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Le Présent Défini

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22 juin 2012

Délaissez Skala pour Old Skala

Les guides touristiques balisent couramment pour nous les curiosités des pays que nous découvrons, mais il arrive parfois qu’un hasard espiègle enraye l’emploi du temps prévu et nous envoie sur d’autres chemins, bien plus émouvants.

Á la pointe Sud-Est de Céphalonie, on trouve un village anglais*, Skala, station balnéaire sans charme, bâtie récemment dans une totale cacophonie (et son expansion continue de plus belle), un chaos de constructions bétonnées plus hideuses les unes que les autres. Les tour-opérateurs d’outre-Manche y cantonnent leurs ressortissants, qui y rôtissent leur blanche carnation en vase clos. Si vous entendiez parler grec à Skala, ce serait de l’ordre du prodige. Cette édification à marche forcée est d’autant plus dommageable que la plage qu’elle borde est magnifique. Seules, une imposante villa romaine du IVème et ses mosaïques, sont une raison de s’y arrêter.

Mosaïques_romaines_Skala

 

Nous préférons poser nos serviettes un peu plus loin sur la petite plage de sable de Kaminia, à Ratazakli, lieu de ponte des tortues de mer. Des jeunes d’une association écologique passent d’ailleurs vers 18h pour ramasser les déchets « oubliés » par les gorets et qui risqueraient de polluer le site.

En rentrant un soir vers Poros, nous avons souhaité essayer un autre chemin, à l’intérieur des terres. On va dire que ma lecture de la carte un peu personnelle et mon sens inné de la désorientation nous ont menés … à Old Skala, ancien village construit sur les hauteurs, totalement ravagé par les tremblements de terre de 1953. Il en reste encore aujourd’hui des ruines, de vieux murs de pierre écroulés, des vestiges poignants, un petit cimetière où certains rescapés d’hier ont choisi de revenir pour l’éternité. Il n’y a en fait plus grand-chose à découvrir sur ce champ du souvenir, la nature reprenant peu à peu ses droits. Mais ce retour en arrière, cette promenade silencieuse sur les traces des premiers habitants de Skala, est comme un modeste hommage que l’on adresse à ceux qui ont tout perdu le 12 août 1953** et que l'on vient saluer, avec amitiés.

 

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* encore que…. Albion n’est pas fils de Poséidon pour rien…

** vous pouvez trouver à Skala une petite monographie de Jean Baker « Memories of the Earthquakes of 1953 », très bien faite et riches de photos d’époque.

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20 juin 2012

Céruléenne Céphalonie

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Le retour à Céphalonie s’imposait… il est parfois étonnant de voir la métamorphose subite de son conjoint en gamin boudeur et grognon, tout chiffon de quitter le petit port de Poros, où nous avions passé une semaine l’année dernière, pour s’en aller découvrir Leucade. J’avais pour mission cet été de le ramener en terre promise, de lui rendre ses petites habitudes estivales, sa plage… et son « yaourt au miel sur la terrasse à l’heure où le ferry arrive ».

Nous avons donc re-posé nos sacs à l’hôtel Oceanis de Poros, (Sud-Est de Céphalonie), que je vous recommande avec emballement : prix gentils, grande piscine, petits-déjeuners généreux, linge lavé gracieusement et situation panoramique qui domine toute la baie.

Si j’avais tenté d’expliquer l’année passée pourquoi nous aimons cette grande île ionienne (c’est ici), on va donner aujourd’hui dans le pratique :

Se rendre à Céphalonie :

Pas d’avion direct depuis la France, passage par Athènes obligé. Ensuite, soit vous enchainez avec un vol Athènes/Argostoli qui vous coûtera un bras sur un coucou d’Olympic Air (05h40 ou 20h35, horaires plus incommodes, on a rarement fait…) ou bien, vous faites comme les vrais gens. Vous vous rendez au terminal A de la gare routière (un quartier d’Athènes un peu moisi mais pas périlleux) pour trois heures de bus pour Patras : vous serez entourés de popes, de mamies en fichus noirs, de grecs qui beuglent dans leurs portables, de papis qui s‘interpellent d’un bout à l’autre du véhicule. C’est très charmant ! Á Patras, vous embarquez sur un ferry de la compagnie Strintzis Ferries qui vous amène au port de Sami (le bus, qui monte avec vous dans le bateau, continue vers Argostoli). Évidemment, vous y laissez une journée, mais on aime ce sas de décompression, ces quelques heures de transition où on glisse doucement d’un pays à un autre, d’une langue à une autre, retrouvant peu à peu nos repères, nos habitudes, nos traces laissées douze mois plus tôt.

Manger à Céphalonie :

Á Poros, voilà deux « cantines » où nous avons nos habitudes, pour des raisons très différentes.

