motorisés, tentez Vlychada ou Monolithos, moins bien desservies par les bus mais plus tranquilles.

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Les villages de l’intérieur permettent de retrouver un peu de calme, loin du bourdonnement continuel de la caldeira. Pyrgos, Akrotiri, Mégalochori méritent le détour, beaucoup plus sereins et moins trafiqués. Vous aimerez certainement, mais nous avons vu tant de villages à fort caractère dans les Cyclades ou les Ioniennes, tant d’endroits piquants, en relief, dotés d’une âme, que nous sommes devenus très difficiles. Disons qu’on y retrouve un peu de saveurs**, c’est déjà pas si mal.

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Même côté assiette, Santorin ne m’a laissé aucun souvenir fort. Je ne parle même pas en matière gustative, mais un repas dans une taverne grecque est toujours un moment d’échange avec les patrons, les voisins de table, on s’enquiert du plat du jour, des spécialités, du fromage local, on finit souvent dans les cuisines quand la craie sur l’ardoise rend les plats grec illisibles. Á Fira, c’est l’usine, il faut réserver sa table même à 23h, tant le monde défile, défile, défile. On sent le stress des serveurs, les tensions d’un service ultra-speed, le patron rompu au business et plus aucune de ces gentilles attentions de fin de repas que tous les visiteurs apprécient dans les tavernes (fruits, douceurs, petites parts de gâteaux, baklava…) : vous n’êtes pas un hôte, juste un client. Évitez donc tout ce qui s’est construit sur la caldeira et préférez des tables ou des cafés sans doute moins bien situés, mais qui ne facturent pas d’abord la vue au prix fort, sans se soucier de ce qu’ils mettent sur la table. Á titre de comparaison, un ouzo et un mojito coûtent 17 euros à Santorin, 10 euros à Paros et 9 euros à Folégandros… prévoyez large côté budget.

En relisant ces lignes, je me dis que je ne donne décidément aucune raison valable de venir à Santorin***. Il y en a pourtant une de taille, si vous aimez les histoires, les vieilles pierres et les mythes. Il s’agit du site d’Akrotiri. Le prochain post vous dira pourquoi il est incontournable….

 

* J’ai quitté Santorin sous antihistaminique et tartinée de pommade, suite à des bactéries contractées à Périssa. D’accord, je sur-réagis volontiers aux agressions cutanées mais notre gentille logeuse n’a pas été étonnée de voir mes avant-bras couverts de boutons…

** Même si aucune comparaison n’est possible avec les villages de Chios ou de Tinos

*** Que l’on cesse de nous vanter le coucher de soleil sur la caldeira ! La Concorde à l’heure de pointe, vous voyez ce que je veux dire ? Et pour un coucher de soleil, certes graphique, mais qui n’a rien de vraiment particulier. J’ai choisi, pour illustrer l’album photo de Paros, le ciel de notre arrivée vers 19h30, le long du quai. Ça, ça a de l’allure, comparez !

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30 septembre 2014

Santorin prend l'eau...

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L’île la plus mythique de la mer Égée fut ma porte d’entrée pour les Cyclades il y a une décennie. Comme tous ceux qui ont posé leurs pieds sur son sol, je fus éblouie, émerveillée, fascinée par sa splendeur. Je grinçais déjà un peu les molaires devant une exploitation touristique que je trouvais excessive, mais la magie était là, je cessais de maugréer dès que les gros navires de croisière levaient l’ancre et que le calme revenait à la tombée du jour. Même le coucher du soleil se faisait alors dans la sérénité, en cette mi-juin 2003.

