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Le Présent Défini
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11 juillet 2013

Crète - Route de montagne du Psiloritis (ou mont Ida), entre Anogia et le plateau de Nida

Le premier jour en Crète fût source de contrastes, comme un clair-obscur très prononcé, un contre-pied flagrant, où le meilleur succède au pire. Après avoir pris le pouls d’Héraklion, quel que soit le périple que l’on s’est choisi dans l’île, le passage par le site de Cnossos est quasi inéluctable. Comme beaucoup d’autres visiteurs avant nous, l’enthousiasme répondit aux abonnés absents… Lorsque l’archéologue anglais Evans le met au jour en 1900, celui-ci part du principe qu’il s’agit des ruines du palais du roi Minos et décide de le « restaurer » en partant de ce présupposé, totalement dénué de rigueur scientifique. On sait aujourd’hui, suite au déchiffrage des tablettes trouvées en ces lieux, qu’il s’agit bien plus sûrement d’un centre administratif et religieux, très loin des chimères romanesques d’Evans. Le souci, c’est que le monsieur est intervenu à grands coups de béton, aujourd’hui très abimé, et de peinturlurage, qui jure un peu beaucoup. Les plus belles pièces du « palais » sont à ce jour inaccessibles, parce que l’on restaure… les restaurations. Le rouge Ripolin des colonnes et les copies criardes des fresques donnent au site un côté frelaté du plus mauvais effet. De toutes façons, vue la fréquentation frénétique du site, même tôt le matin en juin, il est difficile de s’immerger  dans cet espace et de laisser, hélas, monter une quelconque fascination.

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C’est en feuilletant un guide bien connu (page 204 pour l’édition 2013/2014), que nous sommes tombés sur un descriptif on ne peut plus engageant, une montée vers la Crète des montagnes, entre les villages d’Anogia et le plateau de Nida, dominé par l’imposant mont Psiloritis. C’est un peu longuet d’arriver à Anogia à partir d’Héraklion, mais les vingt kilomètres dans un paysage grandiose quasi vierge pallient de beaucoup la durée du trajet initial. Nous ne croiserons pas âme qui vive, suivant les méandres de la route qui serpente sur une terre constellée de pierres plates, parsemée d’arbustes, comme si les titans avaient fracassé au sol de colossaux rochers lors de combats légendaires. Ces pierres sont d’ailleurs utilisées pour l’élaboration des refuges de berger, ces mitata* circulaires, pour certaines toujours en service.

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La route asphaltée s’arrête brutalement sur une espace de grand parking où les bergers garent leur Toyota : vous pouvez partir à pied explorer la grotte du mont Ida, lieu de naissance supposé de Zeus (mais une grotte du plateau du Lassithi brigue aussi cet honneur), tout du moins cachette dégotée par sa mère Rhéa, pour mettre le nourrisson déjà braillard hors de portée de la gloutonnerie de son père Cronos. Si les histoires de famille des Olympiens ne font vibrer aucune corde sensible chez vous, allez vider une Mythos et goûter le fromage fait sur place (il sèche sur les bords des fenêtres), dans une « taverne » aux allures de bunker, qui ne doit pas voir passer beaucoup de touristes. Ses fenêtres s’ouvrent sur une large dépression fertile, vert tendre, où paissent de nombreux troupeaux de moutons, cernée de montagnes. L’altitude atténue la chaleur, le paysage se boit des yeux, pas un bruit hormis le bêlement des animaux, on déguste le fromage de brebis encore tout laiteux pendant que le taiseux berger fait des réussites derrière nous… sans doute une version un peu d’Épinal de la Crète, mais elle est telle que je l’imaginais, très très loin du trafiqué Cnossos.

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* On les appelle de deux façons : To Mitato ou O Koumos. Pour certains, l’appellation dépend de la région (mitato en Crète occidentale, koumos dans les autres montagnes) ; pour d’autres, c’est la forme du toit qui diffère, plat pour le mitato et pointu pour le koumos ; et pour d’autres encore, c’est l’usage qui les distingue : koumos pour un simple refuge et le stockage de matériel, mitato pour une fromagerie.

 

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5 juillet 2013

La Crète avec les dents

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On ne m’enlèvera pas de l’esprit que la singularité d’un pays, d’une région, se révèle avant tout dans l’assiette, miroir de la substantifique moëlle de ses habitants : J’aime assez ces raccourcis lapidaires, mais ô combien savoureux, où l’on croque une contrée par son rapport à la nourriture, style : « Si les Anglais peuvent survivre à leur cuisine, ils peuvent survivre à tout ». Oui, je sais… mais à l’époque de Shaw, Jamie Olivier et Gordon Ramsay n’étaient pas encore nés…

En ce qui concerne la Crète, il faut nettement relativiser tous ces élogieux commentaires sur son régime ancestral, garant des excès et des méfaits de notre cuisine occidentale déséquilibrée. Une certaine standardisation due au tourisme de masse, les aménagements pour s’adapter aux habitudes alimentaires des touristes (portions plus importantes, omniprésence des frites), le recours inévitable aux produits surgelés (il est matériellement impossible de fournir du poisson frais tous les soirs aux seize millions de touristes qui viennent en Grèce chaque année) ont dévoyé les us et coutumes rigoureuses.

Toutefois, radieuse nouvelle, la Crète propose encore, si vous êtes curieux, fouille-au-pot, et pas trop routinier dans votre lecture des cartes, des plats qui enchanteront les papilles des becs sucrés mais aussi des végétariens, ceci compensant cela sur la balance : ah, souvenir tout ému devant cette première sfakia pita (galette plate, chaude et craquante fourrée de myzithra, largement arrosée de miel), dégustée à Myrtos, au bord de l’eau dans le tout petit resto de mezzés, « Karavostasi ». Ou de ces kalitsounia de la « Scala Fish Tavern » de Matala, où le patron me surprit me vautrant avec délices dans les jardins de la gourmandise, le doigt et le museau pleins de miel. Hilare devant ma mine confuse, il déposa cinq minutes plus tard, et gracieusement je vous prie, une nouvelle assiette de ces petits chaussons frits, garnis de fromage frais de brebis, largement arrosés du nectar des ruches, omniprésentes dans les montagnes crétoises. Toujours à Matala et bien indiquée dès l’entrée du village, on trouve une excellente boulangerie-pâtisserie, si vous souhaitez déguster un petit-déjeuner digne de ce nom ; « Zouridakis » : service à la ramasse et sourire en option mais succulent rizogalo et bougatsa crémeuse à souhait.

Á Héraklion, chez « Ligo krasi ligo thalassa », c’est une montagne de loukoumades qui arrivera sur votre table avec l’addition, petits beignets ronds, tout dodus et dorés, qui se roulent de nouveau dans … le miel. Plus addictif, on ne fait pas. Dans notre bar de prédiction de Kato Zakros, l’"Amnesia Café", on complète votre petit déjeuner, si on l’estime trop sommaire, par une part de galaktoboureko, encore tiède, dégoulinant de sirop, ou d’un karythopitta, gâteau bien riche en noix, sans bourse délier.