- Ταβέρνα Ηλιοβασίλεμα (Taverne Iliovasilema / Sunset), au dessus du quai des ferries. Cuisine simple et bonne, pas chère et pratique, situé à 20 mètres de l’hôtel Oceanis. On y vient surtout pour sa patronne (qu’on entend en général rire de très loin, on sait toujours quand elle est là…), Βουλα Πετρη, qui aime sa moto, les chats… et la musique. Car la demoiselle chante, et pas qu’un peu (elle a même enregistré deux CD). Il faut venir à l’heure grecque (pas avant 22h), envoyer de bonnes ondes, ne pas la stresser, et si les oracles l’ont décidé, elle prendra sa guitare. Vous passerez alors un bien joli moment, surtout lorsque les tablées de locaux reprennent avec elle des chansons traditionnelles. On a soudain l’impression jubilatoire de faire partie de la famille, de partager une culture, d’être les témoins privilégiés de ce qui fédère une communauté, la fraternité par la musique et le chant.

- Ταβέρνα Ο Τζινας, sur le quai des voiliers. Tenu par un franco-grec, vous allez très bien dîner au bord de l’eau. Les recettes traditionnelles de l’île sont affinées (si vous souhaitez goûter la kréatopita, c’est ici qu’il faut venir) et son agneau au romarin vous laissera tout remué. Excellent bar rôti, desserts goûteux… et puis il a raison de remplacer les sempiternelles frites qui alourdissent les plats par un moelleux gratin dauphinois.

- Nous avons un gros souci avec son voisin direct, Διονυσος, que l’on retrouve dans nombre de guides mais qui ne nous a jamais plu (il faut dire aussi que cette table nous a rendu malades). J’ignore si le propriétaire a changé, s’il s’agit juste de la faute à pas de chance, mais nous ne partageons pas les lauriers qui lui sont souvent tressés. Á vous de voir.

Á deux kilomètres de Sami, nous conseillons avec enthousiasme la Ταβερνα Καραβομυλος, quasiment les pieds dans l’eau, sous l’ombre de grands arbres. Table des dimanches des familles du coin, on y mange très bien (excellent poisson, le patron est pêcheur) et on y trouve même des petits calamars* frais. Et quel bonheur sucré de se voir offrir avec le café des baklavas, aussi bons que ceux de l’Ouzeri Boudaraki de Parikia, à Paros.

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Á Assos, encore un excellent déjeuner au Ο Πλατανος, grande taverne familiale où l’on déguste les produits de leur ferme : J-P maintient son appréciation, les meilleurs Παιδάκια (côtelettes d’agneaux grillées) se mangent là. Carte bien fournie, salades originales, fraîcheur des produits, nous, on aime beaucoup, comme le yaourt au glika de cerises, offert en dessert. Le service des ados de la famille, attentionné et  sincèrement soucieux de votre bonheur gustatif, est très touchant.

La suite au prochain post…

 

*Je sais, B., que l’on doit dire en français « calmars », mais bon, l’usage fait loi aussi parfois…

 

1 juin 2012

Pour redécouvrir la légende...

kneidl_helga-romy_schneider~OM24f300~10415_20041030_862_149Pour celles et ceux qui n'ont pas oublié l'immense actrice que fut Romy Schneider, vous pouvez réécouter l'émission qui lui a été consacrée, durant "La voix est libre", le mardi 29 mai à 09h05.

C'est là :

Moi, je file à Céphalonie, puis à Ithaque....

 

 

 

31 mai 2012

Prometheus / Alien… une malheureuse filiation

----------- Contient des spoilers-----------------

prometheus-aff-375x500Nous faisions un peu grise mine en sortant hier soir du Gaumont Opéra, A., F. et moi. Avions-nous mis la barre outrageusement haut et trop espéré de Ridley ? On aurait dû se méfier en voyant le nom du scénariste, déjà responsable du gloubiboulga fumeux de Lost. Comment un pareil imposteur (j’me la pète, j’embrouille, je suis dépassé, je bâcle une fin boiteuse) a-t-il pu tenir le manche du film le plus attendu de cette année ?

Alien est un de mes films préférés, la référence absolue de la SF, jamais égalé dans le genre « traque en huis clos anxiogène », bâtie sur une histoire linéaire bien modeste mais efficace, magnifiée par le travail de Giger et la caméra de Ridley Scott. Prometheus en est bien le prequel, la genèse, mais aux antipodes de la rigueur, de l’austérité, de la tension qui glaçaient son illustre ancêtre. Prometheus est un film brouillon, qui part dans tous les sens, qui tient à la fois de la lignée mais aussi, hélas, du remake. Á mélanger les genres, à vouloir ratisser large, à poser des questions vides d’intérêts tout en liquidant celles qui ont donné à la trilogie* sa mythologie, à multiplier d’appuyés clins d’œil aux scènes légendaires, inscrites dans la conscience collective des fans, le scénario s’autodétruit et vire à la caricature pour ados croqueurs de pop corn.

