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Le Présent Défini
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21 mars 2015

Gand, une histoire de quais...

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En sortant du beffroi, nos pas nous ramènent vers la Lys et le pont Saint Michel, où nous n'étions pas seuls à mitrailler cette vue photogénique sur les trois clochers de Gant (la cathédrale, le beffroi et celui de l'église Saint-Nicolas), ainsi que le couvent des Dominicains, de l'autre côté. Certes, cette vue orne tous les guides de la ville mais lorsque les flèches gothiques pointent sur un ciel bleu acier, c'est un vrai saut dans le temps qui s'opère.

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Ce décor de conte perdure dans nos prunelles lorsque l'on glisse vers la gauche, vers ces deux quais emblématiques de l'imagerie de Gand : le Graslei (quai aux Herbes) et le Korenlei (quai au Blé). Le Graslei n'est autre que l'ancien port de Gand, bordé de maisons à pignons, toutes liées au commerce du grain - les Gantois ayant obtenus des privilèges commerciaux qui assuraient la fortune et l'approvisionnement continu de la ville en céréales. Le restaurant Belga Queen a d'ailleurs investi la Maison de l'étape du blé, datée du début XIIIème, imposant grenier trapu de pierres grises. Le quai aligne des demeures de styles variés, du Roman dépouillé au Renaissance plus tarabiscoté de volutes et d'arabesques : Maison des bateliers francs (reconnaissable à la caravelle de pierre au-dessus de la porte), des mesureurs de grains, des maçons, toutes méritent qu'on s'y attarde pour détailler leur façade. Entre deux bâtiments qui portent haut la toute-puissance d'une corporation, on passerait presque à côté de la minuscule Maison de la douane qui nécessite, pour percevoir les taxes, bien moins de mètres carrés que pour entreposer du grain.

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Sur la rive opposée de la Lys, le Korenlei est bordé de maisons plus tardives, baroques et classiques, témoins des évolutions de la société et de la perte des certains avantages : il faut attendre le XVIIIè pour que les bateliers non francs (comprendre non gantois) aient l'autorisation de transporter des marchandises sur la Lys et l'Escaut et s'organisent en corporation. Leur maison, rococo et coiffée d'un navire doré, n'a plus rien à voir avec la magnificence, l'opulence et le pouvoir des bateliers francs d'en face.

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De ces quais qu'on ne se lasse pas d'arpenter de jour de comme nuit, partent de petites embarcations pour des promenades sur la Lys et la Lieve. Nous avons eu de la chance de tomber sur un guide jeune et plein d'humour, heureux d'expliquer l'histoire de sa ville et ses transformations. C'est à faire surtout pour appréhender Gand d'une autre manière (les points de vue à hauteur d'eau sont très différents) et visiter les quartiers Nord, anciens cloaques bordant la Lieve où l'on déversait à peu près tout et n'importe quoi, et où l'espérance de vie ne dépassait pas quarante ans au début du XXème. Les restos et bars branchés mais discrets ont remplacé les tanneries et les ateliers, les bâtiments ont été réhabilités, le coin respire un calme étonnant à quelques centaines de mètres du centre de Gand. La luminosité est magnifique tout au long de la balade, jusqu'au Rabot, ancienne écluse fortifiée qui gardait l'entrée de la ville. Une parenthèse reposante bienvenue  qui n'est pas à négliger quand les mollets commencent à tirer !

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14 mars 2015

Gand, une cathédrale, un chef d'œuvre, un beffroi

Contrairement à Anvers, Gand est une grande cité au centre historique plus vaste. Il demande une bonne journée de visite, que l'on débute souvent par sa cathédrale, pour éviter la cohue devant le joyau "L'Autel de Gand", retable plus communément appelé "L'Agneau mystique". La cathédrale Saint-Bavon (Sintbaafskathedraal) ne laisse aucun souvenir impérissable. Il s'agit d'un bâtiment assez sobre de l'extérieur, presque modeste, doté d'une haute tour épaisse au-dessus du portail. Peu d'ornements, de fioritures, d'enjolivements. Construite sur les décombres d'une église romane du XIIe s. dédiée au Baptiste, elle s'agrandit, s'étend, se transforme au fil des siècles, subit les assauts des iconoclastes, les flammes de plusieurs incendies (elle en perd ses vitraux), et enfin, de gros travaux de restaurations.