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Aujourd’hui, l’île ouvre bien grand les bras au Yuan et au Rouble, se gave d’un déferlement de touristes irraisonné, s’engraisse de revenus douteux et accepte des comportements triviaux. Nul besoin d’un volcan pour anéantir de nouveau Santorin, l’appât du gain s’en est chargé. Une marée humaine grouillante, une masse compacte, une cohue débordante, un flux ininterrompu de visiteurs a pris possession des lieux, qui suffoquent sous l’envahissement. Que ce soit à 10 heures du matin ou à 23 heures, les ruelles de Fira et d’Oia sont engorgées de visiteurs débarqués par cars entiers, d’agences russes et chinoises. Entendre parler grec à Santorin devient une curiosité. Je sais que tout un chacun est en droit de venir admirer la beauté du site, mais Santorin n’est pas taillée pour amortir cette soudaine surdensité humaine au mètre carré. D’autant - j’assume le propos -, que ces nouveaux visiteurs ne surgissent pas forcément pour de bonnes raisons. Santorin est devenue the place to be, l’île où l’on vient se montrer, s’exposer, s’exhiber, se photographier, se marier. Son histoire, son mythe, ses sites archéologiques ne les intéressent en rien (sur le magnifique site d’Akrotiri, nous n’avons croisé que des Européens…). Conséquences de cette arrivée massive, une flambée des prix, des chambres prises d’assaut, une prolifération de boutiques de luxe, des eaux de baignade pas toujours très propres, des restaurateurs peu scrupuleux*, des vendeurs agressifs et l’inobservance des règles d’hospitalité, pourtant inhérentes à la Grèce.

Volontairement, je ne conseillerai aucune adresse à Santorin**. Parce que Santorin n’est pas la Grèce, comme Venise n’est pas l’Italie. Ce sont des enclaves à part, des territoires désormais vendus au seul rendement financier, où des comportements de requins mettent en péril la préservation d’un patrimoine exceptionnel et l’équilibre d’un écosystème fragile***. Comme Venise se cache parfois sous ses eaux pour ne plus voir les paquebots géants esquinter sa lagune, Santorin pourrait bien un jour en avoir assez de porter sur son dos sa couche de béton toujours plus vaste : le dernier séisme date de 1956…

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* Éviter à tout prix le Café Classico, à Fira, en guise d'ouzo, un alcool frelaté.

** A contrario, je tiens à souligner l’extrême gentillesse de notre logeuse et de sa fille, qui tiennent cinq petites chambres toutes simples, dans une ruelle qui descend en contrebas de la cathédrale orthodoxe : Rooms Sofi.

 *** Santorin ne possède aucune réserve d'eau, on désalinise à tour de bras. Gestion des eaux usées ?

 

5 avril 2014

Théorème de la lumière…Jacques Lacarrière à la galerie Desmos

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Pour tous ceux qui, dans leurs jeunes années, ne connaissaient de la Grèce que L’Été grec, le premier voyage en terre hellène avait forcément quelque chose de décalé ; même si les derniers chapitres ajoutés au livre pour sa réédition nous montraient un Lacarrière tout déconfit par les bouleversements qu’avait connus le pays, lors de son retour en terre promise après une longue parenthèse choisie, nous n’avions pris le pouls de la Grèce qu’au travers des déambulations pédestres d’un jeune homme qui l’avait arpentée à une époque totalement révolue. On avait du mal à raccorder ses récits avec ce que l’on avait sous les yeux, un état moderne et prospère (enfin, pour la prospérité, je parle des années 90…). 

Lacarrière nous a fait goûter la saveur d’un monde disparu, que nous avions un peu tendance à idéaliser, comme une sorte de paradis perdu dont on garde une nostalgie, mal à propos : combien de fois ai-je subi les admonestations de πουλακι μου, me claironnant aux oreilles l’état d’extrême pauvreté de la Grèce qui se relevait alors comme elle le pouvait de la guerre civile et la dureté du régime qui s’est instauré ensuite ? Je faisais à chaque fois profil bas, sachant pertinemment le bien-fondé de ses remarques.

Mais j’ai tout de même couru dans le XIVe, dès que j’ai su que Lacarrière avait aussi joué de son Leica lors de ses pérégrinations et que l’on allait replonger dans la Grèce « d’avant »… Des clichés noirs et blancs, des portraits, la vie des humbles ou des reclus (superbes photos des ermites du mont Athos), des jeux d’ombres de lumière, de cette lumière coupante qui aplatit les reliefs, « un pays, en somme, où la rigueur janséniste de la chaux s’opposait aux vertiges de l’ombre, un pays presque inhumain tant il devient austère ». « Ces lieux nus et brûlants avec leurs arêtes vives et leurs surfaces arasées évoquent pour moi les vieilles géométries d’Euclide et de Thalès. C’est d’ailleurs ici qu’elles sont nées, dans ce pays géométrique où le soleil joue aux mathématiques avec l’ombre. »

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Photographies de Jacques Lacarrière - "Ombre et lumière"

Librairie-galerie Desmos

14 rue Vandamme – 75014 PARIS

Jusqu’au 13 avril / 15 heures – 19 heures

Métro Edgar Quinet ou Gaité

18 mai 2012

Tinos suite – pratiqué et adopté… ou pas !