Pourtant, l’idée de départ – qui est ce « space jokey », explosé par un alien, découvert dans l’opus I sur LV-426, fossilisé à bord du vaisseau Derelict ? – avait nourri toutes nos espérances. Contre toute attente, les 5 premières minutes de Prometheus expédient le suspens : « terriens, voilà, votre créateur ». Pour la subtilité et les questions métaphysiques, on retournera chez Kubrick. Cette question des origines, de la filiation, de la connaissance ravie aux dieux, de l’ambition dévorante et de l’arrogance des hommes envers leur créateur est un terreau passionnant (l’équipage du Nostromo n’appelait-il pas déjà l’ordinateur de bord « mother » ?). Pourquoi alourdir le propos avec les gnangnanteries d’usage sur la foi, des symboles pesants, des sentences dévotes assenées les yeux embués ?

On rêve d’un Prometheus resserré autour du trio Weyland/David/Vickers**, avec un Oedipe acidulé très présent qui vient en rajouter au demi-dieu voleur de feu. On aurait pu se passer de tout le reste de l’équipage, des scientifiques asociaux et trouillards, des mercenaires bourrus, de la wonder-girl (pas crédible pour un sou) que joue Noomi Rapace. Le film n’avait pas besoin de donner autant de place à ce qui est la « pâte originelle » des aliens, ces bestioles grotesques qui évolueront vers le monstre terrifiant que nous connaissons (pourquoi ne pas avoir rappelé carrément Giger, qui nous aurait évité ces « encornets et poulpes »). On passe sur les incohérences, les approximations, les réactions illogiques de l’équipage scientifique, leur légèreté. Seuls David et Vickers sont crédibles, rationnels, en place. Mention spéciale à Fassbender qui domine tout le film et qui incarne le personnage le plus complexe et passionnant qui soit.

Malgré toutes ces réserves et déceptions, il faut aller voir Prometheus pour la caméra de Scott, pour l’esthétique du film, les décors, l’atmosphère, les prouesses technologiques à couper le souffle, les effets spéciaux fantastiques, les scènes d’action hallucinées. On regrette souvent que la caméra bouge si vite, on aimerait prendre son temps pour disséquer tous les détails, s’arrêter sur les fresques, les murs, le vaisseau des fondateurs. Visiblement, Scott a privilégié la forme au fond, le fantastique à la philosophie, le mouvement à la contemplation, le verbiage au silence, les réponses simplistes aux mystères. Les colosses humanoïdes qui nous ont donné la vie avaient pour but de revenir nous détruire. Le film n’en révèle pas les raisons. Nous les avions peut-être tout simplement… déçus. Ils ne sont pas les seuls.

 

*    le navet de Jeunet est bien évidemment à bannir

**  d’accord, j’ai perdu, Vickers n’est pas un robot mais David en est la version artificielle masculine et il y a bien entre ces deux personnages une « parenté ».

 

30 mai 2012

Alpage, fromage et vagabondage…

 

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Mais quelle bonne idée de laisser Paris sous une chaleur collante pour un week-end haut-savoyard ! Les habitants des grandes villes vitupèrent sans relâche envers leurs conditions de vie (pollution, circulation, travaux, boucan, impolitesse…) et c’est encore pire lorsqu’ils débarquent dans une jolie ville qui respire, coquette et accueillante où il fait bon vivre. Le vrai luxe est bien loin d’un 120m² dans le Vème arrondissement : l’espace, l’air pur, le silence, une terrasse face à la montagne pour déguster son café du matin, n’ont pas de prix.

 

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Évidemment, n’imaginez même pas suivre les locaux, - même de loin -  dans leurs montagnes : ils ont tous de l’ADN de bouquetin dans leurs gènes, sachant d’instinct où poser leurs semelles sur les sentiers, sans faire rouler une seule pierre : ils avancent sans bruit, d’un bon rythme, alors que vous soufflez comme un phoque phtisique, les joues vermillon, hésitant et empêtré de vos deux pieds, résigné à passer une difficulté sur les fesses, toute honte bue, quand eux la survolent avec la légèreté d’un chamois. Passez outre le déshonneur, il n’y a pas mieux que ces grimpettes pour vous vider la tête, tremper le tee-shirt, se souvenir qu’on est fait de muscles pour bouger (et non pour rester assis, enfermé) et que le monde est plus beau vu d’en haut.

 

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De toute façon, à l’arrivée, la cuisine roborative saura vous réconforter : pas la peine de soudoyer votre fromager, c’est sur place que se dégustent les meilleurs Beaufort, Abondance, tome des Bauges, Crayeuse, Reblochon fermier, tome de brebis… pour les amateurs, c’est juste la béatitude. La température descend encore un peu le soir, ce qui permet de savourer une vraie tartiflette (la simple, pas trafiquée, mais riche en goût, qui vous tapisse la bouche de velours et de saveurs) où les diots au vin blanc, accompagnés de polenta. J’aime ces plats du terroir, appétissants, simples et nourriciers, que l’on partage à plusieurs, sans chichi après avoir passé une bonne journée au grand air.