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Elle semble aujourd'hui faite de bric et de broc, sans aucune unité : la crypte est romane, le chœur gothique, la nef et le transept gothique tardif, le maître-autel baroque et la chaire rococo. Elle empile trois matériaux successifs selon les moyens disponibles aux différentes étapes de sa construction, la pierre gris-bleu de Tournai, pierre blanche d'Alost, puis simple brique. Le déambulatoire longe 25 chapelles latérales dont deux méritent attention : la 15ème (à gauche du chœur), dédiée aux Saints Pierre et Paul abrite un Rubens - la seule toile de la cathédrale à avoir de l'intérêt -, qui illustre la conversion du Comte Adlowin, futur Saint Bavon, renonçant à sa vie dissolue (le peintre anversois a d'ailleurs donné ses traits au Saint protecteur de Gand) et la 11ème, qui a renfermé le fameux triptyque avant qu'il ne soit transféré dans la 25ème, mieux adapté à sa conservation.

La seule présence de "L'Agneau mystique" justifie d'une visite à la cathédrale. À la fois pour l'œuvre, unique et honnêtement magnifique, mais aussi pour ses légendes. Le retable à trois volets et vingt quatre panneaux, est une commande de l'échevin Judocus Vyd et de sa femme aux frères Van Eyck, Hubert et Jan (en 1420). Si le second est un peintre attesté, on ne connaît cependant aujourd'hui aucune autre peinture pouvant être attribuée à son frère ainé Hubert. La seule preuve de son existence est une pierre tombale dans la cathédrale, mais rien ne prouve, à l'exception du quatrain figurant sur le cadre du retable, sa paternité d'artiste. À partir de 1794, les Français sont alors maîtres de Gand, le triptyque sera tout à tour, démembré, transféré, vendu, légué au musée de Berlin, redonné aux Belges, caché, enfin reconstitué en 1919 ! Mais en 1934, les deux panneaux du volet inférieur gauche furent dérobés. Contre rançon, le voleur restitua l'un des panneaux, mais l'autre est à ce jour toujours dans la nature. Pour la petite histoire, durant la deuxième guerre mondiale, le retable fut retrouvé par l'armée américaine dans une mine de sel allemande, après que le gouvernement de Vichy, qui avait fait main basse sur le triptyque, l'eut transféré outre-Rhin. C'est un quasi-miracle que le retable soit parvenu jusqu'à nous sans autres dommages.

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Il est présenté au public ouvert et l'on tourne autour pour apprécier ses deux faces. Normalement, "l'Agneau mystique" ne se déplie que pour de grandes fêtes religieuses. Fermé, il est austère, et ne présente qu'une Annonciation (l'ange Gabriel est tout de même une splendeur), le portrait des donateurs et deux imitations de sculptures du Baptiste et de l'Évangéliste. Mais de l'autre côté, c'est un festival de couleurs qui vous claque à la rétine ! La peinture religieuse, si elle sert d'abord l'église, a aussi pour but la diffusion et l'adhésion à sa doctrine. Les fidèles doivent comprendre le message, et quoi de mieux qu'un tableau à la fois lisible et magnifique ! En haut, l'humanité (Adam et Ève), Dieu, la Vierge et saint Jean, des anges et en-dessous, l'Agneau, symbole de la rédemption de l'humanité.

Tous les visiteurs restent bouche ouverte devant le triptyque, saisis par la délicatesse des étoffes et des broderies, la précision du pinceau, la finesse de l'exécution, le raffinement des détails, la grâce qui émane du tableau, que l'on soit ou non sensible au sujet. Même si vous devez longuement faire la queue avant d'entrer dans la chapelle, c'est un monument unique de la peinture qu'il ne faut manquer à aucun prétexte. 

