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Le Présent Défini
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9 octobre 2014

Santorin, l’île qui renaît toujours de ses cendres – Akrotiri "dé-lavée"

Certains visiteurs posent le pied à Santorin avec la même émotion qu’ils ressentiraient à fouler le sol lunaire : l’île n’en est pas une, elle est une mémoire géologique, un marque-temps, un site issu des entrailles de la terre en colère, multiforme, instable et éphémère*. Plusieurs volcans sous-marins ont fait et défait Santorin, dans une succession ininterrompue d’éruptions ; à chacune d’elles, les volcans s’effondrèrent avant de se réédifier de nouveau, créant à chaque explosion une gigantesque dépression centrale, un cratère, une caldeira ; aujourd’hui, les parois de la caldeira, à demi-immergée, surgissent à 385 mètres au-dessus de la mer, et plongent d’autant sous l’eau. Santorin a plusieurs fois changé de visage, suivant les caprices et les ardeurs de ses volcans : d’un seul tenant, en plusieurs morceaux, ronde ou en croissant, agrémentée d’îlots, de cônes volcaniques brièvement surgis des eaux avant de replonger, elle reste turbulente, traversée de secousses et d’activités sismiques sous-marines.

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En 1630 av J.-C.**, le grand cataclysme a lieu ; l’éruption dantesque, biblique, envoie des panaches de scories à 35 km au-dessus de l’île, arrose la Méditerranée de cendres, engendre raz-de-marée et catastrophe climatique. On a longtemps lié le déclin de la civilisation minoenne à cette éruption apocalyptique. Une plus fine datation du désastre met à mal ce raccourci bien séduisant et l’éloigne de deux cent ans de la destruction et l’abandon des palais crétois, estimés vers 1450 av J.-C.

Cette effroyable éruption détruisit toute vie sur Santorin mais permit aussi de nous léguer un témoignage exceptionnel de la vie sur l’île, à l’âge du bronze : une ville entière, prospère, organisée, hiérarchisée, dotée d’infrastructures de haut niveau, dormait sous 15 mètres de cendres. On ignore son nom, on la désigne par celui du village voisin actuel. Même si le site n’a rien à voir avec Pompei, malgré ce que l’on peut lire, le site d’Akrotiri est particulièrement émouvant. Les archéologues n’ont retrouvé aucun corps ni aucun objet de valeur, ce qui laisse présager plusieurs séismes annonciateurs de la catastrophe, qui firent fuir les habitants vers des abris de fortune.  Sur les 20 000 mètres ² estimés de la cité, construite sur une petite plaine du Sud abritée des vents et dotée de deux ports naturels, seule la moitié a été fouillée. Le site révèle un ensemble de bâtiments pour certains dotés encore de leurs étages, des ruelles dallées, des places publiques, des édifices religieux, administratifs, des demeures particulières cubiques, un système d’évacuation des eaux usées, des magasins, des jarres et des poteries. Les hauts bâtiments aux façades en pierre de taille sont appelés xestes (taillés) et rappellent par leur volume, le nombre de leurs pièces, les bassins de purification, les agencements internes des chambres et leurs peintures murales, les palais crétois.

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Akrotiri soulève d’ailleurs plus de questions qu’il ne donne de réponses, quant à ses relations avec la civilisation minoenne : on ignore si la ville était habitée par des colons crétois ou bien si les habitants ont adopté, par imitation culturelle, certaines des habitudes des Minoens, artistiques, religieuses et administratives. Les chercheurs s’accordent tous sur une profonde influence crétoise et avancent la possibilité de familles puissantes, qui auraient pu servir les intérêts crétois dans un avant-poste cycladique***. Les peintures murales qui ornaient certaines chambres ont bien évidemment été déposées pour des soucis de conservation et sont visibles au musée de Fira. On est époustouflé par l’élégance de ces peintures, leur finesse, leur délicatesse : corps sveltes et racés, chevelures travaillées, costumes féminins audacieux mais aussi par une représentation étonnante de la nature. Lys, papyrus, antilopes, singes bleus, hirondelles, tout vibre, respire, bouge en liberté. Rien de figé, de normalisé dans ces peintures aux couleurs vives, riches de mille détails, inventives et expressives. Il serait vraiment dommage de faire l’impasse sur le site et le musée car ces fresques en disent long sur le tempérament, le caractère des habitants d’Akrotiri, sur leur quotidien, leur goût pour les arts, la beauté et leur cadre de vie.

A D

C

*Rappelons que certains voient en Santorin, la mythique Atlantide de Platon (après tout, les bretons ont bien leur Kêr-Ys, qu’on veut voir au large de Douarnenez ou dans la baie des Trépassés, selon les chapelles)

** Á peu près…

*** Pour en savoir plus : Art et Religion à Théra, Nanno Marinatos, Éditions Souanis (traduction française un peu fantaisiste).

 

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3 octobre 2014

Mode de survie à Santorin

Si vraiment vous tenez à passer par Santorin, malgré toutes les réserves évoquées précédemment, il est possible de quitter l’autoroute balisée (Fira, Oia, Red Beach) et de mettre à son emploi du temps un peu plus de Grèce, en suivant d’autres chemins  … enfin, si on n’est pas trop regardant.

Contrairement à nombre d’îles, les plages de Santorin ne laissent aucun souvenir éternel ; elles sont toutes du même acabit, tapissées de transats collés-serrés,  bordées de tavernes et de bars à fort potentiel de décibels, qui nourrissent et abreuvent les clients, sous leurs parasols : imaginez l’état vers 19h, lorsque les gobelets de Frappés et les bouteilles de Mythos s’entassent… Kamari, Perivolos, Périssa sont aussi noires de monde que leur sable volcanique et leurs eaux souffrent de cette sur-fréquentation*. Si vous êtes motorisés, tentez Vlychada ou Monolithos, moins bien desservies par les bus mais plus tranquilles.