Si l’on souhaite ensuite se donner bonne conscience et alléger ces repas, on optera pour tous ces délicieux plats de légumes, riches en herbes et salades locales, dont les saveurs m’ont plusieurs fois bluffée : fleurs de courgettes, briam, horta, hortopites, dakos… on connaît tout ces plats et pourtant, ils vous émeuvent les papilles d’un tout nouveau parfum. Si vous n’êtes pas trop accro à la caféine en fin de repas, demandez un thé des montagnes - tsaï tou vounou -, délicieuse infusion toujours différente : chacun y met ce qu’il veut (herbes endémiques, dictame, cannelle, menthe, thym, sauge, romarin…) et les dominantes varient dans chaque village, chacun se targuant de posséder la meilleure recette.

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Tavernes testées lors du séjour :

À Héraklion :

« Ligo krasi ligo thalassa »*2 ; délicieuses courgettes frites, façon tempura, mais très bruyant ☺

« Ο Vrakas », voisin du précédent, copie conforme, même niveau sonore ☺

Dans la Messara :

À Kalamaki : « Delfinia » ; recommandé par notre logeur, pas convaincue par le poisson que je soupçonne congelé, malgré les dénégations du proprio

À Sivas : « Sactouris » *2 ; très bonne table pour ceux qui aiment la verdure crue ou cuite dans leur assiette, serveuse adorable☺☺

À Zaros : « Sinontisi » ; bon plan pour une assiette de mezze (pikilia) ultra copieuse à l’heure du déjeuner dans petite taverne tenue par un jeune couple, très sympa ☺☺

À Kommos : « Vrohos » ; sur la corniche en surplomb de la plage de Kommos, bon poisson frais ☺

À Matala : « Scala fish tavern » ; tout au bout du front de mer, à gauche, table un peu plus sophistiquée, excellent bar grillé, poulpe itou ☺☺

Vers l’Est

À Myrtos : « Kravostasi » ; le long de la plage, succession de restos. Nous avons choisi celui qui nous a paru le moins trafiqué pour un encas de midi ; bonne pioche, carte courte mais mezze ultra frais ☺

Tout à l’Est

À Kato Zaros : « Nikos Platanaki » *4 ; notre cantine attitrée, le propriétaire possède son potager et son élevage, la qualité des plats et les assaisonnements s’en ressentent, forte fréquentation grecque, musique certains soirs à la table des locaux ☺☺

À Kato Zaros : « To Akrogialy » ; service collant, limite gluant, cuisine plus standardisée que le précédent

À Kato Zaros : « Nostos » ;  poissons de bonne tenue mais service alangui ☺

À Mochlos : « Ta Kavouria » ; bon rapport qualité prix

Plateau de Katharo

À Kroustas : « O Kroustas » ; table du séjour, très couleur locale, agneau d’anthologie, pâtes faites maison fondantes et onctueuses à souhait, fromage du coin, pain à la saveur unique ☺☺☺

À Kritsa : « Lato » et « Platanos », simple et bon

À Agios Georgios : « Taverne Réa » ; plat du jour imposé, très goûteux au demeurant mais pratique commerciale un peu limite, tout de même.

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1 juillet 2013

On the Road en Crète - Prélude...

Á brûle-pourpoint, ma sainte trinité insulaire grecque ressemblerait à cela : Amorgos, Ithaque et Chios. La Crète allait-elle sur-le-champ se hisser à ces hauteurs stratosphériques pour déloger l’une de ces îles, solidement fichées dans mon Panthéon perso? Contrairement à bien des internautes qui enchaînent les orgasmes en retraçant leur périple crétois, je serai nettement plus mesurée, voire même précautionneuse. J’entends d’ici les hurlements des groupies transies, qui resteront esbaubies devant mes réserves. Désolée, mais non, le virus crétois n’a pas su percer nos défenses et nous secouer l’émotionnel, à l’exception d’un autre « finis-terrae », tout au bout du monde, là, vers l’Est, extrêmité vierge, indomptée, silencieuse et déserte, indifférente à l’anéantissement programmé d’une bonne partie de l’île.

Ne disposant que de 17 jours, nous avons choisi de privilégier la partie orientale de la Crète, en partant d’Héraklion, vers la Messara, puis de longer la côté jusqu’à Kato Zakros, avant de remonter par le plateau de Katharo à notre point de départ.

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Aller à la rencontre de la Crète revient à danser un tango permanent, deux pas en avant, un pas en arrière, à alterner moments forts et vertigineuses déceptions, découvertes somptueuses et visions d’apocalypse ; la liste volontairement caricaturale des étapes de notre périple crétois ressemblerait à cela :

Passez outre, même au mois de juin

- Cnossos (reconstruit, bétonné, défiguré)

- Agios Nikolaos (la côte d’Azur au mois d’août, sans aucune âme)

- Vaï (plage surpeuplée, envahie de touristes déversés par cars entiers)

- La côte de Myrtos à Goudouras, via Ierapetra (une succession de serres dans une odeur fétide d’engrais)

- Le plateau du Lassithi (cuvette tristoune fameuse pour ses éoliennes, dont il ne reste plus grand' chose, terre de prédilection des touristes russes : surcotée).

- Sitia (je cherche encore ce que l’on peut y faire…)

- Le monastère de Vrondissi, dont le seul intérêt réside dans une fontaine, tronquée par les Turcs.

Á la rigueur

- Matala (à condition d’avoir gardé une bonne dose de second degré et une âme de hippy)

- Mochlos (on en fait vite le tour, mais située entre les détestables Agios Nikolaos et Sitia, donc, par comparaison …)

- Le site de Gournia, sans beaucoup de charme mais le plan des rues pavées est toujours lisible.

Nécessaires

- L’église d’Agios Fanourios

- Le site d’Agia Triada

- Le monastère d’Odiyitria

- Le monastère Toplou

- Etia et Voïla

Inoubliables

- La Panagia Kéra

- Le site de Gortyne

- Le site de Phaistos

- Le site de Lato (merci à J. Lacarrière !)

- Kato Zakros et son palais minoen

- La route de montagne entre Karidi et Zakros

- La route de montagne du Psiloritis, entre Anogia et le plateau de Nida

Pour nous qui sommes coutumiers des îles hors saison, nous n’étions sans doute pas préparés à une telle fréquentation débridée, début juin (la Crète absorbe à elle seule 40% du tourisme vers la Grèce) : je ressens toujours comme une épine dans ma sandale lorsque je vois écrit, devant les tavernes, un « Willkommen », avec le prix du demi de bière, des menus proposés de prime abord en allemand ou en russe, une serveuse m’accueillir avec un « Guten Tag ». J’ai ressenti en Crète, à l’exception de l’extrémité Est et des villages de montagne, un manque de la Grèce, de tout ce qui fait que j’aime tant ce pays. Nous n’avons pas compris cette course au bétonnage, ces villages de vacances bas de gamme sortis de terre pour entasser les hordes de touristes qui carbonisent toute la journée sur les plages, ces kilomètres de côtes détruites pour un retour sur investissement à court terme, ces décharges en plein air qui ne choquent personne (déjà vu en Sardaigne), cette inaptitude à gérer un environnement de toute beauté, dans des proportions qui me sidèrent. Certes, un certain nombre d’enclaves encore préservées viennent d’être classées Natura 2000, en raison de la fragilité des écosystèmes. C’est heureux mais c’est bien tard.