Pour nous remettre de nos émotions, petite halte devant la cathédrale pour déguster une bonne bière belge, avant de continuer vers la Halle aux Draps, datée du XVe, beau bâtiment gothique, flanqué de la prison et surtout du beffroi ; haut de 91 mètres, symbole du pouvoir civil et de l'autonomie administrative de la cité, il est flanqué à son sommet d'un dragon, gardien des privilèges et des chartes des libertés. On y grimpe en ascenseur, puis à pied depuis l'étage des cloches et de l'imposant bourdon, dont on voit clairement le mécanisme. La vue sur la vieille ville par temps dégagé est remarquable !

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20 février 2015

Gand - Musée du STAM*, "Le Récit de Gand"

Le STAM a été notre dernier musée visité, ce qui fut une erreur. C'est par lui qu'il faut rencontrer la ville, car il retrace toute la métamorphose de cette cité des Flandres dans un lieu magnifique, une abbaye du XIIIème, dite de la Bijloke**. Le site, à l'époque en dehors de l'enceinte de la ville - risque de contagion oblige -, a abrité d'abord un simple hospice, puis dès 1250 un grand hôpital, complété quelques années plus tard par une chapelle, enfin par une importante abbaye cistercienne et son couvent. Seul le réfectoire, salle gothique à voûte de bois en berceau, ornée de peintures murales, et une partie du dortoir, ont échappé à la fureur calviniste  (1577 - 1584) qui endommagea considérablement les bâtiments. Au fil des siècles, le lieu a bénéficié de reconstruction, de restauration, d'agrandissement, tout en gardant sa vocation caritative et médicale. La vétusté des locaux a sonné le glas de la poursuite des activités hospitalières en 1982, date à partir de laquelle, les murs de l'abbaye et du couvent se reconvertissent en lieux culturels (musées, salles de concert, expositions temporaires, ballets en résidence...).

Réfectoire

Aujourd'hui, on entre dans le STAM par un bâtiment moderne tout en verre, qui jouxte une partie de l'ancien cloître intérieur du XVIIe ; on se promène alors, tout au long du circuit de l'exposition, dans les murs même de l'abbaye. Le musée accueille et organise des fonds dispersés, pour raconter l'histoire de Gand dans un parcours chronologique de six périodes :

-       Les origines

-       La métropole (1200 – 1600)

-       Une époque paisible (1600 – 1800)

-       La cité de l’industrie (1800 – 1950)

-       Une ville en croissance (1950 – aujourd’hui)

-       La ville de demain,

plus deux salles consacrées à des sujets qui dépassent la seule ville de Gand, comme Charles Quint, et le vol du panneau des Juges Intègres, volet du polyptique l’Agneau mystique des frères Van Eyck. Tout comme son comparse d'Anvers, le MAS, le STAM bénéficie de la muséographie du XXIe qui bannit le didactisme périmé, assistée des moyens numériques modernes, sur un site historique d'exception.

Nos salles préférées furent celles qui retracent l'apogée de Gand au Moyen Age, riche et puissante grâce à son industrie drapière florissante : plus de la moitié de la population travaille pour cette activité, favorisée par la situation géographique de la ville sur deux fleuves, qui la met aussi à l'abri des difficultés de ravitaillement. Gand deviendra même le passage obligé de toutes les importations en grains du comté de Flandre, la préservant de toute famine. Gand se veut, de part sa prospérité, une cité farouchement indépendante qui s'oppose souvent au pouvoir central des Comtes de Flandre, aux Ducs de Bourgogne puis aux Habsbourg. La mise en espace de ces salles, particulièrement inventive et bien aidée par le numérique, nous plongent vraiment dans l'atmosphère médiévale de Gand. Passer un peu de temps aussi dans la salle de Charles Quint rappelle qu'à la fureur des iconoclastes calvinistes répondit la violence des catholiques espagnols tout autant enragés : persécution, destruction, radicalisme, fanatisme... cette incapacité à accepter que d'autres pensent différemment n'est décidemment pas d'aujourd'hui. 