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Les villages de l’intérieur permettent de retrouver un peu de calme, loin du bourdonnement continuel de la caldeira. Pyrgos, Akrotiri, Mégalochori méritent le détour, beaucoup plus sereins et moins trafiqués. Vous aimerez certainement, mais nous avons vu tant de villages à fort caractère dans les Cyclades ou les Ioniennes, tant d’endroits piquants, en relief, dotés d’une âme, que nous sommes devenus très difficiles. Disons qu’on y retrouve un peu de saveurs**, c’est déjà pas si mal.

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Même côté assiette, Santorin ne m’a laissé aucun souvenir fort. Je ne parle même pas en matière gustative, mais un repas dans une taverne grecque est toujours un moment d’échange avec les patrons, les voisins de table, on s’enquiert du plat du jour, des spécialités, du fromage local, on finit souvent dans les cuisines quand la craie sur l’ardoise rend les plats grec illisibles. Á Fira, c’est l’usine, il faut réserver sa table même à 23h, tant le monde défile, défile, défile. On sent le stress des serveurs, les tensions d’un service ultra-speed, le patron rompu au business et plus aucune de ces gentilles attentions de fin de repas que tous les visiteurs apprécient dans les tavernes (fruits, douceurs, petites parts de gâteaux, baklava…) : vous n’êtes pas un hôte, juste un client. Évitez donc tout ce qui s’est construit sur la caldeira et préférez des tables ou des cafés sans doute moins bien situés, mais qui ne facturent pas d’abord la vue au prix fort, sans se soucier de ce qu’ils mettent sur la table. Á titre de comparaison, un ouzo et un mojito coûtent 17 euros à Santorin, 10 euros à Paros et 9 euros à Folégandros… prévoyez large côté budget.

En relisant ces lignes, je me dis que je ne donne décidément aucune raison valable de venir à Santorin***. Il y en a pourtant une de taille, si vous aimez les histoires, les vieilles pierres et les mythes. Il s’agit du site d’Akrotiri. Le prochain post vous dira pourquoi il est incontournable….

 

* J’ai quitté Santorin sous antihistaminique et tartinée de pommade, suite à des bactéries contractées à Périssa. D’accord, je sur-réagis volontiers aux agressions cutanées mais notre gentille logeuse n’a pas été étonnée de voir mes avant-bras couverts de boutons…

** Même si aucune comparaison n’est possible avec les villages de Chios ou de Tinos

*** Que l’on cesse de nous vanter le coucher de soleil sur la caldeira ! La Concorde à l’heure de pointe, vous voyez ce que je veux dire ? Et pour un coucher de soleil, certes graphique, mais qui n’a rien de vraiment particulier. J’ai choisi, pour illustrer l’album photo de Paros, le ciel de notre arrivée vers 19h30, le long du quai. Ça, ça a de l’allure, comparez !

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30 septembre 2014

Santorin prend l'eau...

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L’île la plus mythique de la mer Égée fut ma porte d’entrée pour les Cyclades il y a une décennie. Comme tous ceux qui ont posé leurs pieds sur son sol, je fus éblouie, émerveillée, fascinée par sa splendeur. Je grinçais déjà un peu les molaires devant une exploitation touristique que je trouvais excessive, mais la magie était là, je cessais de maugréer dès que les gros navires de croisière levaient l’ancre et que le calme revenait à la tombée du jour. Même le coucher du soleil se faisait alors dans la sérénité, en cette mi-juin 2003.

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Aujourd’hui, l’île ouvre bien grand les bras au Yuan et au Rouble, se gave d’un déferlement de touristes irraisonné, s’engraisse de revenus douteux et accepte des comportements triviaux. Nul besoin d’un volcan pour anéantir de nouveau Santorin, l’appât du gain s’en est chargé. Une marée humaine grouillante, une masse compacte, une cohue débordante, un flux ininterrompu de visiteurs a pris possession des lieux, qui suffoquent sous l’envahissement. Que ce soit à 10 heures du matin ou à 23 heures, les ruelles de Fira et d’Oia sont engorgées de visiteurs débarqués par cars entiers, d’agences russes et chinoises. Entendre parler grec à Santorin devient une curiosité. Je sais que tout un chacun est en droit de venir admirer la beauté du site, mais Santorin n’est pas taillée pour amortir cette soudaine surdensité humaine au mètre carré. D’autant - j’assume le propos -, que ces nouveaux visiteurs ne surgissent pas forcément pour de bonnes raisons. Santorin est devenue the place to be, l’île où l’on vient se montrer, s’exposer, s’exhiber, se photographier, se marier. Son histoire, son mythe, ses sites archéologiques ne les intéressent en rien (sur le magnifique site d’Akrotiri, nous n’avons croisé que des Européens…). Conséquences de cette arrivée massive, une flambée des prix, des chambres prises d’assaut, une prolifération de boutiques de luxe, des eaux de baignade pas toujours très propres, des restaurateurs peu scrupuleux*, des vendeurs agressifs et l’inobservance des règles d’hospitalité, pourtant inhérentes à la Grèce.

Volontairement, je ne conseillerai aucune adresse à Santorin**. Parce que Santorin n’est pas la Grèce, comme Venise n’est pas l’Italie. Ce sont des enclaves à part, des territoires désormais vendus au seul rendement financier, où des comportements de requins mettent en péril la préservation d’un patrimoine exceptionnel et l’équilibre d’un écosystème fragile***. Comme Venise se cache parfois sous ses eaux pour ne plus voir les paquebots géants esquinter sa lagune, Santorin pourrait bien un jour en avoir assez de porter sur son dos sa couche de béton toujours plus vaste : le dernier séisme date de 1956…

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* Éviter à tout prix le Café Classico, à Fira, en guise d'ouzo, un alcool frelaté.

** A contrario, je tiens à souligner l’extrême gentillesse de notre logeuse et de sa fille, qui tiennent cinq petites chambres toutes simples, dans une ruelle qui descend en contrebas de la cathédrale orthodoxe : Rooms Sofi.