Joueur de gaïta2 Joueur de bouzouki

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Conseils de l'Automedon :

Vous allez nécessairement louer une voiture, alors...

1. Pour quelques euros de plus, prenez l’assurance tous risques, parce qu’un simple rétroviseur, déjà, est manifestement vite anéanti, lequel vous coûtera, par défaut, ... au gré du loueur... et même davantage !

2. Vérifiez au départ le niveau d’essence (plus de petites économies en Grèce)...et / mais surtout, le gonflage des pneus :1 bar de pression, comme nous avons pu le constater, rend la conduite et le freinage plutôt incertains...

3. On vous propose de vagues cartes au 1/150 000, voire au 1/200 000ème !, et sans boussole...Précipitez-vous donc à la première bibliothikè pour vous munir d’un précieux guide, Atlas Kritis, au 1/50 000ème(carte découpée en 115 numéros) - Anavasi Digital éditeur - qui vous coûtera certes 23 Euros, mais vous évitera de vous égarer ou de tourner en rond – les panneaux indicateurs, quand ils existent, n’étant pas toujours dans le sens de votre marche... si vous vous aventurez hors des sentiers touristiques, of course.

D’où l’utilité aussi du rétro-viseur, ou d’une assistante attentive...

Ασφαλες ταξιδι !

2 juin 2013

Chios - Parce qu’il y a monastère… et monastère

Il devait être un moment fort du voyage, le rendez-vous incontournable, le lieu dont il fallait s’imbiber, longtemps fermé pour travaux, un must, le miel sur le yaourt, l’image certifiée conforme, emblématique de cette semaine à Chios : loupé ! Νέα Μονή, inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, est un monastère byzantin du XIe siècle, aussi renommé qu’Οσιος Λουκας, célèbre pour ses mosaïques, son opulence, son rayonnement. Le complexe est vaste et comporte de nombreux bâtiments (église octogonale, réfectoire, chapelles, cellules), déjà replâtrés ou en cours de restauration. Car le monastère enchaîna les désastres au XIXe siècle ;  les Turcs le pillèrent et le saccagèrent à deux reprises, en 1822 et 1828, et le tremblement de terre de 1881 acheva l’effondrement amorcé. Depuis, les interventions, les réparations, quand ce ne sont pas carrément des transformations, se sont succédées. Certes, les fragments importants des mosaïques sur fond d’or qui ont résisté au temps, sont absolument superbes mais les différentes rénovations successives jurent avec les murs d’origine, à vous fendre la rétine : certaines surfaces extérieures sont carrément recouvertes d’enduit blanc ! Alors, la sauce ne prend pas et on reste partagé entre la beauté intérieure du narthex et de la nef et une « remise à neuf » très discutable et trop ostensible. Il faut avouer que le week-end de Pâques n’est sans doute pas le moment opportun pour un premier tête-à-tête avec ce haut lieu du monachisme, et que la foultitude de pèlerins au fort potentiel vocal, déversée par les cars de tourisme, modifie quelque peu le ressenti d’une enclave où devaient prévaloir le silence et le recueillement.

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Toutes autres furent nos impressions au tout petit Μονή Μουνδων, situé au Nord de Chios : pas sûre d’être totalement objective, cette partie de l’île étant pour nous bien plus attachante que le Sud : villages du bout du monde, côte sinueuse et escarpée, grèves malmenées, troupeaux de chèvres, sol pierreux et pauvre, genêts touffus, brouillard et… cataractes d’eau. La pluie ne fait pas semblant à Chios, elle a une petite saveur bretonne assez prononcée.

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C’est en redescendant de Kambia vers Katavasi que nous sommes tombés dessus, au travers des allers et retours des essuie-glace en surrégime. Le monastère, d’époque byzantine tardive, placé sous la protection de Saint Jean le Précurseur, est aujourd’hui désert mais ses différents bâtiments sont toujours debout. Il suffit de pousser la porte pour remonter le temps : si certains toits se sont écroulés, le katholikon, le vestibule en forme de dôme, les cellules, bien qu’endormis, sont facilement identifiables. Pas un bruit, autre que les gouttes martelant la pierre et les feuilles, dans une nature qui a repris ses droits ; on buissonne doucement, pour ne pas troubler la quiétude de l’endroit, on chuchote, on s’imprègne, on ne serait pas étonné d’accrocher du regard un pan de soutane sombre et furtive au coin d’un édifice, comme si ce monastère avait sa propre alchimie et quelques secrets bien gardés. On referme doucement la porte derrière nous, vaguement confus d’avoir laissé nos empreintes de mortels sur le sol détrempé, dans un lieu hors du temps.

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26 mai 2013

Mesta versus Anavatos…. de l’imaginaire des ruines dévastées

Je n’ai jamais pu me résoudre à aborder une nouvelle île sans une plongée préalable dans ses eaux caractéristiques, à travers les différents guides : je raffole de ces premiers rendez-vous où l’on contemple sa plastique, où l’on estime son capital séduction, ses atours, son charme, son individualité. Chios porte haut l’étendard de son passé médiéval sauvegardé dans la mémoire des pierres, avec quelques villages emblématiques, que l’on perçoit à première vue comme cohérents et harmonieux. L’expérience terrain a vite démontré l’inanité de cette première impression, faussée par quelques clichés attrayants, bien cadrés mais illusoires.

Impossible lorsque l’on passe un peu de temps à Chios de faire l’impasse sur les Mastichochoria, villages du Sud fortifiés, temples de la précieuse gomme du lentisque, le mastic. À Pyrghi, Mesta, Olymbi, Vessa, Kalamoti, Armolia…, on récolte toujours en été les « larmes » de ces arbustes gris et rabougris, cousins des pistachiers, qui sécrètent cette résine si prisée. C’est en descendant vers la jolie crique de Vroulidia, entourée de ses hautes falaises blanches, que l’on circule dans la région la plus densément plantée de lentisques, auxquels les habitants doivent leur prospérité et leur relative tranquillité, quels que furent leurs occupants successifs.

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Si nous sommes tombés sous le charme de Pyrghi, le « village peint », nous sommes beaucoup plus dubitatifs devant Mesta, pourtant classé monument historique. Pyrghi est fameux pour les motifs géométriques qui habillent les façades de ses vieilles demeures de pierre, les « xysta », (de ξυνω = gratter, le principe étant de gratter une couche de chaux claire à prise lente, selon des motifs précis, posée sur un premier enduit sombre) : s’il ne reste plus grand’chose de ses fortifications et de sa tour, qui lui a donné son nom (πυργος), se perdre dans les ruelles le nez en l’air, pour admirer les balcons, les arcades et les murs ornementés, est un pur bonheur. Rien de factice ici, Pyrghi sonne juste, avec ce qu’il faut d’usure du temps, de laisser-aller et de modernisation pour le confort de ses habitants.