Il aura fallu attendre cette splendide île qu'est Tinos pour découvrir le port de Rafina, très conseillé pour rallier les Cyclades du Nord : oubliez le bus X96 un peu cahotant pour le Pirée et montez dans le très confortable bus climatisé KTEL. En moins de 30 minutes, on est sur le port, à taille humaine, loin du gigantisme du Pirée. Pas la peine d'arpenter des kilomètres de quais sous le soleil en trainant ses sacs, au pas de course pour trouver le bon ferry, ici, vous aurez du mal à ne pas voir les 2 ou 3 seuls bateaux qui n'attendent que vous.

Autre avantage pour ceux qui se sont levés à 05h00 et qui ont les crocs en avant, un certain nombre de tavernes, les pieds presque dans l'eau, sont à votre disposition. Comme d'habitude, on s'approche, on écoute et on choisit celle qui accueille le plus de grecs, gage solide de qualité. Bref, il est 15 heures, on vient de retrouver le goût de la xorta et des kolokithokeftedes, il fait 26°, grand bleu, J-P savoure son premier ouzo... on ne voit pas d'ombres au tableau.

Comme conseillé sur le site de Christian, - on ne remerciera jamais assez le monsieur pour la précision et la justesse de ses infos -, une voiture louée chez Vidalis nous attend au port de Tinos. C'est une famille entière qui gère cette institution sur l'île : nous avons eu affaire au fiston et à la môman, auxquels on peut décerner la palme du meilleur accueil qui soit. Vous ne vous sentez plus touriste mais déjà citoyen de Tinos, adopté. Nous n'avons pas compris sur le moment pourquoi ils insistaient très lourdement sur l'attention que nous devrions absolument porter aux portières de la voiture, qui parfois s'envolent à Tinos... quatre jours après, la puissance des rafales du vent nous a démontré toute la sagesse de la famille Vidalis (genre, Pointe du Raz en janvier...).

Nous sommes arrivés relativement tard, à 21h15 et Vidalis Junior a eu cependant l'extrême courtoisie de nous accompagner une bonne moitié de chemin, vers notre lieu de villégiature... bien lui en a pris, il avait à peine tourné ses roues que nous nous sommes perdus. Découvrir l'intérieur d'une île par nuit noire, avec une carte rudimentaire et sans aucun repère, pour monter dans un petit village mal indiqué, relève de la performance.

Nous louons un studio à Skalados, idéalement placé pour découvrir ce qu'il y a de plus beau à Tinos, les villages de l'intérieur. Je ne peux que recommander le lieu, nickel, très agréable, avec une vue de toute beauté (Astrokaktos).

 

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Côté tables... le grand gagnant est le fameux O Rokos, à Volax. Deux repas, deux réussites, même si nous avons regretté d'être venus hors saison, la carte se limitant à quelques plats, choisis directement en cuisine. Nous avons débarqué la première fois à 23h, les grecs en étaient déjà au yaourt, mais on nous a tout de même servis sans rechigner. Les mezzés sont excellents, la fraicheur des produits évidente (nous croiserons d'ailleurs le propriétaire dans son potager le lendemain, d'où sont issus ses excellents artichauts) : le prix défie de plus toute concurrence. Á Chora (Tinos-ville), carton plein avec Epinio, à côté du poissonnier qui cajole son pélican. Là aussi, très bon accueil, bonne table, seconde carafe de vin offerte et plus encore quand on y revient.... Pour un repas plus simple (comme goûter la louza et le fromage local), Malamatenia est parfait, perpendiculaire à la rue des bondieuseries.

Christian conseille Bizantinos pour un ouzo-mezzés d'anthologie, dans un lieu typique, un ancien hammam, où on accède après avoir traversé un café très... « tinote », qui ne doit pas souvent voir de touristes. Désolée Christian, si le lieu vaut en effet le détour, les mezzés nous ont paru bien chiches et surtout très salés. O Rokos propose bien mieux pour accompagner l'ouzo quand on arrive un peu tôt.