 *** Santorin ne possède aucune réserve d'eau, on désalinise à tour de bras. Gestion des eaux usées ?

 

26 septembre 2014

Septembre 2014 en Grèce

Après la douche corfiote (dans les deux sens du terme), quelles aventures allait nous réserver ce nouveau périple grec ? Nous sommes cette année partis en septembre et non en juin, à l’arrache, le projet initial tombé à l’eau pour cause de copieux merdier administratif kafkaïen (merci aux proches qui ont suivi la chose de m’avoir supportée). Plutôt que de passer les deux semaines dans deux îles différentes - comme c’est notre usage en été -, faute de temps pour bien combiner les ferries moins nombreux en septembre, nous avons fractionné nos 16 jours en sauts de puce, privilégiant des lieux certifiés ravissement prévu, avant de découvrir en fin de séjour une nouvelle Cyclade.

Le programme fut donc le suivant :

-         Athènes (deux jours)

-         Santorin (quatre jours)

-         Paros (quatre jours)

-         Folégandros (cinq jours prévus, quatre en réalité suite à un souci de ferry)

-         Athènes (un jour prévu, deux jours en fait)

Athènes, c’est comme un parfum qui agresse à l’ouverture du flacon, on trouve ses fragrances trop fortes, trop marquées, difficilement respirables ; pourtant, on y revient d’abord de loin, parce qu’on a jamais rien senti de pareil, on se familiarise avec son mélange de déliquescence et d’énergie, et sans s’en rendre compte, on est addict, pris dans ses rets. L’aversion première est devenue attirance, affinité, fascination. Si fort que j’aime les îles, si nombreuses et intenses sont les émotions que je peux y ressentir, Athènes demeure une source de profonde exaltation. Alors nous y passons de plus en plus de temps, ébahis par son bouillonnement permanant de vitalité contagieuse. Athènes a pour moi cette capacité à me remettre d’aplomb, à m’inoculer immédiatement enthousiasme et belle humeur. Peu de villes d’Europe peuvent prétendre à ce potentiel.

Cette mise en bouche athénienne devait donc ouvrir la voie à un festival perpétuel d’allégresse, heureux que nous étions de notre emploi du temps à venir, que l’on pourrait à posteriori cependant résumer ainsi :

-         revoir Santorin et s’enfuir (loin, mais alors très loin...)

-         revoir Paros et ne plus vouloir en partir

-         voir Folégandros et mourir

Deux sur trois, c’est plutôt un bon bilan. Je consacrerai à chaque île les pages qui lui sont dues, aux tonalités bien évidemment très différentes ; rouge colère pour Santorin, bleu azur pour Paros et toutes les nuances de l’amour pour Folégandros, qui a su détrôner Amorgos, juchée depuis de nombreuses années sur la première place des plus belles îles de Grèce, selon ma sensibilité toute personnelle. Et si cela ce n’est pas un tour de force…

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 Kouros du musée du cimetière du Céramique... n'est-il pas magnifique ?

 

1 septembre 2014

Le Cercle des chats disparus...

9782848050140_1_75Les Sept Vies des chats d’Athènes (Οι Εφταψυχες των Αθηνων), roman de Takis Théodoropoulos

Éditions Sabine Wespieser, 2003

Voilà de quoi faire patienter ceux qui ne retourneront en Grèce, que lorsque les autres en seront rentrés. En attendant Athènes dans six jours (croix matinale sur le calendrier, comme le trouffion qui attend la quille), pour en retrouver la saveur et le caractère, voici un court récit qui philosophe un peu, se moque beaucoup et déraille énormément.

Si les Égyptiens et les Hindous donnent au chat neuf vies, les Grecs lui accordent sept âmes. Le chat efflanqué, le greffier solitaire, le félin errant, relèvent du nécessaire et de l’inévitable dans les rues d’Athènes ; car contrairement au matou châtré et obèse qui ronronne sur les cousins cossus de ses maîtres, «aussi longtemps que vivra le dernier chat de gouttière, rien ne sera perdu, l’esprit antique restera vivant et ne périra point ». Le Cercle des sept-âmes, assemblée de dames sur le retour, souvent veuves et un peu frustrées, dominé par un président érudit, spirituel et séducteur à ses heures, s’est donné la mission de défendre la présence des vagabonds à poil dans les cités européennes, mais surtout et d’abord à Athènes ; car ces vaillantes initiées et leur mentor sont convaincus que les chats de gouttière sont les nobles réincarnations des philosophes antiques, « qui errent parmi nous, drainant leur vérité ». Pour déchiffrer les mouvements et desseins de ces félins, les membres du Cercle ont découpé Athènes en territoire qu’elles arpentent nuitamment, suivant Platon ou le cynique Antisthène, dans leurs déambulations et jeux nocturnes.

Alors, lorsqu’en prévision des Jeux olympiques de 2004, la cité, berceau de la philosophie, doit éradiquer le chat des rues par mesure de salubrité, la contre-attaque s’organise ;  apprentissage du miaulement, sit-in à Syndagma, mobilisation de la télévision, articles de presse, réunion des chats philosophes entre la première et seconde lune du mois d’août, la cause devient une affaire d’état qui dépasse les plus folles espérances des pasionarias des gouttières.

Takis Théodoropoulos s’est visiblement beaucoup amusé à faire dialoguer le monde contemporain et l’antiquité, le quotidien et les sphères supérieures qui régissent les destinées, la réalité et le conte. La plume est vive, légère, insolente et désopilante. Nul besoin de potasser à nouveau vos livres de Terminales, Théodoropoulos donne aux chats philosophes leurs lettres de noblesse en les répertoriant selon des fiches biographiques officielles, légèrement revues et corrigées…

 

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18 juin 2014

Athènes après Corfou... comme on se sent tout de suite mieux !