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Le contraste avec Mesta, ville-musée, jure désagréablement lorsque l’on passe de l’une à l’autre : Mesta ne paraît pas avoir subi les dommages, la corrosion, l’abrasion des siècles qui passent, mais garde indemnes son mur d’enceinte, ses tours trapues, ses maisons étroites aux si petites ouvertures, serrées les unes contre les autres, son unique place centrale dégagée vers laquelle convergent les venelles, ses passerelles, ses passages voûtés, tout l’attirail d’une architecture « sur le qui-vive », conçue pour résister aux assaillants et pour se déplacer furtivement sur les terrasses et les toits de pierre. Ce labyrinthe a été bien maladroitement retapé, restauré, nettoyé et ça hurle l’artifice. Mesta n’est plus qu’une vitrine bien léchée, très touristique, fabriquée pour faire jolie et attirer le chaland. L’envie de clouer au pilori le responsable de ce gâchis nous prend soudain, avant de fuir à toutes jambes pour des lieux moins dénaturés, tel Anavatos.

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 Anavatos, la grande rencontre, pour moi, de ce premier contact avec Chios ! Ce village byzantin tient son nom d’ανεβαινω = monter, car il est planté tout en haut d’un éperon rocheux, dans un paysage sauvage. On découvre lentement cette citadelle en grimpant une pente raide, cernée de falaises, dans un silence impressionnant. Il faut dire qu’il n’y a plus âme-qui-vive en ce lieu désolé, depuis un jour funeste de 1822, où les habitants se jetèrent du haut de leur kastro, lorsque les Turcs envahirent les lieux. La cité est abandonnée, les maisons tombent en ruine, les murailles se sont effondrées, les fresques de l’église ont été lavées par les pluies. Il n’y a plus rien à voir, et on se demande pourquoi on reste englué à ces vestiges. On arpente les chemins, l’unique rue encore pavée entre les murs écroulés, on va, on vire, on vient, on se pose sur les décombres du kastro en repensant à la force d’âme de ces villageois, on boit des yeux le panorama qui s’étend et on ressent un petit pincement au palpitant devant la tragédie humaine qui s’est déroulée là. Il y a bien une vague tentative de restauration, limitée par le manque de crédits et on s’en félicite sotto voce, tant il nous semble aberrant de toucher à ce site de mémoire. Ces ruines nous donnent la possibilité d’imaginer, de reconstruire mentalement tout un univers, de faire revivre à notre manière le quotidien des habitants et de redonner vie à un monde perdu, sans le trahir. Car inventer, c’est se souvenir * : « Il faut à l’édifice un passé dont on rêve », disait Hugo…

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*Giovanni Battista Piranèse, 1720-1778

 

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19 mai 2013

Chios, le gite, le couvert et plus si affinités…

Mais où crécher à Chios ? Pas deux avis conformes, entre les apôtres des Mastichochoria, les partisans des plages du Sud-est, les pragmatiques qui prêchent pour le Κάμπος et sa proximité avec la frénésie de Chios-ville, enfin les adeptes de Volissos, avec son rivage sablonneux. Rajoutons à la cacophonie : ne connaissant Chios ni des lèvres ni des dents, notre choix s’est arrêté sur un village de son axe médian, camp de base pertinent pour rayonner sur les deux versants de l’île. Bien nous a pris de faire fi du Routard et de son commentaire lapidaire : « Avgonyma, village dont les maisons-cubes ne respirent pas la joie de vivre… ». Ah bah évidemment, si vous préférez les nouvelles constructions anarchiques, sans caractère et sans histoire qui poussent comme des champignons à Vrontados, et le chahut tintamarresque de Chios-ville, Avgonyma vous paraîtra un peu rugueux.

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Et pourtant… même si les collines couvertes de pins ont énormément souffert des incendies d’août dernier, ce village du XIe siècle a tout gardé de son architecture médiévale : construites en pierres grises et blondes, les maisons modestes aux petites ouvertures, dessinent, enserrent des ruelles étroites sur un promontoire qui domine la côte Ouest jusqu’à la mer. Ici, vivent encore de vrais gens, des παππουδες déjà à l’ouzo quand nous n’en sommes encore qu’au café matinal, et des γιαγιαδες énergiques qui mènent leur petit monde au pas de charge ; pas de repeinturlurage, de restauration léchée (plaie de Chios, j’y reviendrai), d’attrape-touristes, de séduction mercantile. D’ailleurs, mis à part les deux tavernes qui accueillent  les locaux et les voyageurs, aucun magasin à Avgonyma. Le silence, le calme, la simplicité plutôt que la tentation de vider les poches du touriste dans une déco d’opérette (cf. Mesta).

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Je ne saurais trop vous recommander de confier votre séjour aux mains de Γιωργος (http://www.spitakia.gr), qui loue chambres, studios et maisonnettes et qui vous fait profiter de ses bons conseils : naturaliste dans l’âme, il peut vous accompagner sur les chemins pour vous faire découvrir son île de l’intérieur, vous indiquer la plage qui vous convient le mieux, les bons plans selon la saison…. Indifférents habituellement au petit-déjeuner, nous avons toutefois craqué pour ses marmelades maison de mirabelles et de figues, que l’on déguste avec le yaourt ou la brioche de Pâques. Et si vous êtres très sages, vous repartirez avec un pot de confiture de figues, concoctée par son épouse…. 

Restons d'ailleurs dans le domaine des papilles, avec quelques tables testées par nos soins :

Avgonyma : Ο Πύργος, bon rapport qualité prix, pratique quand on ne veut pas reprendre la route le soir. Quelques plats du jour selon l’inspiration, excellent briam et moussaka très légère, lapin stifado, et mastelo de Chios grillé sans modération.

Plus au Sud, à Lithi sur le port, Τα τρία αδέλφια : poissons et calmars bien frais, excellente salade avec du κρίταμο, goûté pour la première fois en Grèce (pas loin de nos salicornes), service souriant. Si vous êtes un met de choix pour les moustiques, venez pour le déjeuner uniquement… à l’issu du dîner, j’ai décompté 14 piqûres, dont 4 à travers mon jean… ces bestioles doivent s'être croisées avec des piranhas.

Encore plus au Sud, au port de Mesta, sur la droite en regardant la mer, au bout, Λιμενας Μεστων, une autre taverne les pieds dans l’eau, où s’attablaient des familles entières de Grecs à l'occasion du lundi de Pâques. L’un de nos meilleurs repas, poissons grillés savoureux, bons conseils du serveur qui a composé notre menu et… baklavas offerts en dessert.

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De l’autre côté, au Sud-est, à Emborios, de nouveau une taverne au raz des flots, Ποσειδών, à gauche. Nous n’avons pas suivi le Routard qui recommande Το Hφαίστει, à droite, notre oreille ayant perçu une dominante nettement plus grecque chez Poséidon. Bonne pioche. Simple, pas cher et copieux.