Sur le port de Panormos, déjeuner chez Markos, authentique pêcheur un peu bougon, qui préfère s'occuper de ses filets que de faire le service (on le comprend un peu). Nous lorgnerons sur la carcasse de l'araignée qu'il vient de s'enfiler avec ses potes (pas fou le gars, il se garde les meilleurs prises) mais nous ferons tout de même un bon repas de poissons.

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Et si vous cherchez un endroit un peu différent, un peu plus « haut de gamme » pour vous faire plaisir lors d'une dernière soirée tinote, rendez-vous chez Symposion, lieu calme et cosy, où les mezzés valent vraiment le détour (pas donné donné, mais bon...). Ambiance feutrée, excellente cuisine élaborée, très bons vins, accueil plein d'attention... l'addition est à la hauteur mais nous ne le regrettons pas.

Dernière chose : tout le monde s'extasie sur le galaktoboureko que l'on déguste à Pirgos (tranche épaisse de semoule ultra fine parfumée à la cannelle et à la fleur d'oranger, prise entre deux couches de pate filo), sous le feuillage du platane séculaire. C'est pas mal, frais, un peu détrempé tout de même et beaucoup moins goûteux que les baklavas faits maison, testés à Paros.

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14 mai 2012

Tinos, l’île paradoxe

J’ai toujours cru abominer les artichauts, ce presque chardon moche et bête, que j’ai trop vu pousser dans le Léon, sous une pluie bretonne tenace, à vous coller un bourdon têtu et durable. Je fuis tout autant le bigotisme et ses manifestations doloristes, et je n’ai que peu d’attachements pour les pigeons, en dépit de Sidonie (par nous baptisée ainsi), jeune et gracieux volatile, qui avait élu notre balcon pour perpétuer son espèce.

Alors, passer 8 jours à Tinos, fameuse pour cette trilogie, n’allait pas vraiment de soi… pourtant, tourner le dos à cette Cyclade du Nord est une bévue de taille et je ne me félicite pas de l’avoir indûment méjugée durant autant d’années.

Á l’exception d’une petite partie de la côte sud, à l’ouest du port, Tinos est une île miraculeusement préservée, sauvegardée du bétonnage, des constructions anarchiques, des carcasses d’habitations inachevées, qui défigurent certaines de ses semblables. Je ne crois pas avoir jamais arpenté autant de beaux villages, avec du caractère, de l’âme, du singulier, du surprenant, de l’identité : Volax, Loutra, Tripotamos, Agapi, Kardiani, Isternia, Tarambados, Arnados, Pirgos… il faut tous les découvrir, parcourir leurs ruelles étroites, leurs arcades, passer sous les voûtes, admirer leurs lavoirs (encore utilisés de nos jours), leurs fontaines de marbre, les hyperthiras* qui ornent les fenêtres, dégringoler les escaliers, remonter jusqu’aux églises, tel un jeu de piste organisé dans le plus authentique décor qui soit. Pirgos mis à part, un brin touristique, tous les autres villages sonnent juste, sonnent vrai, comme si le temps avait arrêté sa course pour protéger l’atmosphère paisible, unique de ces lieux.

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Au printemps, les collines sont couvertes de fleurs rouges, jaunes et mauves, le thym, l’origan, la sauge embaument déjà, les plages n’attendent que vous. C’est le bon moment pour admirer les 600 pigeonniers, tours carrées découpées comme de la dentelle, blanchies ou laissées brutes, qui tachètent les paysages vallonnés.

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Rien ne vous oblige, à Tinos-ville (Chora), à vous éterniser devant la Panagia Evaggelistra, lieu de pèlerinage orthodoxe, qui attire les croyants au mois d’août : elle n’a pas beaucoup d’intérêt, trop récente, trop vilaine, trop artificielle pour être émouvante. De plus, la montée à genoux des pèlerins vers l’église n’a rien d’un spectacle captivant et on se détourne vite des marchands du temple, qui vendent des cierges de plus d’un mètre et des flacons en plastique pour recueillir l’eau bénite.

Allez plutôt vous attabler devant les spécialités gourmandes de l’île, les délicats, succulents, petits artichauts au vinaigre, le fromage de chèvre local, la louza, sorte de jambon séché et fumé qui fond dans la bouche, les beignets de fenouil, les câpres suaves et les « glyka tou koutaliou », fruits confits faits maison, que l’on déguste avec le café ou sur le yaourt (la cerise noire est un must, dont je lèche l’assiette sans remords).