 

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Merci, C., J-M., A. et A. pour ce joli moment planete-smiley_emoticone

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28 mai 2012

Son nata a lagrimar...

Il est de ces moments de grâce où l'on se dit que peu de choses peuvent être aussi poignantes que les lamenti d'Haendel : Von Otter et Jarrousky, la dernière scène de l'acte I de Jules César, la veuve de Pompée et son fils déplorent le sort qui s'acharne sans jamais tomber dans le larmoyant. Le duo s'élève tendu et douloureux, digne et déchirant.

C'était hier soir sur Arte, jusqu'à très tard, retransmis du Festival de Pentecôte de Salzbourg. Bartoli roucoule et cabotine, Scholl est toujours un peu tiède, la mise en scène mériterait autre chose que les copieux sifflets entendus, mais tout cela est secondaire quand Cornelia et Sextus sont portés par des interprètes qui se surpassent, à la fois dans le chant et dans l'interprétation. La vidéo a été retirée par Arte au bout d'une semaine, mais ... enjoy !

 

 

18 mai 2012

Tinos suite – pratiqué et adopté… ou pas !

Il aura fallu attendre cette splendide île qu'est Tinos pour découvrir le port de Rafina, très conseillé pour rallier les Cyclades du Nord : oubliez le bus X96 un peu cahotant pour le Pirée et montez dans le très confortable bus climatisé KTEL. En moins de 30 minutes, on est sur le port, à taille humaine, loin du gigantisme du Pirée. Pas la peine d'arpenter des kilomètres de quais sous le soleil en trainant ses sacs, au pas de course pour trouver le bon ferry, ici, vous aurez du mal à ne pas voir les 2 ou 3 seuls bateaux qui n'attendent que vous.

Autre avantage pour ceux qui se sont levés à 05h00 et qui ont les crocs en avant, un certain nombre de tavernes, les pieds presque dans l'eau, sont à votre disposition. Comme d'habitude, on s'approche, on écoute et on choisit celle qui accueille le plus de grecs, gage solide de qualité. Bref, il est 15 heures, on vient de retrouver le goût de la xorta et des kolokithokeftedes, il fait 26°, grand bleu, J-P savoure son premier ouzo... on ne voit pas d'ombres au tableau.

Comme conseillé sur le site de Christian, - on ne remerciera jamais assez le monsieur pour la précision et la justesse de ses infos -, une voiture louée chez Vidalis nous attend au port de Tinos. C'est une famille entière qui gère cette institution sur l'île : nous avons eu affaire au fiston et à la môman, auxquels on peut décerner la palme du meilleur accueil qui soit. Vous ne vous sentez plus touriste mais déjà citoyen de Tinos, adopté. Nous n'avons pas compris sur le moment pourquoi ils insistaient très lourdement sur l'attention que nous devrions absolument porter aux portières de la voiture, qui parfois s'envolent à Tinos... quatre jours après, la puissance des rafales du vent nous a démontré toute la sagesse de la famille Vidalis (genre, Pointe du Raz en janvier...).

Nous sommes arrivés relativement tard, à 21h15 et Vidalis Junior a eu cependant l'extrême courtoisie de nous accompagner une bonne moitié de chemin, vers notre lieu de villégiature... bien lui en a pris, il avait à peine tourné ses roues que nous nous sommes perdus. Découvrir l'intérieur d'une île par nuit noire, avec une carte rudimentaire et sans aucun repère, pour monter dans un petit village mal indiqué, relève de la performance.

Nous louons un studio à Skalados, idéalement placé pour découvrir ce qu'il y a de plus beau à Tinos, les villages de l'intérieur. Je ne peux que recommander le lieu, nickel, très agréable, avec une vue de toute beauté (Astrokaktos).

 

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Côté tables... le grand gagnant est le fameux O Rokos, à Volax. Deux repas, deux réussites, même si nous avons regretté d'être venus hors saison, la carte se limitant à quelques plats, choisis directement en cuisine. Nous avons débarqué la première fois à 23h, les grecs en étaient déjà au yaourt, mais on nous a tout de même servis sans rechigner. Les mezzés sont excellents, la fraicheur des produits évidente (nous croiserons d'ailleurs le propriétaire dans son potager le lendemain, d'où sont issus ses excellents artichauts) : le prix défie de plus toute concurrence. Á Chora (Tinos-ville), carton plein avec Epinio, à côté du poissonnier qui cajole son pélican. Là aussi, très bon accueil, bonne table, seconde carafe de vin offerte et plus encore quand on y revient.... Pour un repas plus simple (comme goûter la louza et le fromage local), Malamatenia est parfait, perpendiculaire à la rue des bondieuseries.

