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Le Présent Défini
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grece
25 janvier 2015

Athènes, la vie d'après... variations.

81Qzo7a3oiLEva (Ευα), roman d’Ersi Sotiropoulos

Stock, « La Cosmopolite », 2015

Traduction Michel Volkovitch

 

Ersi Sotiropoulos aime décidément les personnages bancals, mal arrimés à leur vie ; après la culbute d’un sous-secrétaire d’État dans la courte parenthèse prospère que furent les années 2000, la romancière nous colle aujourd’hui aux basques d’une héroïne à la dérive pendant une nuit de Noël, dans une Athènes que la crise économique vient d’harponner. Ce portrait de femme en extérieur peut dérouter à la première lecture si on le considère comme un roman contemporain ordinaire à l’intrigue rondement menée ; or, Ersi Sotiropoulos rédige comme un diesel, faisant encore une fois le choix d’une longue mise en place ronronnante, avant de laisser ses personnages partir enfin en roue libre. Pour faire simple, Eva tiendrait d’Antonioni, de Losey et de Panos Koutras.

Entre Eva et son mari Nikos, le silence, l’ennui, l’incommunicabilité, ont remplacé l’euphorie des débuts. Le couple d’artistes ratés (elle, dans la littérature, lui, dans le dessin) s’est délité mais joue les prolongations, englué dans les déceptions, les revers et les factures qu’ils peinent à régler. Une première gifle vient de désagréger le peu qu’il restait. Le livre s’ouvre sur ce qui deviendra leur dernière soirée en commun, une fête dans une boîte de nuit où s’exhibe le gratin culturel et politique d’Athènes, ramassis de « bouffons, de pseudo-intellos et de détraqués ». Le couple traverse la soirée en invisible, « personne n’est venu nous parler, tous ceux qui passaient à côté nous bousculaient et tournaient les talons sans s’excuser … Nikos absorbait cette indifférence, ce mépris, par tous les pores de la peau ». Tous les deux flirtent tristement avec d’autres perdants, durant cette notte frelatée où l’on comble le vide avec des illusions. L’irruption des premiers laissés-pour-compte de la crise, venus quémander travail et nourriture dans l’antre des nantis titubants et vaseux, précipite les fêtards dans la ville.

Commence alors l’errance d’Eva en solitaire dans la nuit glaciale, dans une Athènes déserte, comme filmée en noir et blanc. Passablement défoncée, Eva mélange réalité et hallucinations, et contemple dans les magasins crasseux d’Omonia « des bestioles à carapaces dorées… des insectes capables de diffuser une lumière d’une immuable intensité. Un halo l’enveloppait comme une auréole et les rayons aveuglants embrasaient le corps minuscule ». L’atmosphère vire à l’étrange, la ville devient ruine mortifère, linceul grisâtre où s’étendent les sans-logis. L’Athènes de carte postale est écartée au profit de sa face cachée, un décor hostile, usé, pourri, bas-fond sordide devenu repère de marginaux en tout genre. « La chaussée était crevassée, de grands trous béaient, remplis d’eau stagnante… les dalles semblaient avoir explosé, des pierres, des fils électriques et des tuyaux rouillés émergeaient à la surface du sol comme d’un ventre ouvert. Les pierres louchaient…chaque flaque emprisonnait un œil d’argent dans ses eaux troubles ». L’hôtel du Parthénon n’abrite plus qu’une faune hétéroclite de vieilles putes sur le retour, de camés, de mediums boiteuses et de pickpockets, comme exilés dans un no man’s land oublié, que les promoteurs laissent se gangréner pour mieux spéculer.

Mais, c’est ici qu’a lieu la collision frontale entre le monde réel et les visions extravagantes d’Eva, dans un temps suspendu où surgissent des personnages trop burlesques pour être réels : comme Alice suivrait son Lapin Blanc sans se poser de questions, Eva se met à la remorque de quatre individus aussi improbables que leurs noms, comme cette Moïra, dont la jarretière pend entre les genoux « parce qu’il faut qu’un truc cloche, sorte des clous. Sinon, la vie est insupportable ». Cette parenthèse chaleureuse permet à Eva de remonter le fil de son mal-être dans des monologues sans concession, jusqu’à l’élément déclencheur, un contact furtif avec un voleur à la tire pas très doué qui a su «rappeler d’autres gestes et frôlements que je m’étais moi-même interdits. Des gestes oubliés mais bien réels ». Le souvenir de sa voix  « suffisait à me réchauffer, répandant un souffle de liberté, un espoir ». La longue flânerie à travers les rues d’Athènes singulières n’est en fait qu’un voyage dans le psychisme d’une femme qui redécouvre au bout d’une nuit de divagations ce qu’elle est réellement, et la solitude de son existence qui lui a échappé. Évidemment, dans le petit matin neigeux qui la ramène chez elle, cette introspection nocturne laissera plus que des désillusions, Ersi Sotiropoulos maniant d’une plume acide l’ironie et le pessimisme.

 

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18 janvier 2015

Athènes, la vie d'avant...

41aGqBoPK-LDompter la bête (Δαμάζοντας το κτήνος), roman d’Ersi Sotiropoulos

Quidam Éditeur, 2011

Traduction Michel Volkovitch

 

Á trois milles kilomètres d’Athènes, bien audacieux celui qui espère vraiment comprendre ce qui se passe depuis six ans dans le berceau de la démocratie. On a beau y passer du temps, se vriller le cervelet sur les subtilités de la langue, laisser parler les Grecs que l’on croise en chemin, lire toute la glose journalistique, harceler de questions les amies expats’, peine perdue, on entend tout et son contraire, vérités, approximations, calomnie, mystifications… le plus simple était de demander à Ersi Sotiropoulos, née à Patras en 1953, de nous brosser le portrait d’une certaine société athénienne, celle au pouvoir au début des années 2000, avant le grand plongeon ; nul doute que la romancière connaisse son sujet de l’intérieur, on allait donc y voir un peu plus clair dans les faux-semblants.