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Enfin, au Nord, dans la petite baie de Lagada, deux repas chez Ο Πασσας, la seule taverne qui débordait alors que les autres persistaient à rester vides, toujours des calmars et du poisson grillé, de la salade d’aubergines crémeuse, le tout servi par un petit jeune homme charmant qui parlait beaucoup mieux le français que moi, le grec…   encore de nets progrès à faire côté prononciation... graduation  !!!!!!!

 

16 mai 2013

Πασχα στην Χιο … et mise en bouche à Athènes

J’étais persuadée n’avoir jamais mis les semelles en Grèce durant les fêtes pascales, jusqu’à ce que πουλακι μου oppose à mes neurones fissurés un docte sourcil soulevé par une juste semonce : « T’as plus la lumière à tous les étages : t’as oublié qu’on t’a entendue râler à chaque repas pendant une semaine, lors de notre premier voyage, puisque Mademoiselle ne voulait pas toucher au délicieux agneau rôti, servi quotidiennement pour Pâques ? » J’ai tourné du groin, rappelé que ça datait comme mes robes et que des pintes de Mythos avaient coulé à flots depuis. Pourtant, sa juste remarque a aussi sec ravivé des images d’un Athènes déserté et d’une effective redondance culinaire ovinesque : il était grand temps de retrouver le vol de 13h d’Aegean.

Vingt ans après, ce sont les mêmes rues vides… à l’exception de Plaka, qui grouille comme une fourmilière. Á croire que tous ceux, qui ne rentrent pas dans leur village, se sont donnés rendez-vous là. Une cohue, une pagaille et du raffut. Notre endroit de prédilection* pour le premier ouzo des vacances over-déborde, ça parle haut et fort, on ajoute des fauteuils, les cercles d’amis s’élargissent, on s’interpelle bruyamment… et nous, on affiche un sourire béat tant nous sommes heureux de revoir un peu d’énergie et de joie dans une ville dévastée par la crise. Enquiller ensuite Οδος Τριποδων et Οδος Λυσιου tient de l’impossible car nous sommes happés à la sortie d’un office par une procession compacte dont nous mettrons de longues minutes à nous extirper… la ferveur religieuse semble monter. Notre taverne attitrée** n’accepte ce soir que les Grecs qui ont réservé à l’issue des cérémonies du Vendredi Saint et nous échouons à deux pas de là pour une solution de repli*** gustativement satisfaisante. Un fort parfum d’encens envahit soudain Οδος Μνησικλέους, des chants d’une infinie tristesse annoncent l’arrivée du Pope, de la Croix, des bannières, de l’icône et de l’Épitaphe, des fidèles et de leur cierge, qui remontent lentement la ruelle étroite. Le silence s’abat soudain, les orthodoxes se lèvent et se signent rapidement par trois fois sur son passage... le cortège s’éloigne, l’étau se desserre doucement…on respire à nouveau…

 

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Le lendemain, à Chios, dans le village d’Avgonyma où nous logeons, l’ambiance est plus à la fête, aux préparatifs du festin, à l’accueil des familles qui rentrent retrouver les leurs et à la finalisation du bûcher… cet amas de bois au-dessus duquel attend Judas, à qui on réserve un quart d’heure brûlant à la tombée de la nuit. Dès vingt heures, les chèvres (et non des agneaux mignons, heureuse île !) et leurs brochettes d’abats (Κοκορέτσι) prennent des couleurs, les enfants allument les premiers pétards, la place du village enfle et bruisse, l’ouzo rempli les verres… et une demi-heure après, le brasier s’enflamme, dévorant les bûches qui craquent, et le traître, dans un flamboiement dantesque.

 

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Petits et grands, nous sommes tous hypnotisés par le son et lumière pendant un long moment, troublé par les premiers coups de cloches qui appellent à la grand' messe de la Résurrection. L’église d’Avgonyma est bien modeste pour accueillir toute la foule endimanchée et nombre de croyants resteront massés aux portes, écoutant la voix du pope se déverser du haut-parleur. Mais les adolescents commencent à trouver le temps long et illuminent la nuit de feux d’artifice, de fusées colorées, de pétards sifflants, couvrant le prêche du Pope qui accélère et hausse le ton : ce combat du sacré et du païen tourne à l’avantage du religieux qui annonce la Résurrection à grand renfort de "Χριστός Aνέστη" et de cloches carillonnantes. Les cierges (λαμπαδες) s’allument de main en main, on se souhaite des "Χρόνια Πολλά", on s’embrasse et on essaie de garder son cierge allumé pour tracer, de retour à la maison, une croix au-dessus du linteau et allumer la mèche d’une veilleuse.

 

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On se retrouve tous alors à la taverne du village (Ο Πύργος) pour les agapes, rompant 40 jours de carême avec des assiettes de chèvres grillées. Sur les tables, des œufs peints en rouge, que l’on cogne contre celui du voisin, en espérant le garder intact, gage de chance, et des tranches de τσουρέκι, brioches de Pâques parfumées au zestes d’orange. La fête se termine très tard… et le lendemain, eh bien, on remet ça, et sur chaque pas de porte, le chef de famille arrose la chèvre entière qui tourne sur sa broche…

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* Diogenis (Διογένης), Πλατεία Λυσικράτους

** Taverna tou Psara (Ταβέρνα του Ψαρρά), Ερεχθέως 16

*** Taverna Sissifos (Ταβέρνα Σισυφος), Μνησικλέους 31

 

12 mai 2013

Chios, prélude au chaos de pierres

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Si vous êtes un peu à l’Ouest à la fin de ce copieux hiver, grincheux, grisâtre et tout grommelant, pointez votre boussole vers l’Est de la mer Égée, arrêtez-vous 8 kilomètres avant la côte turque et posez votre sac sur une île, qui tient à la fois des Ioniennes … et de l’Irlande. Voilà un patouillis inattendu, bien éloigné des clichés recuits, comme les maisons cubiques blanches, les coupoles bleues et les moulins chromos. Á Chios, vous allez vous manger du caillou, de la roche, du minéral, de l’austère, du médiéval, de la ruine, des paysages sauvages, battus par les vents et la pluie, même en mai. Si le thermomètre a grimpé jusqu’à 28° les 5 premiers jours du séjour, nous avons fini sous des baquets d’eau, avec 12° de moins. Et c’est certainement sous ce climat que nous l’avons le plus aimée. 

Chios est une vaste contrée de 842 km² (contre 96 km² pour Ithaque, à titre de comparaison), toute en longueur, divisée en trois parties bien marquées, à la fois par le sol et le développement économique : 

- au Sud, Chios est l’île du lentisque, du mastic, des villages fortifiés et cossus pour la sauvegarde de la précieuse résine

- au centre, la plaine fertile, les riches demeures des Gênois, les jardins d’agrumes, d’amandiers et de jasmin

- au Nord, la partie montagneuse chichement peuplée, un environnement stérile, des habitations modestes, une terre brute.