C’est bien beau de décider sur un coup de tête qu’une île décevante ne vaut pas qu’on y reste, surtout sous le vent et les averses, encore faut-il avoir un plan B… si avancer un vol se fait sans trop de dommage pécuniaire avec les nouveaux billets « flex » d’Aegean, trouver un hôtel à Athènes du matin pour trois soirs, en plein mois de mai, ressemble au parcours du combattant. Tous nos points de chute habituels s’affichaient archi-bondés, même en s’éloignant du centre. Il a fallu ouvrir la bourse et accepter les tarifs exorbitants de l’hôtel Herodion, situé derrière le musée de l’Acropole (4 odos Rovertou Galli, Koukaki), un quatre étoiles qu’il faut fuir comme le choléra (piaule minuscule en RDC, vue sur un mur, accolée au climatiseur de l’hôtel qui ronronne toute la nuit… j’ai fini par agresser, à quatre heures du matin, en petite tenue, les cheveux en pétard, la bave aux crocs, le staff de nuit pour obtenir une chambre où il était possible enfin de dormir. Miracle, il y avait des chambres inoccupées dans les étages ! Le personnel de jour tentera bien de nous renvoyer en bas au matin mais, peine perdue, mes cordes vocales utilisées à plein volume devant des touristes anglais un peu coincés, produiront l’effet escompté.)

Hormis ce souci de gîte, quel soupir de soulagement en remontant la rue Vyronos pour une première Mythos chez Diogène, en bas de Plaka, là ou commence tout séjour athénien ! Il fait grand bleu, pas trop chaud, on se recale les grandes balades classiques autour de l’Acropole, un saut à Sounion pour comparer la lumière de janvier à celle de mai, les musées qu’on aime, Exarchia dans tous les sens, un bout de Kolonaki pour le Lycabette, la halte crème glacée de 19h, dans la petite rue qui croise Ermou à la hauteur de l’église de la Kapnikréa, et les cantines préférées, To Steki tou Ilia pour l'un, To Krassopoulio tou Kokkora, pour l'autre.

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Comme tous les touristes, on revient régulièrement saluer le Musée de l’Acropole, le Musée national (qui reste mon préféré, et pas seulement pour le point de vue imprenable sur les fesses des Kouroi… malgré ce qu’en dit perfidement mademoiselle I.G. sourire119), et admirer les figurines du Musée d’Art cycladique. Mais si vous avez des enfants que lassent ces grands espaces un peu froids, n’hésitez pas à les emmener dans des plus petits endroits, comme le Musée grec d’Art populaire de Plaka, où sont exposés des costumes traditionnels, des tenues de fêtes excentriques, ainsi qu’une jolie exposition sur la manière de vivre dans l’île de Karpathos (et pour J-P qui est resté un grand gamin, quelques panneaux consacrés au Théâtre d’Ombres).

Si vous traînez dans Monastiraki le soir, avant ou après dîner, voilà deux adresses où nous avons nos habitudes :

- Ciccus, sur Adrianou au numéro 31, le long de la voie ferrée, là où s’enchaîne une longue succession de bars et de restos. Ne pas rester en terrasse, bondée et bruyante mais rentrer, aller au fond, sous une sorte de verrière assez haute qui abrite un jardin intérieur. Excellents cocktails et très bonne programmation musicale, ciblée trentenaires.    

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- Θεσις 7, agios Filippou, que l’on prend en venant de Psiri. Organise certains soirs des concerts live. Ce fut le cas le 14 mai avec un trio formidable (voix + instruments à vent), mélange de créations du groupe et de chansons traditionnelles grecques que le public reprend en chœur. Convivial, chaleureux, on est vite intégré dans l’ambiance, sans voir le temps défiler. Venir vers 23h les soirs de concert.

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Et pour se faire beau quand on est un garçon, pour ceux qui crèchent entre Syndagma et la place Mitropolis, allez tenter l’expérience du barbier-coiffeur à l’ancienne, sur Apollonos. Il fallait au moins cela pour récupérer les abominables échelles que j’avais infligées à la nuque de ma moitié. Ambiance délicieusement surannée avec ces deux barbiers qui ont largement dépassé les 70 printemps, mais un coup de ciseau magistral, un beau résultat assez moderne (pas une coupe de papy) et une franche jubilation du Figaro local, devant le carnage effectué par mes soins : « don’t touch him anymore, hair cut is a job » - message reçu !

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En passant un soir très tard dans Mitropoléos (il devait être pas loin d’une heure et demie), nous avons aperçu, sur le parvis de la basilique, un jeune couple qui valsait, dans la nuit silencieuse. Pas de musique, juste leurs pas glissants sur le sol. Cette vision de deux silhouettes légères tournant sans bruit dans la nuit avait quelque chose d’irréel et d’éminemment gracieux…

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12 juin 2014

Corfou - épilogue : un barbier, deux goyim, un romancier

Pour Ben et Linda

En flânant dans les ruelles de Corfou-ville, un samedi vers treize heures, notre regard s’accroche soudain à des bâtiments en ruines, qui dénotent nettement dans l’architecture italienne ; leur allure a je-ne-sais-quoi de déjà-vu, mais un déjà-vu* qui nous met un peu mal à l’aise, une impression de vague gêne, d’inconfort. Les maisons sont plus hautes, les fenêtres empilées, plus serrées, dessinent des pièces bas de plafond. Je sors mon APN pour isoler quelques détails quand le barbier du coin sort de sa boutique, un peu plus haut, et me demande avec le sourire pourquoi je veux photographier cette partie de la rue. Je n’ai aucune raison valable à donner, je bredouille en anglais une vague réponse, imaginant qu’il me prend pour une touriste un peu toquée. En réalité, il est ravi de nous voir préférer ces ruines étroites aux belles maisons joliment retapées, car dit-il, « c’est là que ça commence ». « Allez tout droit, tournez à droite et trouvez le passage, vous verrez, vous verrez… » .