Eh bien, on est servi. Le roman s'ouvre sur une peinture sarcastique des mœurs et coutumes des anciens opposants de gauche en exil durant la dictature, arrivés au pouvoir en cultivant des relations douteuses, totalement aveugles aux premiers symptômes du chancre qui gangrène toute la société ; corruption, paresse, cynisme, dépravation, irresponsabilité, le navire prend déjà l'eau pendant que la bourgeoisie abêtie de la banlieue chic du Nord d'Athènes danse avec insouciance et narcissisme sur le pont. La ploutocratie tient tous les pouvoirs en main, elle croit encore aux lendemains qui chantent à coup de pots de vins, de privilèges, forte d'une richesse à crédit qui semble couler à flot. Que cette prospérité aussi soudaine qu'inattendue soit déjà en sursis n'effleure pas grand monde. Aris Pavlopoulos est pourtant de ceux-là, d'une manière... indirecte. Sous-secrétaire d'État, puis simple conseiller d'un obscur ministre, clairement rétrogradé avant d'être remisé en "disponibilité", ce quinquagénaire libidineux, poète à ses heures, subit en une vingtaine de jours une dégringolade professionnelle, familiale et artistique. L'univers personnel d'Aris se délite en même temps que se referme la parenthèse frivole sur une crise du pouvoir toute proche. Il sait que cette vie facile et superficielle n'aura qu'un temps, car elle sonne faux. Son emploi est bidon, sa belle épouse italienne, anorexique et névrosée, son fils unique, retardé, sa mère, alcoolique et accro aux séries américaines, sa maîtresse, intéressée et un poil perverse. N'avait-il pas affublé son premier recueil de poèmes d'un titre prémonitoire, "Les Tambours de la Défaite"?

Il va suffire alors d'une simple question de sa mère sur un événement lointain de son adolescence pour que bascule cet équilibre précaire dans un désarroi existentiel. Comme ces lotophages qui consommaient les exquises fleurs de l'oubli, Aris a mis depuis longtemps sa mémoire en sommeil, s'est construit un passé pour supporter son présent boiteux. Mais que se passe t-il le jour où les souvenirs se réveillent et que l'on doit faire face à la vérité ?

Ce glissement subtil de la fresque sociale vers le roman d'introspection est la grande réussite du livre. À travers la chute d'Aris qui ne s'y retrouve plus dans une histoire déformée, c'est tout un pays qu'Ersi Sotiropoulos met face à son amnésie sélective. Ne plus savoir qui l'on est, d'où l'on vient, est un aller simple pour une déconfiture annoncée. Voire davantage. Aris s'imagine tenir comme il le peut sa vie en main alors qu'un concours de circonstances, de coïncidences rondement tissées par le Destin, l'amène en droite ligne vers le grand saut final.

Et, cerise sur le gâteau, la romancière fait de la ville d'Athènes un personnage à part entière, une entité fabuleuse, grouillante de vie, braillarde, paralysée par un trafic du diable mais inépuisable source de vitalité : Il aimait Athènes, une ville moche, plus moche de jour en jour... une ville pour les porcs, fantastique... elle avait, cette ville, une énergie incroyable. (p. 28). Les rues adjacentes étaient pleines de voitures qui se déversaient dans la voie principale. Où allaient-ils tous à trois heures de matin, joyeux et pomponnés, vitres baissées, musique à fond ? Grecs de merde. Il était plongé dans une mer de voitures qui klaxonnaient toutes ensemble. Dans des moments pareils elle lui plaisait, Athènes, il y avait là une intensité qui l'électrisait. Ville géniale. Il mit la main dehors et frappa la portière en cadence. (P. 174)

 

11 janvier 2015

Christos Chryssopoulos… un rendez-vous presque manqué, mais pas tout à fait.

J’avais prévu de démarrer l’année avec lui, à l’heure où les beuglements venus d’outre-Rhin  contestent à un pays européen la plus élémentaire liberté de conscience, le choix d’élire qui lui sied. Le timing étant parfait, j’ai donc ouvert avec une mine réjouie Une lampe entre les dents (Φακος στο στομα) - Éditions Actes Sud, 2013, avant de déchanter et que le livre me tombe littéralement des mains. Je ne connaissais de Christos Chryssopoulos (né en 1968) que la réputation qu’on lui prête, ses dons multiformes (professeur, critique, traducteur, essayiste, photographe, vidéaste, lauréat du prix de l’Académie d’Athènes en 2008) et quelques avis de critiques littéraires patentés, le considérant comme « l’un des plus prolifiques et des plus originaux écrivains de sa génération ». Original, certainement. Tellement que je m’y suis perdue, incapable de trouver une place dans ce récit sec, fuyant, hybride, mais surtout anesthésié.

Une lampe entre les dents se veut le récit des déambulations de l’auteur dans les rues d’une Athènes bouleversée par plusieurs années de crise. Cette chronique tricote des éléments réels, de la fiction et des digressions générales sur la ville. Ce n’est pas un reportage, encore moins un essai, ni une réflexion, c’est un Objet Littéraire non Identifié où l’on apprend en fait peu de choses sur la transformation d’une capitale saignée à blanc par la récession. Car l’auteur parle avant tout beaucoup de lui, de son rapport à l’espace, à l’identité, à sa condition d’écrivain et même lorsqu’il échange avec un SDF, son discours le ramène toujours à son introversion. L’auteur flâne, photographie, constate froidement les modifications que le paysage urbain a subies, croise tous les laissés-pour-compte, sans empathie, sans émotion. À l’opposé, il se vautre avec délice dans l’intellectualisme le plus revêche, le plus hermétique, à grand renfort d’expressions pour moi nébuleuses : « La pensée se projette en un espace intermédiaire défini par notre répugnance à choisir une fois pour toutes l’un ou l’autre extrême (attention : je n’ai pas dit de façon disjonctive) ». Athènes fonctionnerait selon les lois de l’entropie, elle est une hétéropie, … un continuum spatial, … un gigantesque processus de subjectivation.

Page 67 : « Je regardais les passants quand mes yeux se sont attardés sur les pas d’un homme qui marchait pieds nus dans ses chaussures. Enveloppés de haillons en guise de chaussettes… Les lumières d’une vitrine voisine éclairaient une blessure qu’il avait sur la cheville gauche et ça m’a aussitôt fait penser aux chaussures du tableau de Van Gogh et au débat entre Heidegger et Schapiro* (avec entre eux l’intervention contestable de Derrida)… ». Alors, soit je fonçais questionner ma moitié sur les références philosophiques qui me font cruellement défaut - mais je pressentais de longues heures d’ennui assurées** -, ou bien je déclarais forfait, en feuilletant paresseusement les 53 pages restantes (heureusement, le Monsieur écrit court), toutes aussi assommantes. La deuxième option m’a semblé plus raisonnable. Je reposais donc le pensum en bougonnant.