Attention toutefois à garder sous la main des vêtements chauds et une bonne couverture pour les nuits : si nous avons commencé notre séjour avec une température d’été, nous l’avons fini rhabillés, avec 10 degrés en moins, l’île étant connue pour ses coups de vent violents qui rafraichîssent l’atmosphère. Les nuages bas envahissent alors Tinos, qui a tout soudainement des Hauts du Hurlevent.

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* demi-cercle de marbre sculpté au dessus des fenêtres et des portes.

 

 

27 avril 2012

Παπαρούνα

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« Παπαρούνα» est le premier mot de grec moderne inscrit dans ma mémoire. Et c’est aujourd’hui son anniversaire, les vingt printemps d’un petit mot pimpant et rutilant, qui me fut donné lors d’un voyage d’étudiants fin avril 1992… je garde en général à distance la nostalgie larmoyante, mais je retiens de ce premier contact avec la Grèce des images intactes et limpides. Alors étudiante en droit, des auspices ingénieux et quelques bonnes relations m’avaient accrochée à un périple d'hypokhâgneux d’Henri IV, soutenus par de frais Normaliens, à la découverte du Péloponnèse.

Á l’opposé de ces cervelles bien faites et imprégnées de culture hellène, je touchais une terre quasi-inconnue, mais je trouvais, grâce à mes compagnons de fortune, les réponses à mes incessantes et tannantes questions, qui révélaient des lacunes confinant à l’ignorance la plus crasse. Tous jonglaient avec les dates, les conflits, les batailles, les subtilités de l’architecture, les références culturelles, ce qui me faisait cruellement défaut (je me revois demander à D.B. avec hardiesse, qui était cette ATOLOS que nous devions rencontrer à Delphes… sa mine déconfite et limite effrayée me renvoyait illico à ma cancrerie : j’eus droit cependant à un premier cours improvisé sur les temples circulaires, ce qui me permit de rentrer crânement sur le site, prête à admirer la Tholos…).

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Avec patience, amusement parfois, et hilarité spontanée souvent, ces étudiants de Lettres Classiques m’ont transmis un peu de leurs lumières, m’ouvrant un modeste passage vers la compréhension et l’amour de ce pays. Mais au-delà des lieux mythiques parcourus, qui font cavaler l’imaginaire et la rêverie (Mystra, Olympie, Delphes, Mycènes, Corinthe), j’ai eu la chance de découvrir la Grèce à cette période fugace où la nature fait fleurir et flamboyer la terre, libre de toute invasion touristique, ou presque. Nous fûmes ainsi seuls à escalader les gradins du temple d’Épidaure, libres d’écouter, fascinés, les voix de la chorale du lycée Henri IV monter de l’orchestra. Ces parenthèses solaires et radieuses flottent encore quelquefois, deux décennies plus tard, suspendues dans ma mémoire :

-         la montée au Lycabette pour découvrir Athènes d’un seul regard

-         une bataille de polochon débridée dans une chambre de filles déchaînées

-         une fin d’après-midi passée à refaire le monde dans un champ couvert de coquelicots

-         les ruelles de Plaka

-         le silence de Mystra

-         les oranges grecques (non, rien à voir avec les autres…)

-         la moussaka - presque végétarienne - d’une taverne près de Mycènes, saveur jamais retrouvée

-         l'agneau, présent à chaque repas lors de cette semaine de carème, auquel je refusais catégoriquement de goûter

-         le Cap Sounion au coucher du soleil

-         une nuit blanche passée dans l’ancien aéroport d’Athènes à attendre un avion « delayed »

-         le sourire craquant d’un prof de grec ancien et son écharpe rouge

-         les nouveaux amis qui n’imaginent pas encore qu’ils seront toujours là vingt ans plus tard

-         et ceux que l’on a perdus en chemin et que l’on regrette à perpétuité.

Merci à Domy, Isabella, Ballon, Berny (qui y était sans le savoir), Luigi et les autres, d’avoir été ... très "aποτροπαιοι"  (very, private joke).

 

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 olympie

 

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photos : avec autorisation d' I.G.

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Le Présent Défini
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