Nous avons souvent rencontré dans les îles ce genre de passeur, un inconnu sorti de nulle part qui nous a orientés vers une chapelle, une ruine, un beau point de vue, comme on murmure un secret, une émotion personnelle que l’on souhaite partager. Nous suivons ses indications, repérons une ouverture dans la maçonnerie qui borde une petite place, nous nous faufilons entre deux pans de murs un peu affligés et nous comprenons que nous nous trouvons au cœur de ce qui reste du quartier juif, devant l’immeuble de naissance d’Albert Cohen, qui se dresse en hauteur, au fond d’une cour où la nature a repris ses droits. Le bâtiment n’a plus que ses quatre murs extérieurs, en très mauvais état mais il se dresse toujours vers le ciel, entouré de maisons qui abritent des familles et d’un petit jardin, où poussent des roses et un figuier. Le brouhaha de la ville semble loin, seuls les oiseaux viennent troubler le silence. On se souvient alors de ces romaniotes**, des juifs ni sépharades, ni ashkénazes, des juifs grecs, installés depuis plus de 2 000 ans autour de la Méditerranée, jusqu’en mer Noire ; la langue, les rites liturgiques les distinguent de leurs frères. Albert Cohen (1895 - 1981) est issu par son père de cette communauté et a passé ses cinq premières années là, à jouer dans cette cour où nous restons plantés. Corfou a été le théâtre de pogroms dès 1891 et la famille Cohen émigre à Marseille en 1900. Ce lieu respire aujourd’hui le souvenir, le calme, presque une certaine douceur. Une plaque commémorative est apposée sur la maison natale de l’écrivain, la placette porte son nom, cet hommage posthume passe un baume sur de terribles événements (87% des juifs grecs ne reviendront pas des camps).

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En quittant cet enclave riche en émotions, nous tomberons sur la synagogue, que le gardien nous ouvrira, tout sourire de nous voir sortir de ce pan d’histoire. Nous avons beau lui expliquer que nous ne sommes pas juifs et que sans doute, il est déplacé de déambuler dans un lieu consacré, il n’en démord pas et nous offre l’hospitalité. C’est sans doute la seule et unique fois de ma vie que j’arpenterais en totale liberté les allées d’une synagogue en activité et que l’on me laissera me pencher sur des « objets de culte » dont j’ignore tout, dans un élan sincère de partage et de fraternité.

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Nous n’avons pas pu remercier le barbier, qui avait dans l’intervalle fermé sa boutique, pour ce moment suspendu. C’est désormais chose faite.

 

* Déjà-vu à Venise, of course…

**ce mot viendrait de « Romaioi », qui signifiait « romain », ancien nom des Grecs byzantins.

In the provinces close to Constantinople, where the Greek language predominated over the Latin of Old Rome, the idea of Roman citizenship and identity appealed to a broad segment of the population. Greek speaking citizens were proud to be Romans: in Latin, "Romani," or, in Greek, "Romaioi." The word "Romaioi" became descriptive of the Greek speaking population of the Empire. The old ethnic name applied to Greeks, "Hellene", fell into disuse.

http://www.romanity.org/htm/fox.01.en.what_if_anything_is_a_byzantine.01.htm

10 juin 2014

Corfou - le centre et le Sud, de l'aigre et du doux

Corfou a essuyé un printemps particulièrement pluvieux, ce qui a conféré à sa campagne de très beaux paysages, des fleurs à foison, des collines bien vertes, des champs bordés de genêts et de coquelicots en pleine forme. C’est en suivant ses routes intérieures qu’on se souvient qu’elle est une ionienne, la grande sœur de Céphalonie, de part sa végétation et ses hauts cyprès qui pointent vers le ciel.

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Si on longe la côte Ouest en descendant après la plage de Glyfada, on traverse une forêt d’oliviers, puis une sorte de sous-bois, avant d’arriver au village de Pélékas, haut perché sur le « Trône de l’empereur »,  point de vue remarquable sur le littoral, où venait méditer Guillaume II. On y monte surtout à l’heure du couchant, lorsque le temps est bien dégagé (je radote, mais quand les nuages plaquent leur brumaille sur le panorama, c’est tout de suite moins enivrant…).

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Le soleil nous accordera une bonne heure de lumière et de relative chaleur à Sinarades, petit village de caractère où nous ferons une longue pause, ravis d’arpenter enfin des ruelles bordées de demeures relativement anciennes ; clocher du XVIIème, voûtes, arcades, escaliers de pierre, vigne en treille, café où des papis taiseux regardent défiler la journée, la Mythos à un euro cinquante, une parlote en trois langues, plus celle des signes, avec une mamie bien affable, tout ce qu’il faut pour nous redonner le sourire et redorer un peu le blason de Corfou. Comme indiqué sur le Routard, nous continuerons jusqu’à la falaise d’Aérostato, déserte, où la dispersion temporaire de la brume nous donnera enfin un bel aperçu de la côte et des plages en à-pic des falaises.

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Faites l’impasse sur Agios Gordis, toujours en descendant vers le Sud (front de mer en béton, constructions anarchiques…) mais arrêtez-vous au bout d’une route en lacets qui monte sec, dans le tout petit village de Pendati, silencieux, discret, modeste. On en fait vite le tour mais il respire au rythme nonchalant des lieux bien ancrés dans le passé, qui n’ont pas l’intention de se renier.

Toujours plus bas, on atteint le lac Korission, et la plage d’Agios Georgios avec ses dunes de sables, qui serait magnifique sans des monceaux de détritus qui dégradent le lieu ; c’est la première fois, en quinze ans de Grèce que nous avons à déplorer un tel laisser-aller, une si manifeste démonstration d’abandon, de je-m’en-foutisme radical qui ne semble pas gêner les locaux : infrastructures délaissées, carcasses de buvette, ossature de taverne, poteaux rouillés, piliers de bois solitaires, bouteilles, canettes, plastique, métal, l’incurie la plus totale ! Visiblement, tant que la saison n’a pas commencé, transformer les plages en dépotoirs ne choque pas les corfiotes, nous si ! Les plages de Gardenos et d’Agia Varvara nous ont semblé plus propres mais pas encore bien nettes… de toute façon, sous le ciel chargé, y’a plus que des canards pour s’y balader…

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Cette dégringolade le long de la côte Ouest prendra fin en bifurquant à l’Est vers le petit port (propre et silencieux) de Boukaris, où nous poserons enfin nos sacs. Le vieux village de Chlomos, accroché à son épieux rocheux mérite une visite, pour la vue que l’on a jusqu’en Albanie : la terrasse du café Balis est parfaite pour s’en mettre plein les yeux en dégustant un café (remarque pour les filles, le proprio a les mains bien baladeuses…).