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Mais dans la pile de livres qui m’attendait, dormait un second ouvrage du même auteur, La Destruction du Parthénon (Ο Βομβιστης του Παρθενωνα) - Éditions Actes Sud, 2012, plus proche d’un roman - et encore… - que d’un embrouillamini égocentrique et indigeste. Quatre-vingt onze pages alignent les pièces du dossier, morcelé comme autant de vérités, un peu bancal, impartial aussi (témoignages, aveux, pièces à conviction, photographies, archives) d'un attentat fomenté par un jeune athénien contre le monument qui veille sur la ville depuis deux mille cinq cents ans, le Parthénon, l'incarnation quasi-sacrée d'Athènes dans l’inconscient collectif. Il y avait bien eu dans les années 1940 une bande d'énergumènes*** pour coucher sur le papier la volonté de faire carrément sauter l'Acropole, mais désormais c'est chose faite, le Parthénon est parti en fumée un soir d'été. Évidemment, avec Christos Chryssopoulos, ce n'est jamais limpide et on se doute bien que le Parthénon n'est qu'un prétexte tout trouvé pour nous parler d'autre chose****. Car l’édifice voué à Athéna n'est jamais nommé, il est "Lui", "Il", entité trop puissante, ou trop distante, dont il ne faut pas prononcer le nom : "Qu'est ce que la ville sans Lui ? N'était-ce pas auprès de Lui que nous trouvions refuge quand cela était nécessaire ? ... Notre ville ne Le méritait pas, elle ne Le valait pas... c'est la ville, c'est elle qui L'a tué. Car derrière le Parthénon, c’est de l’identité grecque qu’il s’agit : comment exister lorsque l’on a perdu « un point de repère unique qui, pour cette raison même, remplit de multiples fonctions. Il n’existe alentour aucun autre jalon identifiable et si ce lieu de mémoire venait à manquer, alors nous aurions le sentiment de vivre dans un monde étranger. » Faut-il sacrifier le passé, se détacher des vieilles pierres pour enfin exister ? Car après tout, l’édifice - du moins ce qu’il en reste, enlaidi d’étais et de grues -  n’a comme grandeur que celle qu’on veut bien lui prêter. « Je cherchais seulement à nous libérer de ce que d’aucuns considéraient comme la perfection indépassable. Je me voyais comme quelqu’un qui offre un cadeau, qui propose une issue, qui relève un défi… il devait tomber, à n’importe quel prix. » Le criminel, Ch. K. (dont les initiales ressemblent étrangement à celles de l’auteur) abomine la disparition de l’idéal antique au détriment de la laideur d’une ville indigne de son histoire : qu’ont fait les Athéniens de cet idéal de Beauté, devenue vertu oubliée ? Le monologue de l’insoumis vire alors au réquisitoire à charge contre ses contemporains : avidité, ignorance, bêtification, repli sur soi, lâcheté, torpeur, et surtout cette servitude aux colonnes de marbre mal rafistolées, tout y passe. Mais lorsque le symbole s’écroule, que là où Il se dressait, il n’y a plus que le ciel, les Athéniens, pour la première fois, « n’ont plus d’origine… le parcours doit être réinventé, l’histoire doit être réécrite. »

Le sacrilège fera t-il office de catharsis pour contraindre les Grecs à se construire un futur en tournant le dos à un passé trop accablant ? La prise de conscience n’aura pas lieu, on rebâtit à l’identique le Parthénon. Christos Chryssopoulos cite Giorgio Agamben (philosophe italien né à Rome en 1942) comme dernière pièce du dossier « le sacrilège est la tâche politique de la génération qui vient » *****. Selon l’auteur, « cela signifie que cette génération doit être capable de changer elle-même »…

 

* Je vous rassure, je ne sais absolument pas de qui on parle non plus…

** Oui, on peut être totalement sourde à la Philo, je n’y peux rien.

*** La Société des Saboteurs Esthétiques d'Antiquités, par la voix de son Président, le poète surréaliste Yorgos Makris (1923 - 1968).

**** De nombreux lecteurs grecs ont pris au pied de la lettre la provocation de Chryssopoulos, l’amenant à se justifier d’avoir choisi une telle métaphore. « La destruction de monuments est moralement fausse et politiquement inutile », a-t-il martelé à chaque interview ou conférence. Cette réaction épidermique des Athéniens justifie à elle seule le roman.

***** Profanations, trad. Martin Rueff, Rivages Poche, n° 549, 2006, 128 p. – un livre d’actualité...

 

17 décembre 2014

Folégandros – pour épargner vos mollets, prenez le bateau

Si vous venez à Folégandros avec de jeunes enfants, vous n’aurez pas pléthore d’endroits où aller vous baigner sans entendre moult récriminations : le port de Karavostasis dispose bien d’une petite plage de galets facile d’accès, mais patauger dans une eau où les bateaux font trempette n’est pas très engageant. Un bus relie Chora au village d’Agali et à sa plage de sable ; mais étant la seule accessible par une route asphaltée, cette dernière souffre vite de sur fréquentation et de nuisances sonores. Il faudra marcher une bonne demi-heure sur le chemin qui longe la côte pour relier la jolie crique d’Agios Nikolaos, toute calme en septembre, bordée de tamariniers.

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Le lieu est plaisant, les eaux bien claires, le silence souverain, notre plage durant le séjour. Pour le reste, il faudra jouer du jarret et supporter les remontées éreintantes sous le soleil après la baignade ; si les descentes des crêtes vers la mer se font sourire aux lèvres, les retours sur les hauteurs escarpées requièrent quelques efforts et de bonnes chaussures, de quoi y laisser tout le bénéfice du bain rafraichissant.

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De Karavostasis, partent de petits bateaux bien équipés pour une journée autour de l’île, balade très agréable en fin de saison lorsque vous vous retrouvez à dix, sur un bateau prévu pour trente. Chacun trouve son espace, l’équipage est détendu et le programme peut être aménagé sans souci. Nous avons suivi la côte Sud et ses falaises de craies rectilignes jusqu’au premier arrêt baignade dans la baie bien encaissée de Livadaki : une nature brute, vierge de toute construction, aux eaux turquoises illuminées de soleil. La joliesse, la sérénité, la quiétude du lieu, distillent de bonnes ondes dans notre petit groupe où la bonne humeur est contagieuse.

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Nous nous arrêterons ensuite dans une petite crique pour que les amateurs de plongée profitent des fonds rocheux et des grottes creusées dans les à-pics, avant de revenir vers Agios Nikolaos, où les amateurs de bronzette iront se faire rôtir la carnation à l’heure de la sieste, tandis que certains comme nous préféreront rester à bord du bateau pour multiplier les plongeons. L’après-midi prendra fin sur la belle plage de Katergo, dessinée entre les rochers, un peu longuette à rallier par un chemin de terre depuis Karavostasis, mais si délicieuse quand on vous y mène par la mer. J’imagine bien qu’en plein mois d’août, ce genre d’excursion n’a sans doute pas la même saveur. Mais économiser ses gambettes l’espace d’une journée, se baigner dans des eaux cristallines inapprochables à pied, appréhender une île par le tracé de ses côtes, accoster sur une plage totalement déserte, partager avec d’autres visiteurs notre attachement pour la Grèce autour d’un tsipouro bien servi après le dernier bain, est totalement délectable !