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Porte vers l’Asie Mineure, plaque tournante du commerce durant tout le Moyen-Âge, escale des voyages vers l’Orient, la situation stratégique et la production de mastic ont fait de Chios une île à part : ses occupants successifs (Byzantins, Gênois et Turcs) ont vite compris qu’ils avaient tout à gagner à lui laisser la bride sur le cou et une certaine autonomie, pour bénéficier ainsi de sa prospérité, de son essor économique et de l’exclusivité de la vente du mastic. C’est pourquoi Chios montre encore aujourd’hui les empreintes successives de ses « hôtes », une architecture riche, préservée et unique. Il faut attendre le XIXème siècle et ses calamités successives (massacre de la population par les Ottomans en réponse aux velléités d’indépendance des Grecs – 25 000 morts et 50 000 habitants vendus comme esclaves, sur une population totale de 100 000 personnes -, destruction des cultures et des arbres à agrumes par le gel en 1850, séisme dévastateur en 1881), pour voir sa suprématie décliner.

Chios est aujourd’hui peu fréquentée par les Français qui lui préfèrent les Cyclades, c’est bien dommage : et la découvrir au moment de la Pâques orthodoxe, croyez-moi, c’est quelque chose !

 

3 février 2013

Ménélas Rebétiko Rapsodie, au Grand Parquet : monologue poignant d’un monarque brisé

Menelas_rebetiko_rapsodie_portrait_w193Ménélas n’a pas bonne presse : coincé entre son frère Agamemnon et les héros Achille ou Ulysse, le pauvre bougre en porte lourd sur la tête, raillé dans toutes les mémoires par Offenbach :

« Je suis l’époux de la reine, poux de la reine, poux de la reine : le roi Ménélas.  Je crains bien qu’un jour Hélène, qu’un jour Hélène, qu’un jour Hélène, je le dis tout bas, ne me fasse de la peine, n’anticipons pas. »

Comment dire… l’image du roi de Sparte, valeureux, batailleur et sans tâche prend un sérieux tampon : cocu brocardé, benêt trop confiant, la gaudriole en berne, le pauvre gars n’a eu, dans La Belle Hélène que ce qu’il méritait, la fuite de sa femme sous les quolibets goguenards. On se demandait donc ce que Simon Abkarian, formé au Théâtre du Soleil, à tu et à toi avec Shakespeare, Euripide et Eschyle, allait chercher chez ce mari bafoué. La présence à ses côtés, sur scène, d’un joueur de bouzouki et d’un guitariste grecs, augurait d’un mélange suffisamment insolite pour foncer vers la gare du Nord. Pour ceux qui l’ignorent, le Grand Parquet tient de la roulotte, du cabaret d’un soir, d’une salle éphémère aux murs de bois, tendue de toile, où l’on s’entasse sur des quasi bancs bien durs (fesses callipyges recommandées) dans un joyeux bordel. Fi des constipés, le spectacle pouvait commencer.

La scène a tout de la taverne :  une table, trois chaises, des verres épais et des petites flasques d’ouzo, éclairés par une guirlande de loupiottes, deux musiciens qui tirent en vrai sur d’authentiques clopes (pas de doute, nous sommes bien dans le XVIIIème un peu fumeux) en effleurant leurs cordes. Arrive un homme tiré à quatre épingles, le cheveu noir gominé, mais courbé, cassé, le regard balayant le sol, qui s’affaisse sur la dernière chaise, à leur côté. C’est Ménélas, à mille lieux de sa caricature, qui nous rappelle en même temps, tout de même furieusement, de par son physique, la stature et le rôle, la marionnette traditionnelle et populaire Karagheuz. Car durant une heure et demie, cet homme va parler d’amour, d’amour fou, comme un illuminé, un enragé, un être rongé, détruit par le plus violent poison qui soit. Ménélas vomit sa douleur, hurle son désespoir, maudit l’infidèle, l’insulte, foule aux pieds son souvenir. Et puis, de cette tragédie, émane aussi telle une onde furtive, une infinie douceur, l’évocation des jours radieux, un bonheur limpide et simple, la joie d’avoir été choisi par Hélène entre tous. Abkarian brise en deux ce roi, qui devient son propre contradicteur, oscillant entre la soif guerrière de vengeance dans une violence sans limites et son penchant naturel pour la vie, les plaisirs, la danse. Le verbe est rude, âpre, cru, et parcourt toute la gamme du tourment amoureux, du crachat à la supplique. Ménélas passe de l’acide sur ses plaies ouvertes en imaginant les ébats de sa femelle et du troyen, dans les détails les plus salés. Le public se défait alors en même temps que cet homme à terre, les yeux écarquillés devant ces visions exacerbées terrifiantes. Qu’importe que cet homme dément soit roi de Sparte ;  cet abîme où il sombre est celui au bord duquel chacun déambule.

Pas étonnant que la prose d’Abkarian se mêle au chant des rues, à la mélancolie du bouzouki, aux plaintes grinçantes du rebétiko. La passion d’un homme pour une femme qui l’a quitté redevient contemporaine, et on ne sait plus qui danse, qui tournoie sur scène, souple et gracieux, un monarque guerrier ou un pauvre bougre largué du Pirée. On en demanderait d’ailleurs bien davantage côté musique, envouté par la voix de Grigoris Vasilas, qui malmène aussi son Ελενη, en écorchant ses cordes.

Et l’on voudrait que cela dure longtemps encore, pour s’émerveiller de ces rois tombés à genoux, de ces hommes qui dansent et chantent entre eux, sans honte de leurs larmes, comme des rhapsodes d’un autre temps.

 

29 janvier 2013

Pays Natal, théâtre des Amandiers

theatreCréation collective librement inspirée des œuvres de Dimitris Dimitriadis : Léthé et Nous et les Grecs

Πουλακι μου a fait preuve de sagacité en m’envoyant à Nanterre : j’appréhendais un spectacle lisse sur la Grèce d’aujourd’hui, le discours bien huilé rebattu, la dette, la crise, l’Europe, les banquiers, la spéculation, les affreux politiciens qui se repaissent sur le dos du gentil peuple innocent, bref, les raccourcis confortables et stériles qui n’expliquent rien et qui m’avaient beaucoup irritée dans Khaos. Mais magie du théâtre, de la mise en place de scènes qui font sens, de la réflexion qui émerge peu à peu du magma, je suis sortie toute requinquée après cette heure et demie de spectacle, passée avec quatre jeunes comédiens (deux d’entre eux sont nés et ont grandi en Grèce) pertinents et subtiles.

Aucune velléité de coller comme des sangsues à l’actualité, d’enfiler des évidences, de jouer les apprentis sociologues, de faire pleurer Margot, les acteurs posent la bonne question, celle de l’identité, « qu’est-ce qu’être grec aujourd’hui ? ». Et si cette crise économique, sociale, politique était avant tout une crise historique, une crise philosophique, celle d’un pays entravé par un passé considérable, arrivé dans une impasse parce qu’il n’a pas su se réinventer ? 