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5 juin 2014

Corfou - le Nord : ce fût, ce n'est plus !

Le Nord de Corfou, plus élevé, plus escarpé, plus contrasté, compose la partie qui devrait être la plus fascinante de l’île. Ben oui mais ça, c’était avant ! Avant que les cages à touristes ne sortent de terre, avant que les figuiers, les oliviers ne disparaissent sous les pelleteuses, avant que les sous-œuvres des architectes inaptes ne gangrènent un littoral de carte postale.

Il n’y a que Peroulades que je sortirais du lot, village en fin de vie au bout du quel les falaises dominent en à-pic : la roche blanche, striée de nervures plus sombres, couronnée d’arbustes verts, surplombe un mince trait de plage ocre, balayé par une mer aux mille nuances de vert et de bleu. Nous y sommes allés en fin de journée venteuse qui interdisait la baignade et le site, vide de toute présence humaine, était vraiment magnifique. Un seul café restaurant est installé là-haut, doté d’un promontoire qui permet d’embrasser le panorama à couper le souffle. Pourvu que se maintienne ce respect, totalement inattendu au vu des ravages rencontrés, d’un des derniers coins de nature intact.

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Je n’en dirai certes pas autant de Sidari, exemple accablant de dégradation sans limites. Sidari est une baie, avec plages de sable et eaux limpides, dont il ne reste aucun mètre carré non construit : béton, baraquements bien vilains, piscines, sono, bar, pintes au litre, matchs du championnat anglais retransmis à fond, tout ce bazar au rabais va, de plus, très mal vieillir. Ce chancre ultra-touristique vient souiller une suite de petites falaises blondes érodées, sculptées, découpées, qui semblent s’avancer sur le turquoise de la mer, comme des bras. Elles dessinent des petites criques protégées où il ferait bon paresser en silence. Impossible, car les hôtels ont envahi jusque très loin les saillies rocheuses et déversent leurs décibels. J’ai un peu de mal à comprendre alors le plaisir que l’on peut prendre à s’imbriquer comme des sardines, et ce dès le mois de mai, dans un espace défiguré. Mais visiblement, les tours operator britanniques font le plein !

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Autre haut lieu malmené par le ballet incessant des cars de tourisme, Paléokastritsa, doubles arêtes rocheuses qui dessinent trois baies, cannelées de plages et de criques, aux eaux bleues et vertes de toute beauté. Oui mais, le charme s’évapore devant les marchands du temple qui ruinent l’ambiance : on aurait pu construire de jolies infrastructures pour garder le cachet du lieu, éloigner le parking des bus, garder à distance les boutiques et les restos, protéger un écosystème que l’on devine fragile, non, rentabilité maximum à moindre coût, retour rapide sur investissement à court terme, une mise à sac. Paléokastritsa serait le lieu de résidence du roi Alkinoos, qui recueillit Ulysse et lui fournit un navire pour rejoindre Ithaque. Un parmi d’autres, puisque comme souvent, les fouilles archéologiques n’ont rien donné de probant. La vue, du haut du monastère de la Panagia Théotokos, construit au bout de la plus importante des presqu’îles, est fabuleuse… le monastère en lui-même n’a pas grand intérêt, historique ou culturel, c’est une halte agréable de quelques instants au calme, dans un petit jardin peuplé de chats qui se prélassent sous les rosiers, avant de replonger dans le tumulte.   

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Si vous reliez ensuite Angélokastro, arrêtez-vous à Lakones (vous ne serez pas les seuls…) : La vision du paysage et des deux écueils de pierre, s’avançant dans cette eau aux teintes sublimes, vaut le détour : Paléokastritsa est bien plus beau, vu d’en haut ! La forteresse d’Angélokastro est un poste de garde du XIIIème siècle, le plus à l’ouest du Despotat d’Épire (un des successeurs de l’empire byzantin affaibli et découpé, sur le territoire qui englobait l’actuelle Albanie et Corfou), qui s’élève sur un rocher, 160 mètres au dessus de la mer. Elle est trapue, courte sur patte, construite comme une vigie qui protégeait l’île des incursions pirates ou turques.

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Évidemment, panorama impressionnant… par beau temps...  meteo011

 

 

1 juin 2014

Corfou, suite - le cas Kanoni

Image emblématique, tarte à la crème des guides, sempiternel symbole de Corfou, la presqu’île de Kanoni est un passage obligé pour tous les visiteurs. J’y suis allée avec un rythme cardiaque de junkie sous emphét’, découvrant dans le Routard que le site aurait inspiré Böcklin et ses différentes versions de L’Île des morts, tableaux qui illustraient, avec ceux de Friedrich, un grand nombre des œuvres littéraires du XIXe dans mes manuels de littérature du lycée. Cette plongée soudaine et inattendue dans les Nuits de Musset et le « luth constellé » de Nerval appelait sur-le-champ une visite matutinale.

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Le bus N°2 part du Liston et s’arrête dans son périple juste en surplomb du site : on descend alors à pied en pente douce, jusqu’au niveau de la mer. Deux îlots sont posés sur l’eau, chacun coiffé d’un lieu de culte (monastère de la Vlacherna, accessible à pied par une jetée pour le premier, église du Pantocrator, pour le second, au loin). C’est évidemment celui à l’arrière-plan, que l’on ne peut atteindre qu’en bateau qui sollicite toute mon attention (on le nomme en grec Pontikonissi - l’île de la Souris -, pour une vague ressemblance de forme avec le dos du rongeur)  … ah, il faut faire preuve de beaucoup d’imagination pour retrouver la vision du peintre suisse, qui a, dans ses toiles, ceint le bosquet d’arbres central de hautes falaises blanches. J’ai beau tenter de m’extraire du brouhaha ambiant, du va-et-vient des touristes, rien n’y fait, la magie ne prend pas.