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10 décembre 2014

Folégandros - Ano Meria (ou Pano Meria), du vent et des pierres

De Chora, en suivant l’unique route qui griffe Folégandros, on parcourt une ligne de crêtes pelées, ocres et desséchées ; cette saillie escarpée déroule de grandioses points de vue des deux côtés de l’île, dans une solitude absolue ; des champs, des murets, une nature sèche, le silence, mais des parfums qui montent sous le soleil à vous faire tourner la tête.

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En quarante-cinq minutes à pied, on atteint le village d’Ano Meria, qui s’étire le long de la route sur plus de trois kilomètres. Contrairement aux autres villages, pas de place principale, de point d’encrage, de ces lieux conviviaux où se retrouvent le soir les habitants. Les bâtiments sont disséminés, sans marque tangible d’un lien social fort. Visiblement, Ano Meria respire un peu différemment. Le mode de vie austère est toujours de mise, conséquence des pénibles conditions d’exploitation des terres : le sol est pauvre, aride, anémié par des bourrasques du diable. Les murets de pierres plates ne délimitent pas seulement les propriétés mais tentent comme ils le peuvent de retenir la fine couche de terre qui dégringole vers la mer pendant les fortes pluies d’hiver.

Le village a gardé sa particularité architecturale, la θεμωνια, habitation traditionnelle où chaque famille au sens large vit en quasi-autarcie. Il s’agit d’une petite unité agricole auto-suffisante, indépendante, qui permet à plusieurs générations de couvrir ses besoins alimentaires. On y retrouve les mêmes éléments groupés, les maisons des différents descendants, une aire de battage, le réservoir d’eau, les étables, le potager, le pressoir, le poulailler, quelques oliviers et les terres cultivables.

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Le village a quelque chose de perturbant car le saut dans ce temps figé n’a pas de préliminaires. En déambulant dans les petits chemins qui sinuent autour des bâtiments, on croise toutes les manifestations d’une manière de vivre ancestrale, pétrifiée. Nous nous perdrons deux bonnes heures dans le village sans croiser un seul bipède, saoulés de vent, jusqu’à l’arrivée des âniers venus chercher l’eau à la citerne. Deux heures à se faire étriller par les rafales qui glissent sur les collines dégarnies, les oreilles vrillées par leur sifflement ininterrompu, les yeux grand-ouverts devant ce morceau d’histoire qu’offre Ano Meria. J’ignore combien de temps encore les villageois resteront fidèles à leurs traditions. Mais si vous passez par là, il serait dommage d'ignorer ce témoignage d’une Grèce très authentique. Pour les bons marcheurs, de nombreux sentiers partent ensuite pour la côte la plus déserte de l’île, tout au bout vers le Nord. Elle me rappelle décidément beaucoup certains coins du Finistère, cette île de Folégandros…

 

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3 décembre 2014

Chora de Folégandros… trois nuances de grâce.

Les « chefs-lieux » des îles sont souvent bâtis sur les hauteurs, pour préserver les populations des invasions et de la piraterie. Folégandros a posé le sien en à-pic d’une falaise de 200 mètres, malmenée par le vent et les déferlantes.

Le kastro, comme celui de Sifnos, marque le village d’une empreinte d’un autre temps. On y accède à partir de la deuxième place, bordée de ses remparts immémoriaux (la première mouture du kastro date du XIII ème). Les habitations sont là aussi enserrées dans l’enceinte extérieure, sur le côté mer directement à l’aplomb de la falaise. Á l’intérieur, c’est le même alignement de maisons blotties les unes contre les autres, de vieux balcons de bois, de passages dérobés, de ruelles étroites, de galeries qui relient entre elles certaines des demeures. L’organisation de l’espace raconte les dangers, les moyens de défense, les villageois tapis et à l’affût. Aujourd’hui, le kastro est le lieu le plus calme du chora, retapé mais pas trop, dépourvu de tavernes et d’hôtels, une enclave historique bien vivante, colorée, qui a su garder son relief.

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Le chora, qui épouse ensuite les courbes plus douces de l’intérieur des terres, est un beau village cycladique traditionnel construit autour de ses quatre places, abondamment fleuri, ponctué d’un nombre impressionnant de chapelles et d’églises, plus nombreuses que les tavernes. Le soir, le village s’allume, les terrasses des tavernes, bien à l’abri du vent sous les arbres, bruissent des conversations, les touristes s’interpellent, échangent leurs coups de cœur du jour ou leurs mésaventures dues à Air France, car on finit toujours par se croiser dans une île de 32 km2. Très peu de boutiques touristiques, deux, trois bars discrets pour siroter un ouzo, une boulangerie et un glacier excentrés dans les petites rues et c’est tout. Le matin, ce sont les marcheurs en route pour l’arrêt de bus qui arpentent les rues silencieuses.

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Tout en haut de la première place, au bout d’un lacis blanc qui serpente doucement sur la colline, se dresse l’imposante église de la Panagia, qui domine de toute sa masse crayeuse la côte Nord de l’île. Á l’abri de son mur d’enceinte, ses larges flancs abritent un lieu de culte un peu mastoc, qui manque de finesse et d ‘élégance. Mais l’essentiel n’est pas là ; il l’est, dans cette « citadelle sacrée» érigée, qui veille sur le chora et son kastro, vers laquelle on se dirige entre chien et loup pour regarder le soleil s’éteindre dans les flots. Ceux qui arpentent le chemin prennent leur temps, s’arrêtent à chaque méandre pour embrasser du regard le paysage sauvage et rude, s’imprègnent de cette nature brute comme on se fait doucher par des embruns. On sent que quelque chose nous dépasse, surtout lors de ses soirs de septembre déjà frais et venteux, où l’on se fait un peu malmener par les bourrasques. On se pose alors de longues minutes, les yeux fixés vers le large, un vague sourire aux lèvres, en affinité avec les éléments. Le soleil disparaît, les lumières fléchissent, le ciel se teinte d’un doux gris laiteux, les reliefs s’estompent et on se sent bien.