Les acteurs entremêlent leurs expériences, leurs regards, leurs préjugés aussi sur leurs pays respectifs, dans une suite de saynètes, de sketchs, qui oscillent entre le grave et le burlesque, l’émotion et le rire. Décor minimaliste, accessoires symboliques, projection de photos et de vidéos sur le fond de scène, pas besoin de plus pour se retrouver à Syntagma, papoter avec un Evzone silencieux, couvrir les manifestations des Indignés, visiter le Parthénon, écouter les doléances d’un marchand de souvenirs, suivre un cours d’économie avec un financier qui déraille et se heurter aux fonctionnaires corrompus. Chaque pays en prend pour son grade, ça grince gentiment, avec taquinerie et sans mépris quand soudain, le fauteuil semble moins confortable : les deux acteurs grecs appuient là où ça fait mal, raccrochent, l’espace de quelques répliques rapides, avec l’actualité la plus sombre et le quotidien d’un peuple qui endure l’insupportable.

Et puis, pour nourrir ces jeux de réparties, ces tranches de vie bien senties, pour les sortir de leur caractère « anecdotique », les comédiens portent les textes poétiques de Dimitris Dimitriatis, dramaturge et traducteur né à Thessalonique en 1944, qui, comble de l’ironie pour un pays nanti d’un tel passé historique, prône l’oubli comme seul facteur possible d’évolution. La ligne mélodique du spectacle devient alors plus lyrique, plus profonde et laisse entrevoir un autre champ du possible, un renouveau là où on ne l’attendait pas :

« Nous, habitants de cette région géographique, n’avons que le droit de regarder les Grecs comme si nous leur étions étrangers.

Les regarder comme s’ils étaient des étrangers.

Nous-mêmes comme des non-Grecs.

Considérés comme des non-Grecs, que sommes-nous?

Des habitants d’une région géographique, jadis habitée par des gens qui avaient essayé de devenir quelque chose. Leurs efforts et ses fruits les avaient rendus Grecs.

Nous ne faisons aucun effort similaire. Parce que nous croyons que nous sommes Grecs.

Nous ne sommes pas Grecs. Nous ne sommes Rien.

Seule cette certitude produit de l’énergie, motive, pousse à l’effort d’arriver au but.

…Dans ce Rien l’annonce la plus réjouissante est prononcée, l’unique réelle annonciation.

Que dit-elle?

Elle dit: Voilà le vrai départ, en route, tout est possible, dépiégez-vous, désengagez-vous, osez le dégagement des mensonges et des masques, n’ayez pas peur, il y a aussi d’autres personnes et d’autres narrations, passez des stéréotypes à la boue brute, du regard glacial au regard plongé dans l’abîme. Formez le feu.

Terrible exigence.

Elle demande de la créativité.

Du risque. De l’audace.

Elle demande de la vie. »

En juin 2012, dans les colonnes du Monde, la voix singulière de Dimitris Dimitriatis s’était désolidarisée des analyses convenues en scrutant l’évolution de son pays et en appelant à « un sursaut moral profond » : système politique clientéliste hérité de l’occupation ottomane, main mise des deux partis dominants sur l’État et ses richesses, corruption généralisée… « C’est tout cela qui me fait dire que le pays est déjà mort, et qu’il faut l’accepter : tout balayer, pour recommencer depuis le début. C’est cela, la conscience historique ». Dimitriatis n’a pas dû se faire que des amis lorsqu’il assène : « je me dis que les Européens ont raison de vouloir frapper le pays. Il m’arrive de penser qu’il ne faut pas qu’ils aient pitié, parce que vraiment, il faut le dire, le peuple grec aussi est coupable : il a vécu dans une facilité et une frivolité le conduisant à accepter tous les arrangements. »

En écoutant les quatre comédiens relayer la position de l’écrivain, le public français comprend très bien que ce constat sévère dépasse largement les frontières de la Grèce : la fin d’un cycle historique englobe toute l’Europe, la crise économique et politique n’étant que la partie visible d’une civilisation en train de disparaître au profit d’autres, plus jeunes, plus innovantes, plus audacieuses. Le rétablissement d’une certaine prospérité, la restauration de la situation antérieure à 2008 ne serait pour lui qu’un retour en arrière faussement confortable qui ne ferait que nous berner : une Nuit du Quatre Août est préférable à une stagnation, aux réflexes d’autoprotection d’un peuple « condamné à n’être que le répétiteur passif de stéréotypes, exclu par lui-même de l’effort qui conduit un peuple à se créer lui-même … il vit dans l’illusion historique d’une immortalité immuable, et il en meurt. ». 

Pays le plus meurtri de l’Europe, La Grèce pourrait alors être le berceau d’une toute nouvelle civilisation, détachée de ses mauvaises habitudes amorales et consuméristes du XXème siècle : la crise comme point de départ, comme renouveau, prise de conscience d’une nouvelle humanité.

 

2 novembre 2012

Khaos, les visages humains de la crise grecque…. le degré zéro de l’analyse.

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J’ai un souci avec ce documentaire. J’ai longtemps attendu de faire ce post, prenant la température, écoutant les spectateurs à la sortie, questionnant autour de moi ceux qui vivent depuis 20 ans entre Athènes et Paris et dont les avis, argumentés et réfléchis me semblaient nécessaires pour ratifier ou invalider mes impressions.

Khaos, est un reportage d’une heure et demie, réalisé par la franco-roumaine Ana Dumitrescu, lors de trois voyages en Grèce, effectués entre janvier et mai 2012. Á Athènes, en Thessalie, sur l’île de Kéa, elle recueille la parole des laissés pour compte de la crise économique, sociale et politique, qui vivent au quotidien les décisions insensées et contreproductives de la Troïka (FMI, BCE et UE) : paupérisation extrême, désespoir profond, avenir condamné. Les sacrifices démesurés imposés au peuple par ces créanciers, les purges budgétaires, la dérèglementation du travail, la perte de souveraineté, l’effondrement de la demande intérieure dû au chômage record, plongent le peuple dans un temps de désolation, de misère et de dépression. Ana Dumitrescu saisit avec sa camera les histoires, le quotidien des Grecs qui ont vu leur monde s’écrouler en quelques années.

La démarche est bien évidemment louable. Même si les gens qui aiment ce pays vont régulièrement y prendre eux-mêmes la température, savent aller chercher l’information et suivent très régulièrement grâce au Net, aux blogs des expats, aux sites économiques et aux journaux (comme Courrier International, Le Monde Diplo…) l’évolution de la crise, il est toujours plus percutant de donner des visages et une voix à la souffrance, pour marquer les esprits, diffuser large et éveiller les consciences. Est-ce cependant suffisant ?

Comme la réalisatrice n’est pas grecque, qu’elle est en fait restée très peu de temps sur place et qu’il lui fallait un passeur pour appréhender le pays et les gens, elle s’est associée au blogueur grec Panagiotis Grigoriou, qui intervient dans ce « road-movie » pour faire le lien entre les témoignages. Mais quand on se présente comme une journaliste, cela implique OBLIGATOIREMENT des responsabilités, un point de vue, une mise en perspective. Il ne suffit pas d’aligner 90 minutes de trop courts entretiens, morcelés, mal montés, pour donner du sens. Or, Khaos n’est qu’un constat passif et hélas bâclé, certes humainement déchirant, qui se disperse sans fil directeur, à en devenir presque anecdotique. Comment peut-on parler de la crise grecque en passant sous silence le rôle de l’église orthodoxe ? Ana Dumitrescu se contente de 25 secondes avec un pope, qui annonce froidement que tant qu’on a Dieu dans son cœur, tout va bien (à peu de choses près). Cette séquence n’aurait de signification que si on la mettait en parallèle avec le statut du clergé grec qu’il faut rappeler, ses prérogatives et ses passe-droits, les récents scandales de corruption. Et, ici, rien de tout cela, hop, on passe vite à un autre portrait.