Christian conseille Bizantinos pour un ouzo-mezzés d'anthologie, dans un lieu typique, un ancien hammam, où on accède après avoir traversé un café très... « tinote », qui ne doit pas souvent voir de touristes. Désolée Christian, si le lieu vaut en effet le détour, les mezzés nous ont paru bien chiches et surtout très salés. O Rokos propose bien mieux pour accompagner l'ouzo quand on arrive un peu tôt.

Sur le port de Panormos, déjeuner chez Markos, authentique pêcheur un peu bougon, qui préfère s'occuper de ses filets que de faire le service (on le comprend un peu). Nous lorgnerons sur la carcasse de l'araignée qu'il vient de s'enfiler avec ses potes (pas fou le gars, il se garde les meilleurs prises) mais nous ferons tout de même un bon repas de poissons.

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Et si vous cherchez un endroit un peu différent, un peu plus « haut de gamme » pour vous faire plaisir lors d'une dernière soirée tinote, rendez-vous chez Symposion, lieu calme et cosy, où les mezzés valent vraiment le détour (pas donné donné, mais bon...). Ambiance feutrée, excellente cuisine élaborée, très bons vins, accueil plein d'attention... l'addition est à la hauteur mais nous ne le regrettons pas.

Dernière chose : tout le monde s'extasie sur le galaktoboureko que l'on déguste à Pirgos (tranche épaisse de semoule ultra fine parfumée à la cannelle et à la fleur d'oranger, prise entre deux couches de pate filo), sous le feuillage du platane séculaire. C'est pas mal, frais, un peu détrempé tout de même et beaucoup moins goûteux que les baklavas faits maison, testés à Paros.

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14 mai 2012

Tinos, l’île paradoxe

J’ai toujours cru abominer les artichauts, ce presque chardon moche et bête, que j’ai trop vu pousser dans le Léon, sous une pluie bretonne tenace, à vous coller un bourdon têtu et durable. Je fuis tout autant le bigotisme et ses manifestations doloristes, et je n’ai que peu d’attachements pour les pigeons, en dépit de Sidonie (par nous baptisée ainsi), jeune et gracieux volatile, qui avait élu notre balcon pour perpétuer son espèce.

Alors, passer 8 jours à Tinos, fameuse pour cette trilogie, n’allait pas vraiment de soi… pourtant, tourner le dos à cette Cyclade du Nord est une bévue de taille et je ne me félicite pas de l’avoir indûment méjugée durant autant d’années.

Á l’exception d’une petite partie de la côte sud, à l’ouest du port, Tinos est une île miraculeusement préservée, sauvegardée du bétonnage, des constructions anarchiques, des carcasses d’habitations inachevées, qui défigurent certaines de ses semblables. Je ne crois pas avoir jamais arpenté autant de beaux villages, avec du caractère, de l’âme, du singulier, du surprenant, de l’identité : Volax, Loutra, Tripotamos, Agapi, Kardiani, Isternia, Tarambados, Arnados, Pirgos… il faut tous les découvrir, parcourir leurs ruelles étroites, leurs arcades, passer sous les voûtes, admirer leurs lavoirs (encore utilisés de nos jours), leurs fontaines de marbre, les hyperthiras* qui ornent les fenêtres, dégringoler les escaliers, remonter jusqu’aux églises, tel un jeu de piste organisé dans le plus authentique décor qui soit. Pirgos mis à part, un brin touristique, tous les autres villages sonnent juste, sonnent vrai, comme si le temps avait arrêté sa course pour protéger l’atmosphère paisible, unique de ces lieux.

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Au printemps, les collines sont couvertes de fleurs rouges, jaunes et mauves, le thym, l’origan, la sauge embaument déjà, les plages n’attendent que vous. C’est le bon moment pour admirer les 600 pigeonniers, tours carrées découpées comme de la dentelle, blanchies ou laissées brutes, qui tachètent les paysages vallonnés.

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Rien ne vous oblige, à Tinos-ville (Chora), à vous éterniser devant la Panagia Evaggelistra, lieu de pèlerinage orthodoxe, qui attire les croyants au mois d’août : elle n’a pas beaucoup d’intérêt, trop récente, trop vilaine, trop artificielle pour être émouvante. De plus, la montée à genoux des pèlerins vers l’église n’a rien d’un spectacle captivant et on se détourne vite des marchands du temple, qui vendent des cierges de plus d’un mètre et des flacons en plastique pour recueillir l’eau bénite.

Allez plutôt vous attabler devant les spécialités gourmandes de l’île, les délicats, succulents, petits artichauts au vinaigre, le fromage de chèvre local, la louza, sorte de jambon séché et fumé qui fond dans la bouche, les beignets de fenouil, les câpres suaves et les « glyka tou koutaliou », fruits confits faits maison, que l’on déguste avec le café ou sur le yaourt (la cerise noire est un must, dont je lèche l’assiette sans remords).