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21 novembre 2014

Folégandros pratique

C’est bien joli de poser le pied sur une île, indemne de la déferlante touristique, passé le 20 septembre mais on se coltine alors des soucis de bateau insoupçonnés : soit, on rentre au Pirée après 10 heures et demie de traversée sur un placide bon gros ferry bien lent de chez Ventouris, soit on s’entasse dans un Seajet prétendument rapide, sauf qu’il accumule immanquablement des heures de retard. Nous fuyons habituellement cette compagnie, pour ses tarifs ruineux, ses mauvaises conditions de trajet en vase clos, la mauvaise humeur de l’équipage (même si je les plains volontiers de travailler dans ses conditions) et le stress des débarquements où l’on se fait houspiller sans ménagement. Hellenic Seaways n’assure la traversée qu’en juillet et août, on se retrouve donc devant une alternative binaire assez simple. Sauf que le Ventouris ne passe pas tous les jours et que le Seajet va se révéler plein comme un œuf quatre jours à l’avance. Hors saison, le plus simple est d’effectuer un vol A/R Paris-Santorin et de relier ensuite Folégandros par ferry, solution plus rapide, plus sure et moins onéreuse. 

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Á chaque arrivée de ferry, le bus attend les nouveaux venus et monte à Chora en dix minutes; pas cher et pratique. Deux possibilités ensuite pour se loger ; les beaux hôtels avec piscine et tarifs à l’avenant, où les chambres chez l’habitant, plus simples mais plus conviviales quand on aime échanger avec les locaux. Bonne pioche cette fois encore chez Spyridoula : 35 euros la nuit, au calme, à deux pas du centre animé de Chora, entièrement piéton. Si vous arrivez comme nous un peu tard, vous humerez les senteurs sucrées de son Cestrum nocturnum (j’en ignore le nom en grec), arbre à fleurs blanches au parfum de miel et de cannelle, qui embaume toute la petite rue dès la tombée de la nuit.

Côté fourchette, voilà un petit florilège des tables testées. Nous avons juste été déçus de ne pas pouvoir goûter la spécialité locale, la matsata (pâtes locales qui accompagnent la viande de lapin ou de coq en sauce), plat trop nourrissant le midi par des températures encore bien chaudes mais visiblement plus disponible le soir fin septembre… grgrgrgrrrrr !

- I Pounta (première place*), près de l’ancienne station des bus. Un lieu où l’on se pose à toutes heures du jour, très apprécié des habitants de Folégandros. Ne pas se fier aux trois, quatre tables qui donnent sur la place, mais passer dans le joli jardin, derrière, pour un copieux petit déj, un yaourt au miel de fin d’après-midi, un apéro, un café... Souvent de la musique classique, des chats qui folâtrent, d’excellents vins et une table reconnue pour le soir. A fréquenter sans modération.

- Nicolas Michailidis, (deuxième place) immanquable avec son fatras de livres, de cartes, sa chaise réservée et ses affiches où il annonce ses goûts pour les touristes blondes. J’avais lu sur l’endroit des critiques élogieuses et d’autres assassines. Nous nous rangerons à l’avis de ces derniers, exaspérés par son menu incompréhensible de plusieurs pages, son arrogance, son sans-gêne et son café pas terrible. Ici, le sourire est en option et la parole, rêche. Passez votre chemin.

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- Á côté, son voisin, Araxe, rare taverne ouverte toute l’année, souvent choisie comme lieu de petit-déjeuner par les touristes, pour la bonne humeur de son serveur (à moins qu’il ne soit le patron ???). Bavard, affectueux, généreux (il a vite compris mon addiction au miel et m’en servait plus que de raison), on vient papoter avec lui tôt le matin à la fraîche et lui faire travailler son français. Pour les dîners, nous avons préféré tester les tavernes réputées pour certains plats.

- O Kritikos (3ème place), fameux pour la qualité de sa viande et ses grillades. J-P a confirmé l’excellence des padaïkia, tandis que je régalais d’un briam amélioré de citron et d’artichauts. Beaucoup de monde, service « tonique », haut niveau sonore, mais cuisine simple et goûteuse comme on l’aime. 

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- To Sik, toujours sur la 3ème place mais à l’opposée du précédent et aussi de sa cuisine très carnée. Si on trouve sur la carte quelques plats de viande, To Sik fait la part belle aux légumes, soupes, céréales, herbes, salades et fromage. Un paradis pour les végétariens. Rien de tristounet dans l’assiette, c’est coloré et plein de saveurs.

 - Chrisospilia (tourner à droite après la quatrième place et tout droit). Taverne classique de poissons que l’on va choisir en cuisine. Patron enjoué et prix modérés.

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- Zefiros Anemos (tourner à gauche après la quatrième place et tout droit, tout droit, encore tout droit). Lieu chaudement recommandé par notre logeuse, à juste titre, puisqu’il s’agit certainement de la meilleure table de Chora. On change de catégorie pour une cuisine plus élaborée, plus fine, de bons vins et de succulents poissons et fruits de mer, dégustés au calme dans un beau jardin. Service attentionné et courtois.

Et pour les becs sucrés, les amateurs de douceurs, les gourmands, excellente gelateria italienne en partant à droite d’Araxe - vous ne pouvez pas vous tromper, pas d’autres endroits où savourer une bonne glace et surtout, la boulangerie Αρτος και γευσεις, toujours en partant à droite d’Araxe ; on entre pour voir, pour humer et puis, on goûte et … on succombe. On revient avec un tas de petits gâteaux fondants, craquants, moelleux, savoureux. Succulents, je vous dit !

 

* On se repère à Chora en suivant la succession de places qui dessinent le village. Un peu déroutant au début mais on s'y fait vite.

 

14 novembre 2014

Prélude à Folégandros

 

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En voilà une qui n’avait sur le papier l’air de rien : un caillou aride, trois villages, une seule route, des plages peu accessibles, un vent du diable et des habitants présumés tout aussi austères que leurs collines. En ce qui nous concerne donc, une promesse de bien-être permanent. C’est peu dire que nos aspirations les plus démesurées aient été comblées au-delà du nirvana attendu. Si votre petit cœur bat la chamade au seul nom d’Amorgos*, si vous avez élu plus beau castro des Cyclades celui de Sifnos, si vous soupirez de nostalgie en feuilletant vos photos d’Ithaque, Folégandros c’est un peu beaucoup tout cela, en mieux encore. C’est avant tout une île rurale escarpée, râpée, où la main de l’homme s’échine à modeler les terres peu arables à grand renfort de murets de pierres plates et de cultures en terrasses. Pas de constructions anarchiques, de paysages altérés par du bétonnage, l’habitat se concentre en quelques points et le territoire appartient aux ânes et aux chèvres. Á perte de vue, une terre brûlée par le soleil, d’où émerge une pagaille de pierres chamboulées. Rien de gentillet, de vraiment dompté, Folégandros est rêche, rugueuse mais jamais inhospitalière.