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Outre le décalage entre la réalité de l’île et l’hallucination picturale qu’elle a su faire naître chez Böcklin, la présence de la piste d’atterrissage de l’aéroport à moins de 500 mètres perturbe violement ce qu’il reste de magie au site ; je ne sais dans quel cerveau moisi a germé cette idée scélérate d’accoler le tarmac à ce décor de carte postale, mais on aimerait lui dire deux mots, peu conviviaux. Tous les quarts d’heures, un charter survole à très basse altitude le clocher du monastère de la Vlacherna avant de se poser dans un hurlement de réacteur : on se pince pour y croire !

D’autant plus que Kanoni, serait aussi le lieu de la dernière halte d’Ulysse avant son retour pour Ithaque. On ne peut décidément pas mettre une demi-sandale sur une île ionienne sans retrouver la trace du protégé d’Athéna! Poséidon, très remonté contre Ulysse qui a sérieusement aveuglé son fiston, le cyclope Polyphème, le poursuit de sa vengeance et le retrouve sur les rives de Corfou (enfin, plutôt de Schéríe, comme la nomme Homère, l’île des Phéaciens) ; pour contrarier son retour, il retourne le navire de « l’homme aux mille ruses » et le pétrifie, le transformant en rocher. Seul survivant de ce désastre, Ulysse s’échoue sur le rivage où il sera découvert et secouru par Nausicaa, fille du roi Alkinoos.

Comme il est difficile aujourd’hui de s’immerger dans des univers mythiques, quand la main de l’homme a saccagé des lieux qu’il fallait préserver. Voilà l’état des lieux de la destruction du site de Kanoni (monastère de la Vlacherna en bas à droite) quand la seule vénalité règne sur la gestion d’une île, (photo prise dans le guide Toubis)… édifiant, non ?

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27 mai 2014

Corfou ville - bienvenue en Italie !

Impossible de s’imaginer en Grèce lorsque l’on musarde dans les venelles étroites de la vieille ville de Corfou, coincée entre deux forteresses et la mer. Ses façades jaunes et ocres, ses petites piazzetta, le linge tendu au travers des ruelles, les balcons, les arcades, les loggia sentent d’avantage le basilic que l’origan : quatre siècles de présence vénitienne (1387-1797), ça laisse de sérieuses empreintes. Le tremblement de terre de 1953, qui mit en vrac les autres îles ioniennes, épargna Corfou. On s’en réjouit car la cité historique porte toujours, outre les griffes du lion de la Sérénissime, le souvenir - plus discret - de ses autres conquérants européens.

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Sur la Spaniada, vaste esplanade arborée qui s’étale derrière la vieille forteresse, se côtoient des édifices aux origines variées : jet d’eau vénitien, rotonde anglaise, monument du rattachement de l’Heptanèse* à la Grèce et le Liston français. Le Liston rappellera aux Parisiens les bâtiments, les arcades et les lanternes de la rue de Rivoli, percée en France dix ans plus tôt (1801)**. Les Britanniques laisseront à leur tour sur la Spaniada, le palais à colonnades de Saint-Michel et Saint-Georges, ou Palais Royal, d’abord résidence des Hauts-Commissaires anglais avant d’abriter le Sénat des îles ioniennes.

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L’ancienne citadelle, construite à l’extrémité de la péninsule fortifiée, qui s’avance dans la mer comme un navire, est réellement impressionnante. Elle est lourde, massive, construite à partir d’une première muraille de l’époque byzantine, jusqu’à devenir une forteresse au XVIe siècle, lorsque les Vénitiens sentirent la menace ottomane approcher : douves, tours, ligne de défense, remparts, mouillage pour les galions, caserne, bastion, on comprend mieux l’invulnérabilité de la ville sur une si longue période. Les Anglais continueront d’y apporter leur touche au XIXe, jusqu’à cette incongrue église néoclassique, en 1840, qui jure dans cette atmosphère de génie militaire. Mise à part la vue sur la mer, pas grand-chose à se mettre sous la dent à l’intérieur ; si l’architecture défensive vous laisse de marbre, regardez-là de loin. Á l’opposé, la nouvelle forteresse (fin XVIe, début XVIIe, le terme « nouveau » est bien relatif) est tout aussi vide et encore plus mastoc : on peut faire l’impasse !

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C’est dans la rue que le charme opère surtout, du vieux quartier du Campiello, avec ses petites places, les fontaines, les cours dérobées, jusqu’à la place de l’Hôtel de ville (d’abord « loges » des aristocrates de la ville, puis opéra). Déambulez dans les très étroites venelles perpendiculaires aux ruelles touristiques, posez-vous dans ces petits cafés qui dévalent les escaliers, humez l’air du temps place Kremasti, sirotez un Spritz (plus couleur locale que l’ouzo, en fait) place Aghios Spyridonas, avant d’entrer dans l’église du même nom : clocher imposant, iconostase de marbre et non de bois, influence italienne évidente dans les peintures, ossements du Saint dans un somptueux reliquaire en argent, présence de nombreux croyants grecs et russes, elle est considérée comme la plus belle des trente-neuf que compte la ville. C’est son plafond peint et doré, ultra-chargé qui surtout attire l’œil. Datée de la fin XVIe, elle est dédiée au protecteur de la ville Spyridon, évêque de Chypre, qui aurait tenu à bonne distance des remparts de la ville, la peste, les Turcs et la famine, rien que ça !

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DR 

* Heptanèse (les 7 νησιά/îles de la mer Ioniennes : Corfou, Paxos, Leucade, Céphalonie, Ithaque, Zante et à l’époque Cythère), tombées sous la domination de Venise, puis de la France, ensuite des Britanniques, avant d’être cédées à la Grèce en 1864, à la signature du Traité de Londres.