Attention toutefois à garder sous la main des vêtements chauds et une bonne couverture pour les nuits : si nous avons commencé notre séjour avec une température d’été, nous l’avons fini rhabillés, avec 10 degrés en moins, l’île étant connue pour ses coups de vent violents qui rafraichîssent l’atmosphère. Les nuages bas envahissent alors Tinos, qui a tout soudainement des Hauts du Hurlevent.

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* demi-cercle de marbre sculpté au dessus des fenêtres et des portes.

 

 

27 avril 2012

Παπαρούνα

coquelicot

« Παπαρούνα» est le premier mot de grec moderne inscrit dans ma mémoire. Et c’est aujourd’hui son anniversaire, les vingt printemps d’un petit mot pimpant et rutilant, qui me fut donné lors d’un voyage d’étudiants fin avril 1992… je garde en général à distance la nostalgie larmoyante, mais je retiens de ce premier contact avec la Grèce des images intactes et limpides. Alors étudiante en droit, des auspices ingénieux et quelques bonnes relations m’avaient accrochée à un périple d'hypokhâgneux d’Henri IV, soutenus par de frais Normaliens, à la découverte du Péloponnèse.

Á l’opposé de ces cervelles bien faites et imprégnées de culture hellène, je touchais une terre quasi-inconnue, mais je trouvais, grâce à mes compagnons de fortune, les réponses à mes incessantes et tannantes questions, qui révélaient des lacunes confinant à l’ignorance la plus crasse. Tous jonglaient avec les dates, les conflits, les batailles, les subtilités de l’architecture, les références culturelles, ce qui me faisait cruellement défaut (je me revois demander à D.B. avec hardiesse, qui était cette ATOLOS que nous devions rencontrer à Delphes… sa mine déconfite et limite effrayée me renvoyait illico à ma cancrerie : j’eus droit cependant à un premier cours improvisé sur les temples circulaires, ce qui me permit de rentrer crânement sur le site, prête à admirer la Tholos…).

tholos

Avec patience, amusement parfois, et hilarité spontanée souvent, ces étudiants de Lettres Classiques m’ont transmis un peu de leurs lumières, m’ouvrant un modeste passage vers la compréhension et l’amour de ce pays. Mais au-delà des lieux mythiques parcourus, qui font cavaler l’imaginaire et la rêverie (Mystra, Olympie, Delphes, Mycènes, Corinthe), j’ai eu la chance de découvrir la Grèce à cette période fugace où la nature fait fleurir et flamboyer la terre, libre de toute invasion touristique, ou presque. Nous fûmes ainsi seuls à escalader les gradins du temple d’Épidaure, libres d’écouter, fascinés, les voix de la chorale du lycée Henri IV monter de l’orchestra. Ces parenthèses solaires et radieuses flottent encore quelquefois, deux décennies plus tard, suspendues dans ma mémoire :

-         la montée au Lycabette pour découvrir Athènes d’un seul regard

-         une bataille de polochon débridée dans une chambre de filles déchaînées

-         une fin d’après-midi passée à refaire le monde dans un champ couvert de coquelicots

-         les ruelles de Plaka

-         le silence de Mystra

-         les oranges grecques (non, rien à voir avec les autres…)

-         la moussaka - presque végétarienne - d’une taverne près de Mycènes, saveur jamais retrouvée

-         l'agneau, présent à chaque repas lors de cette semaine de carème, auquel je refusais catégoriquement de goûter

-         le Cap Sounion au coucher du soleil

-         une nuit blanche passée dans l’ancien aéroport d’Athènes à attendre un avion « delayed »

-         le sourire craquant d’un prof de grec ancien et son écharpe rouge

-         les nouveaux amis qui n’imaginent pas encore qu’ils seront toujours là vingt ans plus tard

-         et ceux que l’on a perdus en chemin et que l’on regrette à perpétuité.

Merci à Domy, Isabella, Ballon, Berny (qui y était sans le savoir), Luigi et les autres, d’avoir été ... très "aποτροπαιοι"  (very, private joke).

 

 epidaure

 

 olympie

 

mistra

photos : avec autorisation d' I.G.

20 avril 2012

La Didone… don’t remember it !

bsb00047960_00009Francesco Cavalli, 1641 – représentation du 18 avril 2012, Théâtre des Champs-Élysées

Il y a des soirs comme cela, où la météo irascible finit par déteindre sur vous : le vent courroucé, la pluie acérée et le ciel plombé de nuages maussades ne vous prédisposent pas à l’indulgence ou à la mansuétude. On espère du bruit et de la fureur, de l’exaltation et de la rage… et on finit par s’enfuir à l’entracte, mortifiée par l’ampleur du désastre.

Le nombre de sièges vides dès le second balcon, ce qui est plutôt rare lorsque l’ami Christie convoque ses Arts Florissants pour du baroque rarement monté, n’augurait pas d’une soirée d’anthologie et d’un enthousiasme débridé des spectateurs non accrédités (ne lisez pas les analyses parisiennes viciées, la plupart des journaleux sont des ânes sourds sans esprit critique, incapable d’une once de sincérité ou du moindre commentaire personnel).