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Le Routard m’avait un tantinet refroidie en soulignant que l’île devenait courue et subissait un début de développement fracassant… est-il taquin ce Routard parfois ! Certes, quelques hôtels, plutôt haut de gamme, ont émergé à l’entrée du chora mais ça reste discret et très mesuré. Les spécificités de Folégandros l’éloignent d’un raz de marée touristique pour les simples raisons que l’île se découvre avec les pieds, et que les plages demandent de bons mollets. Peu de familles avec enfants, plutôt des quinquas en forme ou des jeunes, amateurs de marche et de calme ; les fêtards ne trouveront aucun bar branché, surtout pas en bord de mer, totalement préservé des tavernes bruyantes, des parasols et autres transats bien laids. On se lève et on se couche tôt, même quand on est grec (fermeture des tavernes à 23h fin septembre).  On y croise pas mal d’Anglais, beaucoup de Français, quelques Allemands et des Nordiques. Il est bon aussi de savoir qu’à Folégandros, on a tendance à oublier fréquemment son maillot de bain (bizarre !) et à se baigner alors sans problème, en tenue d’Éve ou d’Adam. La plage la plus facilement accessible l’interdit clairement, plage d’ailleurs beaucoup plus fréquentée, surtout par les familles grecques.

Si le relief de l’île est abrupt, ses côtes le sont tout autant ; à-pics, dégringolades de rochers, découpes tranchantes, rocs acérés, anses équarries, on plaindrait presque les pirates qui ont dû avoir fort à faire pour accoster sans y laisser leur chemise. Peu s’en faut que certains endroits me renvoient illico dans le Finistère, surtout lorsque le vent siffle entre les murets de pierre et que les rafales envoient valser les flots sur les brisants. La mer Égée a soudain un petit goût d’Atlantique très inattendu…

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Je voudrais pour clore ce préambule m’inscrire pleinement, totalement, entièrement en faux, contre cette réputation d’accueil supposé « frileux » des habitants de Folégandros. Les locaux que nous croiserons sur l’île, bergers, cultivateurs, éleveurs, âgés pour la plupart, ne sont pas différents des autres îliens, taiseux et impassibles. Si vous les saluez avec le sourire, si vous vous mettez un peu en retrait de leur activité, si vous prenez le temps d’apprécier leurs gestes séculaires, si vous leur demandez poliment dans un grec, même très approximatif comme le mien, de les photographier avec leurs bêtes « Με συγχωρείτε κύριε, μπορώ να σας φωτογραφίσω παρακαλώ** », vous ne devriez pas subir de rebuffades. Mais si on se comporte en touriste conquérant qui veut juste alimenter son compte Facebook…

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Le soir de notre arrivée tardive à Chora, nous nous sommes retrouvés sans bagages, suite à une fâcheuse inversion de sacs*** sur le ferry (A. a pris les bagages de B., qui a pris les bagages de C., qui n’a pas pris les bagages de A.…). Notre logeuse, pourtant maman d’un bébé, l’agence de voyage locale, la compagnie de ferry, le responsable de la taverne du coin, tous se sont mis en quatre pour nous aider. Il était 22h30, nous arrivions de Paros, nous étions de parfaits inconnus et pourtant, ils ont chacun mis un terme à leur activité pour nous trouver une solution et nous éviter ainsi un aller-et-retour au Pirée. Sans leurs interventions conjointes, je doute fort que le ferry suivant nous ait rapporté notre sac, ce qui fut pourtant fait. Comme marque tangible d’hospitalité, on ne peut pas faire plus et c’est une chose qu’on oublie pas…

 

*Amorgos, île où ma moitié refuse catégoriquement de retourner, conséquence sans appel de la soi-disant traumatisante et éprouvante remontée pédestre de la plage d’Agia Anna, au pied de la Panagia Chozoviotissa… grincheux, va !   

** j’ai bien dit approximatif

*** ça nous apprendra à avoir tous les gros sacs Cargo Eastpak NOIRS

 

1 novembre 2014

Parce que l'on passe toujours par Naoussa...

Non, Naoussa n’est pas seulement le lieu « chic et branché » de Paros, où quelques célébrités parisiennes ont posé leur sac. Si vous avez la chance de fréquenter le lieu hors saison, - mais ce présupposé est valable pour nombre d’îles -, ce vieux port de pêche de carte postale, croquignolet et photogénique en diable, saura exercer sur vous toute sa séduction. C’est vrai qu’il en fait presque trop, avec son petit fort vénitien en ruines, sa chapelle blanche, les barques des pêcheurs qui se gondolent doucement, les poulpes séchés au soleil, les petits volets bleus ou verts qui tranchent sur la chaux des maisons cubiques, les ruelles fleuries… on se dit à chaque visite qu’on ne va plus s’y laisser prendre et… peine perdue, on se laisse abuser comme deux bleusailles. C’est surtout le matin que la magie opère, lorsque Naoussa est encore silencieuse et que la lumière douce du soleil semble dorer la mer. Certes, les collines autour du village sont vilainement ankylosées de constructions passablement hideuses, mais le vieux port reste lui, délicieux.

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Sur le quai, des navettes font des allers et retours vers les plages de Kolymbithrès, de Monastiri ou de Lagueri. Kolymbithrès est la plus célèbre et l’une des plus fréquentées (même en juin et en septembre), avec ses rochers aux formes bizarres qui dessinent des petites criques bien abritées. C’est à faire au moins une fois, surtout avec des enfants qui s’amusent beaucoup à plonger dans ce désordre de pierres. Pour être plus au calme, nous préférons les toutes petites criques que l’on trouve avant la grande anse de Monastiri, (moyen de locomotion obligatoire). Comme les photos l’attestent, la fréquentation reste très raisonnable … et en continuant à pied vers le Nord, se dressent les falaises du cap Almiros, le monastère Agios Ioannis et le parc culturel de Paros, sorte de friche pour bateaux en cale sèche, où sont organisées des soirées et concerts de toutes sortes.