** Bourde dans le guide Toubis, qui crédite l’ingénieur Ferdinand de Lesseps, né en 1805, des plans du Liston…il s’agit plutôt de Matthieu de Lesseps, le père, commissaire impérial de Corfou entre 1810 et 1814.

 

22 mai 2014

Corfou - le couvert et le gîte

Si j’en crois le verdict attesté par ma balance, la cuisine corfiote n’a pas été sans conséquences sur ma ligne… la présence vénitienne a laissé bien des traces dans les assiettes, et c’est tant mieux, pour varier les saveurs tout au long d’un séjour.

Il Vesuvio, 16 Odos Guilford - Corfou ville (2x)

Resto napolitain sympathique et généreux ; faites l’impasse sur les entrées (et pourtant, que les involtini d’aubergines sont bons !) car les plats de pâtes sont bien servis. Gnocchi, linguine aux fruits de mer, tagliatelles à la roquette et aux crevettes, tout est bon, ultra frais.

La Famiglia, Kantouni Bizi, ruelle perpendiculaire à Nikiphoros Théotoki - Corfou ville (2x)

Comme son nom l’indique, trattoria familiale chaleureuse dans la plus pure tradition, avec nappes à carreaux et bougies. Clientèle plutôt locale. Antipasti sympas, bonnes salades, véritables linguine aux vongole, excellentes linguine au pesto. Bonne ambiance, on s’y sent bien. Fermé le dimanche.

Bellissimo, platia Lemonia, perpendiculaire à Nikiphoros Théotoki - Corfou ville

Comme son nom ne l’indique pas, cuisine plus corfiote qu’italienne, où l’on vient goûter les spécialités locales ; le bourdeto (poisson accompagné d’une sauce tomate bien épicée, d’origine vénitienne), la pastitsada (coq ou bœuf mijoté dans une sauce tomates-oignons-cannelle-piments, servi avec des pâtes) ou le sofrito (fines tranches de veau ou de bœuf dans une sauce à l’ail). Le reste de la carte propose des plats grecs plus standardisés si vous avez peur de vous lancer.

New Fortress, 26 Odos Solomou - Corfou ville

Taverne classique, très touristique et sans prétention au pied de la nouvelle forteresse… bon plat de poisson frais plus salade.

Beaucoup de bars sympas, certains très branchés, d’autres plus calmes et familiaux, à mesure qu’on s’éloigne du Liston et de ses arcades ; fermez votre guide et allez-y à l’instinct. Passez tout de même au Bristol (Odos Evgéniou Voulgareos), la déco intérieure et ses ampoules valent le coup d’œil. Et pour changer de la Mythos, de la Fix ou de l’Alpha, goûtez à la bière locale, la Corfu beer Real Ale, non pasteurisée et non filtrée, presque rouge, qui rappelle les bières belges, et la Royal Ionian, une blonde très douce. Á éponger avec les pâtisseries locales :-)

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Le kumquat est à Corfou ce que le mastic est à Chios, une manne ! En Europe, Corfou et la Sicile sont les deux seules îles qui cultivent ce petit agrume, avec lequel je n’ai d’ailleurs aucune affinité. Mais j’en connais un qui en raffole et qui en a ramené une palanquée… confis, au sirop, en liqueur, en qumkacello, pour aromatiser les loukoums, la pâte de figue, on en trouve sous toutes les formes. La liqueur est pour moi imbuvable, sucrée, poisseuse, très écœurante. On frôle l’overdose devant les bouteilles aux formes de l’île qui semblent se trémousser sur les étals.

Á Corfou-ville, nous avons logé, une et deux, puis trois fois à l’hôtel Arcadion, angle d’Odos Vlassopoulou et de Kapodistriou, au-dessus du Mac Donald, très bien situé, avec vue sur la Vieille Forteresse éclairée. Les balcons donnent sur la place, ce qui est un peu bruyant les vendredis et samedis soir mais le spectacle est là, lorsque les corfiotes envahissent les lieux, comme les Italiens à l’heure de la Passeggiata.

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Nous sommes revenus à plusieurs reprises (au grand amusement du staff !) dans ce camp de base puisqu’aucun village du Nord n’a su nous séduire. Un membre du personnel nous a regardé avec effarement lorsque nous lui avons demandé, déçus de nos virées, où trouver un lieu « wild and unspoiled » sur l’île. Il a commencé par nous rappeler que Corfou est la deuxième île grecque la plus fréquentée après la Crête (oui, on avait vaguement remarqué une certaine similitude dans le bétonnage…) et a mis un peu de temps avant de pointer du doigt un périmètre au Centre puis au Sud de notre carte. Ce n’était pas gagné…

Et pourtant, son index avait eu raison de nous orienter sur un petit bout de la côté Sud Est, à Boukaris, minuscule port de pêcheurs où nous avons trouvé notre bonheur, en dépit d’une addition exécrable pour un mois de mai, pluie + vent. Boukaris, c’est une poignée de bateaux de pêche, deux tavernes, deux hôtels, un petit supermarché, une dizaine de maisons particulières et une magnifique situation sur la mer. Quand je dis la mer… étonnamment, l’endroit, par son calme, son silence, rappelle davantage la tranquillité d’un lac ou d’une lagune. Les familiers du lac Majeur ou du lac d’Orta ne se sentiront pas dépaysés. Nous nous sommes posés au Golden Sunset (vu la météo, pour le Sunset, on repassera !), visiblement bien connu des touristes allemands. L’hôtel vaut le détour pour sa table, la maman des gérants officiant d’une main de maître dans les cuisines. Le poisson passe directement de la mer à votre assiette : daurade (pas d’élevage, une vraie), bar, puis calmar farci… nous avons franchi les trois marches de la béatitude gustative. Il a fallu à chaque repas attendre ses mets de roi (compter 45 minutes) mais la précision de la cuisson et le résultat en bouche en valaient largement la peine. Comme quoi, en cherchant bien, il peut y avoir encore des endroits préservés à Corfou…  

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Le Présent Défini
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