Que retenir de cette première partie endurée les mâchoires serrées, quand tout prend l’eau ? Francesco Cavalli n’a rien du perdreau de l’année ; élève de Monteverdi, maître de Chapelle à Venise, compositeur d’une bonne quarantaine d’opéras, associé à Francesco Busenello (librettiste un an plus tard du Couronnement de Poppée) pour adapter le chant IV de l’Ènéide de Virgile, Cavalli signe pourtant une œuvre léthargique. On se demande même s’il est judicieux de monter La Didone en version scénique et s’il n’eut pas mieux valu se contenter d’une version concert. Le continuo est effet extrêmement ténu, voire même un peu osseux (clavecin, théorbe, violoncelle et luth… et puis c’est tout) et se déroule durant tout l’acte I avec des allures de madrigal trop famélique et uniforme. On en vient à espérer « plus de notes », plus d’énergie et d’inventions.

Alors quand les voix du prologue et de l’acte I ne sont pas exceptionnelles pour contraster avec l’inertie de la fosse, on s’embête ferme. L’absence totale de mise en scène ne facilite pas le travail des chanteurs, qui errent d’un bout à l’autre de la scène, sans repères, sans dramaturgie, dans toutes ces épreuves et calamités qui émaillent la chute de Troie avant le départ d’Ènée vers Carthage. Le vide est sidéral, la direction d’acteurs inexistante, le décor démesuré et ridicule. On doit ce naufrage à un certain Clément Hervieu-Léger (pensionnaire au Français) et surtout ancien collaborateur de Chéreau (ce qui explique le cirage de pompes ridicule des critiques officielles). Faire de la pâte dramatique de Didon et Ènée un tel désert de création, sans idée, sans pensée, sans intelligence devrait le proscrire pour un long moment de toutes les scènes de France et de Navarre.

 

4 avril 2012

1Q84, roman de Haruki Murakami

Livre 3 Octobre-Décembre, Editions Belfond, 2012

« Tout à coup le terrain s'affaisse et ouvre un abîme »

harukiÉtrange impression laissée par l’ultime morceau du puzzle : devant la pauvreté du dernier volet de la trilogie 1Q84, nous sommes en droit de nous demander si nous ne nous sommes pas fait berner comme des bleus par Murakami. Le tapage médiatique, la notoriété de l’auteur, les ventes internationales vertigineuses, ont fait de cette histoire scindée en trois volumes une référence littéraire qu’elle ne mérite pas. C’est sans doute ce qui pend au nez des auteurs qui veulent ratisser large et qui délaient un brouet tiède, destiné à plaire au plus grand nombre, au détriment de ce qui a fait leur singularité.

Haruki Murakami fait entendre une troisième et nouvelle voix, celle d’un détective privé incongru et collant, lancé aux trousses de notre tueuse Aomamé, mais qui ignore tout de ce qui lie les deux héros, contrairement aux lecteurs ; détricoter leurs enfances, leurs blessures similaires, les chaînes qui unissent les personnages que nous côtoyons depuis 500 pages prend énormément de temps et n’apporte rien d’inédit au récit. Murakami repasse du réchauffé, tire à la ligne, radote, tourne en rond et on languit que quelque chose se passe enfin.

D’ailleurs, tout le monde poireaute dans ce Livre 3 : Aomamé attend la fin de l’année 1Q84 cloitrée dans un appartement, Tengo accompagne son père vers la mort enfermé dans un hôpital, le détective guette les héros et leur chute dans sa souricière, reclus dans un appartement vide.

Perdue la poésie, envolé le fantastique, délité le mystère, diluée la tension : ne reste qu’une pâle copie truffée de name dropping (Proust, Jung, Tolstoï, Sibélius, Janáček… ça fera toujours plaisir au marché du livre européen), où l’auteur semble oublier le monde décalé qu’il a créé. Ne comptez pas avoir des réponses, des explications, des éclaircissements sur les Little People, les chrysalides, les Mothers and Daughters, les lunes jaunes et vertes, Murakami laisse tomber sa mythologie pour un happy-end téléphoné qui frôle le grotesque : la scène de lit des retrouvailles entre nos deux héros, vingt ans après, qui ont laissé des cadavres et bien des énigmes derrière eux, atteint les sommets du ridicule avec une interrogation, certainement existentielle, sur la taille des seins de notre héroïne… tout ça pour en arriver là !