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29 octobre 2014

Paros de l'intérieur

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On ne vient pas uniquement à Paros pour sa dolce vita, ses jolies plages de sable, le port de Naoussa, mais aussi pour ses très beaux villages intérieurs, bien desservis par les bus qui vous emmènent vous baigner à Logaras, Pounda ou Golden Beach (Chryssi Akti). C’est tout simple, il suffit de suivre la ligne, de descendre vous promener et siroter un café, et de reprendre le bus suivant jusqu’au prochain village.  Même s’il n’y a pas grand' chose à voir à Marathi, cette première étape est célèbre pour ses carrières, exploitées depuis l’antiquité pour la blancheur, la transparence et la finesse de son marbre. Extrêmement fragiles, seules de petites statues pouvaient être sculptées dans ces blocs : l’Hermès de Praxitèle, la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo, la Victoire de Paionios sont sortis des entrailles de Paros. Ce marbre d’exception est appelé « lychnitis », car extrait à la lueur des lampes à huile (Ληκυθος) des esclaves. Les carrières ont été exploitées de nouveau durant une partie du XIXe siècle, (les ruines des bâtiments sont toujours visibles) et ont servi, entre autres, aux bas-reliefs du tombeau de Napoléon.

Plus loin, on arrive à Kostos, tout petit village tranquille, doté de deux églises, d’une mignonne grand’ place, d’une taverne ombragée et de son kafeneion ; quelle que soit l’heure à laquelle nous passons, nous y voyons toujours un ou de deux popes attablés, papotant avec les papis du village. C’est fou comme en Grèce il existe des lieux où il est si difficile de s’extirper, une fois bien calé devant un frappé ou une Fix… la quiétude, le silence, la discrétion des habitants engendrent une forme de béatitude que l’on attrape très facilement.

Mais il est temps de repartir pour Lefkes, ancienne capitale de l’île, dont les maisons cubiques blanches (λευκος) dégringolent en amphithéâtre. Un peu en hauteur, entouré de collines en terrasses, sous la protection de vieux moulins, Lefkes déroule ses étroites ruelles bordées d’églises, de belles demeures classiques et d’habitations toutes simples bien fleuries : lacis de chemins dallés, de placettes, de murs chaulés, Lefkes n’a cependant rien d’un village de carte postale pour touristes : écoles, tavernes, cafés, les habitants y mènent la vie de tous les jours sans penser à défigurer le lieu pour vider les poches des visiteurs. Nous nous sommes de nouveau cassés le nez sur les portes décidemment souvent closes de l’église Aghia Triada, dont les guides chantent des louanges extasiées, pour ses ornements de marbre (iconostase, chaire, trône épiscopal) et ses icônes. Vous pouvez toujours vous consoler en allant faire un tour derrière l’église, sous les grands pins, jusqu’au cimetière où la vue sur les collines, jusqu’à la mer, est splendide. Si votre estomac commence à se manifester, remontez sur la place principale en haut du village et attablez-vous chez Clarinos, taverne familiale simple et conviviale, fréquentée par les gens du coin. De bonnes grillades pour les amateurs, goûteux plats de légumes pour les autres.

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En continuant vers la mer, on passe par Marmara (le marbre, toujours), autre petit village typiquement cycladique, avant d’arriver au très beau village de Marpissa. Le bus ne passe évidemment pas dans la partie ancienne, qui se découvre en hauteur, à partir de la place des Trois-Moulins. De nouveau ce même embrouillamini de venelles, de passages voutés, un labyrinthe blanc piqué du rose des bougainvilliers dont nous ne nous lassons pas. La concentration d’églises dans un si petit périmètre est impressionnante, on en croise parfois deux sur moins de cent mètres, toutes différentes, à dôme bleu, clocher de pierre, fronton ouvragé…

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De Marmara, si vous souhaitez une alternative plus calme à Pounda et Golden Beach, vous pouvez vous rendre sur la très jolie plage de Molos, encore préservée des locations de transats et de parasols. Nous n’y croisons que des Grecs, couples d’amoureux ou familles avec enfants en bas-âge. Il faut dire que cette plage de sable est parfaite pour les bambins, elle descend en pente toute douce dans une mer transparente, sans un rocher. Le site est magnifique, bordé aux deux extrémités par une chapelle, et au Sud par un tout petit port de pêche. Passé 19h, vous êtes tout seuls (juin et septembre, of course).

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23 octobre 2014

Parikia, un peu d'histoire à portée de main

Une pensée pour toi, Élo…

Les villages qui abritent le débarcadère des ferrys ont souvent tout de l’embarquement pour la déception. Ce sont en majorité des endroits « modernes » fabriqués, un peu trop neufs, sans caractère, rayés en front de mer par un alignement d’hôtels, de bars et de tavernes. On a alors hâte de monter vers le Chora ou le Kastro historique, bien à l’abri des pirates et des envahisseurs de tout poil. Paros* s’inscrit en antithèse et affiche ses legs du passé à hauteur de quai, dans son chef-lieu de Parikia.

Comme toutes les îles grecques après l’hégémonie romaine, Paros a vu défiler les mêmes vagues d’occupants : goths, slaves, byzantins, vénitiens, ottomans… Selon la durée de leurs « séjours » et leurs intentions, certains se sont juste essuyé les pieds dessus, quand d’autres bâtissaient, transformaient et marquaient profondément l’île de leur empreinte. Les byzantins ont édifié l’une des églises les plus anciennes de Grèce, massive, puissante, qui en impose toujours aujourd’hui. L’église, appelée Katapoliani (Á côté de la ville) ou Ekatontapyliani (Aux cent portes), ces deux dénominations étant utilisées parallèlement dès le milieu du XVIe, acquiert très rapidement prestige et influence.  De nombreux habitants de l’île, devenus des fidèles de ce nouveau lieu de culte, s’installent dans le quartier voisin ; on les appelle des παροικι (« qui appartiennent à la même communauté »). Le mot est resté jusqu’à désigner l’ensemble du village, Parikia.

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Comme à l’accoutumée, un édifice de cette importance ne sort pas de terre ex-nihilo car il faut montrer que la nouvelle religion a triomphé de l’ancienne : l’église Katapoliani a été édifiée au IVème siècle, sur l’emplacement de deux constructions successives pré-chrétiennes,  un temple antique, et un gymnase de l’époque romaine. Ce premier édifice modeste**, endommagé par un incendie, fut reconstruit sous Justinien, deux siècles plus tard, agrandi, agrémenté de voûtes et d’une coupole. Les chapiteaux et pilastres de marbre ont été « empruntés » au temple de Déméter, tout proche alors. Ensuite, les aléas des occupations successives, les pillages, les raids des pirates, le séisme de 1773 modifièrent l’apparence de l’église, qui fut rendue à sa forme première lors d’un important travail de restauration dans les années 1960.