On entend presque tous les intervenants tenir des propos évidemment très critiques vis-à-vis de la classe politique et des élus. On se dit qu’on se rapproche alors du cœur du problème et que Dumitrescu va faire son boulot d’approfondissement en insistant sur cette relation ou plutôt non relation, que les Grecs entretiennent avec leurs représentants, cette défiance s’expliquant en partie par leur histoire *. Dans le supplément livres de Libération, Vassilis Alexakis demande d’ailleurs qu’on appréhende la crise de son pays avec une lecture philosophique, et non comptable, et que le mode de vie consumériste de l’Europe ne pouvait pas fonctionner en Grèce, au regard de ce qu’elle est, foncièrement. Mais Dumitrescu préfère enchaîner les « micro-trottoirs » décousus plutôt que de creuser sur ce qui a façonné la Grèce d’aujourd’hui et a engendré « l’homo hellenicus » du XXIème siècle.

Aligner à l’écran une tentative de suicide en direct, le dénuement extrême, le désespoir profond, la faim, les larmes, la tentation de l’exil, la montée des fachos, me gêne, quand ces images ne sont pas éclairées par le recul et la réflexion. Les images « chocs », données brut de décoffrage dans leur crudité « morbide » n’ont jamais changé le monde. Elles permettent juste à leur auteur de se faire remarquer. Cette vision très parcellaire de la crise grecque ne peut à mon avis pas fonctionner seule du tout, si on souhaite toucher le spectateur au-delà de l’épiderme, de son empathie première et le faire s'interroger. Jouer uniquement sur l’émotion ou la colère, donner la parole à l’indéboulonnable Manolis Glezos, qui vous explique la crise en trois points à grand coup de « ya ka, fo kon », c’est refuser de se poser des questions sans doute moins confortables, de dépasser les lieux communs rassurants, les théories de complot organisé qui dédouane des responsabilités. Et c’est aussi fermer la porte à toute sortie de crise.

En sortant du film, j’ai entendu la remarque d’une spectatrice qui n’avait pas adhéré non plus aux choix de la réalisatrice : « Il sert à quoi son film ? On le sait que les Grecs crèvent à petit feu, mais on ne sait toujours pas, pourquoi ! ». Tout est dit.

 

* Quatre siècles d’occupation turque, mise en place à la tête du jeune état indépendant d’hommes de paille des grandes puissances (un Russe, un Bavarois, un Danois), la déroute en Asie Mineure, main mise des États-Unis sur le pays après la guerre, régime des Colonels et enfin la tentation européenne avec le résultat que l’on connaît

 

29 octobre 2012

Si tu ne viens pas à Athènes, c’est Athènes qui viendra à toi !

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Haroula, Dimitra mais aussi Hadjidakis, Loizos, Theodorakis….

On peut toujours compter sur les trois μοϊρα pour vous retourner le destin : alors qu’on partait pour un dimanche frigo (2° à 08 h 30 !) - écharpes et gants ressortis des armoires -, saturé d’infos du monde dépressives au possible, avec pour seul horizon ce mois de novembre où il fait nuit à 17h30 (en breton, on le traduit par « Du », qui veut dire aussi « noir », le mois sombre), deux places providentielles pour l’Olympia nous ont ramenés en Grèce, le jour de la grande fête du NON (το oχι), pour le concert d’Haris Alexiou et Dimitra Galani.

Barrière de la langue oblige, les Français connaissent très peu les grandes voix de la chanson grecque, à l’exception d’Angélique Ionatos, qui fait partie depuis près de quarante ans de notre paysage immédiat (et qui ne semble en revanche pas très connue dans son propre pays d’origine). Au mieux, Alexiou et Dalaras, parfois Eleftheria Arvanitaki, et puis c’est tout (résultats issus d’un petit sondage perso). Si πουλάκι μου n’avait pas pris en main mon éducation musicale grecque, j’afficherais assurément les mêmes lacunes.

Les travées de l’Olympia accueillaient donc un public aux trois quarts grec ou au moins hellénophone, mais de tous âges, déjà au taquet, disposé à faire la fête, le verbe haut, la belle humeur contagieuse. Habituée aux salles de spectacles depuis longtemps, je pense pourtant avoir assisté à un de mes concerts les plus barrés. Haris Alexiou et Dimitra Galani affichent au compteur 62 ans chacune, leur répertoire ressemble assez peu à des chansons pop rock et cependant, l’ambiance dans la salle était incroyable ! Contrairement aux Parisiens poseurs blasés, raides du balai vissé dans leur fondement, déjà fatigués de devoir applaudir avant le premier titre, les Grecs vivent la rencontre, chantent à la première chanson, tapent dans les mains, réagissent dès la seconde note, se lèvent s’ils en ressentent le besoin pour manifester leur bonheur, saluent une phrase du texte qui les touche par une salve d’applaudissements spontanés et surtout… ils dansent ! Pendant le Αποψε θελω να πιω d’Haroula, ma voisine de droite, jeune fille d’à peine vingt printemps, s’est levée de son fauteuil pour un zeibekiko gracieux, circulaire et ondulant, totalement absorbée par la musique et la voix. Á côté de la console de son, d’autres filles, entre 25 et 65 ans, tournaient lentement aussi, bras levés, comme un Zorba hypnotisé par le sandouri. Le public se sent libre de ressentir avec tout son corps la musique, de faire totalement abstraction des autres, de se laisser aller aux sensations et d’exprimer par la danse leurs émotions. L’ambiance dans la mezzanine était, il est vrai, bien plus débridée qu’au parterre, où les huiles et les sommités se devaient de modérer leur naturel tapageur. 

Nos deux chanteuses vibraient elles aussi d’énergie, de chaleur, communiant avec un public tout acquis, comme un peuple suivrait ses prêtresses. Haris Alexiou et Dimitra Galani ne chantent pas seulement avec des voix fabuleuses mais avec leurs âmes, donnent sans compter, sans tricher, comme le dernier privilège qui leur serait octroyé. Durant deux heures et demi, elles passent en revue, chacune leur tour, puis en duo, leurs grands succès mais aussi les chansons traditionnelles, qu’elles entonnaient à leur début dans les rades de Plaka ; le rythme s’accélère alors, les Grecs se déchaînent, ça chante à plein poumon, le bouzouki fume, le violon s’envole, nous ne sommes plus à Paris, on est à Athènes. Avec courtoisie, Haris et Dimitra communiqueront aussi en français avec nous (même si on enrage de ne pas comprendre les plaisanteries, les private joke, les remarques affectueuses, ces tonneaux de tendresse qu’elles déversent sur leurs compatriotes transportés) pour nous rappeler pourquoi la Grèce reste la terre de la beauté, qu’elle est immuable et qu’il faut toujours l’aimer …

 

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