 

27 mars 2012

Les Jardins statuaires, roman de Jacques Abeille

jacques-abeille-les-jardins-statuairesÉditions Attila, 2010 (première édition en 1982 chez Flammarion)

Si l’on ne galvaudait pas tant le mot de chef-d’œuvre, on jubilerait à estampiller cette somme de 470 pages de ce qualificatif, tant la commotion émotionnelle éprouvée à sa découverte est  puissante. Á l’exception de quelques initiés qui se refilent le graal, ce récit vieux de trente ans, qui ouvre la trilogie du Cycle des contrées, est indûment ignoré du grand public. Son auteur, né en 1942,  cultive la discrétion, écrit sous pseudo quand ça lui chante et prend le temps d’imaginer des mondes. La destinée du manuscrit tient aussi des légendes, du mythe des textes éveillés qui résistent à l’impression : exemplaires qui n’arrivent jamais à leur destinataire, perdus, partis en fumée, infortunes et fatalités d’édition, tout ce qu’il faut pour baigner dans l’étrange et l’œuvre maudite.

Ce livre ne ressemble pourtant à nul autre, il est impossible de le rattacher à une école, à un style, de le comparer à quelques monuments de la littérature. Pour tenter de cerner cette gigantesque œuvre singulière, les critiques lui attribuent des parrains présumés : Julien Gracq, Tolkien, Mervyn Peake, Voltaire et les surréalistes. Oui, les Les Jardins statuaires ont bu à toutes ces coupes pour resplendir comme un gemme rare de la littérature du XXème siècle.

Jacques Abeille nous envoie sur des terres inconnues, sans repère temporel. Le narrateur est un simple voyageur qui vient découvrir ces contrées par lui jusque là ignorées, une succession de vastes domaines clos où vivent des jardiniers, voués à la culture des statues de pierre, qui poussent spontanément dans leurs allées terreuses rectilignes. La première partie du récit du narrateur est consacrée à la découverte de ce maraîchage un peu surprenant, plantation, taille, repiquage, soins donnés à ces créatures inertes et blanches, qui font toute la richesse de ces propriétés terriennes, autour desquelles tourne une société archaïque, corsetée de traditions séculaires. Le récit de voyage onirique et le tableau des coutumes, laissent peu à peu la place à une critique de cette organisation agraire faussement utopiste : le narrateur croise d’autres personnages un peu en marge des codes enracinés, en découvre la face sombre (mépris des femmes, marchandage de certains enfants, collusion avec une ligue très officielle de proxénètes, bannissement de tout opposant aux coutumes ancestrales, rigidité morale, avidité, ambition perpétuelle… ainsi que la féroce croissance incontrôlée de certaines statues, qui savent prendre une insatiable et vorace revanche sur leurs jardiniers). Les pas du narrateur le mènent du sud de la contrée, riche et prospère, vers le nord, aux terres âpres et quasi stériles, pour atteindre une cité abandonnée, balayée par les vents, repère des nomades de la steppe septentrionale, prêts à déferler sur les grandes propriétés figées, périmées, devenues anachroniques. Leur leader est d’ailleurs un ancien jardinier, rebelle à ces domaines trop bien ordonnés, qui a fui les rituels établis, leur hypocrisie et leur cruauté.

Les Jardins statuaires s’éloignent à mille lieux des récits d’aventure, des épopées, du merveilleux, du fringant : errance surréaliste sans doute, il s’agit surtout d’un songe/d’un cauchemar éveillé qui se déroule au ralenti, piégeant le lecteur dans le rythme hypnotique des phrases de Jacques Abeille : le narrateur, tel un pèlerin, voyage à pied, contemple, découvre, comprend, couche sur le papier la chronique d’un monde immobile appelé à disparaître, sans qu’il se passe réellement d’événements remarquables. Le livre se referme avant que le choc des civilisations n’ait lieu : pas de batailles, d’héroïsme ou de violence, qui viendraient perturber ce temps suspendu de l’avant-chaos. L’auteur préfère nourrir son récit, tissé d’un seul trait, sans chapitre ni rupture, des visions poétiques et baroques nées de ses statues froides, allégorie d’un monde figé, dur et imperturbable. Asservis à ces idoles dans lesquelles ils recherchent leurs propres images, les jardiniers comprendront trop tard que l’on ne peut arrêter le temps ; dans certains domaines, la nature a déjà repris ses droits, engloutissant dans une expansion dantesque de pierre, les traces de la présence humaine.

 La cohésion du récit, « son imaginaire rationnel », son équilibre, doivent surtout à la langue de Jacques Abeille, à nulle autre pareille : recherchée sans être affectée, précise dans la description, tortueuse et habile, habillée d’un vocabulaire riche et imagé, envoûtante comme cette contrée imaginaire :

« Ces clartés venaient d’épais tumulus de pierrailles effondrées dont le bombement crevait la frondaison comme des dos de baleines blanches soufflant dans quelque sargasse. » (Page 221) «  Une pluie récente avait réparti des mares dans toutes les anfractuosités et c’est dans cette collection de miroirs éparpillés que je contemplai d’abord le ciel renversé. » (Page 337)

 La quatrième de couverture souligne la réflexion de l’auteur : « je crus avoir écrit l’œuvre d’un fou ». Plutôt celle d’un visionnaire rêveur, absolument prodigieux.

 

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Le Présent Défini
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