L’église a aujourd’hui l’aspect d’un monastère, avec son mur d’enceinte, sa cour intérieure, son jardin et les cellules de moines… qui n’en abritent plus. Le bâtiment en croix grecque fait forte impression avec ses rangées de piliers, ses colonnades et sa large coupole. Le marbre sur la partie inférieur des murs, les pierres taillées de couleur des voûtes, la richesse de l’iconostase, le lustre imposant, l’or des icônes, vous tombent littéralement dessus : elle est à la fois sobre mais somptueuse, bien équilibrée mais remarquable, grandiose sans être grandiloquente. Sa chapelle Saint-Nicolas et son baptistère aux fonts baptismaux cruciformes, tous deux rescapés du IVe siècle, dépouillés, presque austères, émeuvent par leur simplicité et leur dénuement. On touche là à quelque chose d’originel, d’essentiel, qui vous remue singulièrement la corde sensible.

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Au XIIIe siècle, ce sont les Vénitiens qui se serviront des ruines des sanctuaires antiques pour ériger le kastro de Paros : des blocs de marbre, des morceaux de colonnes ont été intégrés au mur d’enceinte de la forteresse, que l’on atteint à partir de la vieille ville de Parikia. On monte doucement en lacis, dans d’étroites ruelles tachées du rose et du rouge des bougainvilliers, les petites maisons cubiques serrées les unes contre les autres, à l’abri des attaques des pirates ; passages voutés, placettes, chapelles discrètes, escaliers dérobés, l’ensemble a gardé son cachet, son charme, à deux pas pourtant des rues plus fréquentées où s’alignent les boutiques de souvenirs.

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C’est une des raisons du bien-être que l’on ressent à Paros, à savoir un équilibre, une coexistence réussie entre des lieux d’histoire et les impératifs économiques du présent. Entre un café et une épicerie, on peut toujours admirer la beauté des maisons de maître aux toits de tuiles, les balcons ouvragés, les corniches, des balustrades, des fontaines du XVIIIe siècle. Les magasins sont discrets, respectent l’harmonie des rues, se fondent dans le décor sans agressivité et coexistent avec l’église d’à côté et la demeure seigneuriale à blason du coin. Les enfants de Parikia jouent sur la grand’ place, on déguste une glace entre deux popes, on partage les fêtes du village, on se mêle à la population sans se sentir trop touristes ou étrangers, et on est vite intégré au tempo de l’île. C’est pourquoi on revient toujours à Paros, parce qu’on y a laissé un gros bout de soi et qu’on ressent toujours une bouffée d’émotion lorsque le ferry abaisse le battant du pont arrière, et que les ailes du moulin de Parikia se dessinent lentement…

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* Comme Naxos d’ailleurs

** Selon la légende, sainte Hélène et son fils l’Empereur Constantin, revenus de Palestine avec la Sainte Croix, seraient les fondateurs de l’église. 

15 octobre 2014

Retour à Paros, l'île où tout va bien - Mise en bouche

C’est sans regrets ni nostalgie que nous avons quitté Santorin, dès potron-minet, debout à cinq heures pour ne pas manquer le ferry Blue Star ; nous laissons loin derrière le capharnaüm et le tintamarre, soulagés de nous retrouver bientôt « à la maison », de reprendre nos petites habitudes, de retrouver Parikia et son kastro, les plages de sable blond, le calme des villages intérieurs, un rythme de croisière plus nonchalant, qui pourrait rappeler celui d’un paresseux au sortie de sa sieste. C’est étonnant comme les journées peuvent défiler à Paros, alors que nous passons notre temps le museau vers le ciel, à respirer l’air du temps qui passe, sans risque aucun de surchauffe. Mon ressenti de l’île n’a pas bougé d’un iota au long de ces onze années, où nous sommes revenus régulièrement lorsque le besoin s’en faisait sentir : le même accueil, la même chaleur, un plaisant mélange de sérénité et d’allégresse. De plus, les sirènes du profit à tout crin et de la surexploitation immobilière sont passées très au large, préservant l’île des dommages constatés en Crète et à Corfou. Sages habitants de Paros !

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Inimaginable de ne pas nous poser de nouveau , pension maintes fois saluée par nombre d’internautes, qui ne tarissent pas d’éloges sur l’hospitalité, la gentillesse de Sofia et de Manolis. Nous avons vu leur fille et les arbres du jardin grandir, le français de Manolis devenir impressionnant, les lapins et les chats se multiplier, mais rien n’a changé dans leur manière de concevoir leur pension ; une grande famille où il fait bon vivre. Réservez très tôt, c’est plein de juin à septembre.

Aucune nouvelle table testée cette année à Parikia pour le dîner, tant nous aimons deux endroits que nous alternons, selon l’humeur du jour, l’Ouzeri Boudaraki et le Levantis. Le premier, situé très à droite sur le quai lorsque l’on a la mer dans le dos, est une petite taverne toute simple, pas chère, qui est restée fidèle aux plats traditionnels qu’elle sait faire. Mention spéciale pour les aubergines confites, plat modeste mais pourtant délicieux, qu’une certaine cliente québéquoise de ma connaissance prend même en dessert, c’est tout dire... surtout lors de soirées mémorables où la Suisse, la France et le Québec réunis, arrivent à faire plus de bruit que les tables de Grecs...content (108)

Avec le Levantis, au cœur du vieux Parikia, on monte en catégorie avec une cuisine plus élaborée et un cadre plus intimiste. Si les plats végétariens sont délicieux (linguine aux tomates rôties et sardines marinées, mijoté de légumes et d’olives, gnocchi maison à la roquette sauce aux noix), ma moitié se régale de l’agneau en feuille de vigne et féta aux herbes, du filet de porc aux pommes et aux raisins, sauce Mavrodafni, du ragoût de lapin au yaourt et aux aubergines. C’est aussi un des rares endroits où je prends un dessert, tout aussi pensé, construit, cuisiné, que les plats. L’addition s’en ressent mais reste en accord avec la qualité des mets.

Pour un petit en-cas, très bonne assiette de fromages grecs au Café Distrato, à savourer avec une Fix Dark, sous un arbre centenaire. Vous passerez obligatoirement devant ou dessous, en vous promenant dans les petites ruelles.

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Les bus se faisant plus rares en septembre, il est préférable d’opter pour la location d’une voiture où d’un scooter ; trois jours et demi de location d’un gros quad nous sont revenus à 55 euros, hors essence, ce qui reste accessible.

Pensez aussi à réserver très tôt votre ferry, si vous continuez votre périple vers une île moins bien desservie ou qui ne voit plus passer que la compagnie SeaJet. Les seuls billets restant en classe supérieure peuvent tout à coup sacrément grever votre budget…

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