Avant de quitter l'exposition sur le développement urbain futur de Gand, poussez la porte de la Trésorerie de l'Hôtel de ville, déménagée et installée au STAM, salle magnifique tendue de cuir de Cordoue, avec lambris et cheminée baroque, qui nous ramène dans l'ambiance du XVIIème. 

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* Musée de la ville de Gand – quartier des Arts. Arrêt Verlorenkost sur la ligne 1 du tramway que l'on prend place Sint-Veerleplein / fermeture le lundi

** Bijloke = "endroit fermé" en néerlandais, fermé par la Lys

15 février 2015

Gand (Gent), si proche et si loin de Bruges - Introduction

La Flandre peut paraître une destination un peu fraîche pour un mois de novembre, mais après le joli périple anversois, une envie de maisons à pignons dentelés, de balades à vélo, de béguinages et de bonnes bières est venue nous chatouiller l’humeur. Pas de fringale pour Bruxelles en hiver, de caprice pour Ostende déserte dès les premiers frimas, ni de tocade pour Bruges, la ville-musée assoupie. Gand a l’avantage de mêler tout ce que l’on aime des vieilles villes flamandes à une modernité maîtrisée. La cité est vaste, bigarrée, opulente, généreuse, fière de son passé mais aussi bien campée dans son temps, éveillée, dynamique et très attrayante.

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Le centre historique ne se résume pas à une large place bordée de maisons de guildes, il est étendu, aéré, dans la boucle que forment les deux fleuves de la ville, la Lys et l’Escaut. Tout au Sud, le quartier des Arts et des musées ; au Nord, Patershol et Prinsenhof, les quartiers médiévaux rénovés. Quatre jours sont nécessaires pour arpenter Gand en tous sens, à pied et en vélo, pour visiter quelques musées, longer les quais en bateau, goûter aux douceurs sucrées d’une ville très gourmande, profiter de la sérénité des habitants qui savent prendre leur temps.

Le Thalys vous dépose à Bruxelles et toutes les heures en hiver, un train relie la capitale belge à Ostende, en passant par Gand, puis Bruges. Attention à ne pas vous emmêler les pinceaux avec le flamand, votre train part pour Gent et non pour Genk, autre destination à l’opposé de la première. Heureusement que ma moitié est là pour corriger inlassablement mon désastreux sens de l’orientation…

L’office de tourisme gantois est un passage obligé pour retirer la City Card, bien pratique pour accéder aux tramways, aux bus et aux musées. Elle comprend aussi une balade en bateau que nous n’avons pas regrettée. Le souci, c’est que cet endroit est fort mal indiqué. Situé au pied du château des Comtes, sur la Sint-Veerleplein, il faut passer sous la statue de Neptune, visible de loin avec son trident, gardien de l’entrée de l’ancien Marché aux Poissons, pour y accéder. Les employés sont très serviables, patients et débrouillards, surtout quand il s’agit de nous trouver deux vélos pour ce long week-end du 11 novembre. Une seule adresse dès le mois d’octobre, Max Mobiel, derrière la gare Saint-Pierre, atelier de réparation et loueur de lourdes bécanes bien entretenues. Faire vraiment très attention dans le centre historique ultra fréquenté, entre les piétons, les locaux en vélos qui foncent comme des brindezingues, les bus, les voitures, et surtout les tramways et leurs rails, traîtres en diable.

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Les hôtels ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Le Routard donne une liste de B&Breakfast et de chambres d’hôtes bien fournie. Nous nous sommes posés chez Simon Says, dans le Prinsenhof, lieu de rencontre des Gantois du quartier, du petit-déjeuner au goûter tardif. Au-dessus de ce petit café convivial qui ne désemplit pas de la journée, on peut louer deux grandes chambres design joliment agencées. Le lieu est tenu par deux Anglais avenants et bien faits de leur personne, ce qui ne gâche rien. Si votre estomac crie encore famine après le petit-déjeuner pantagruélique (produits bios, ça va de soi), vous pouvez aussi y déjeuner sur le pouce (soupes, tartes salées, sandwiches savoureux et desserts alléchants). Tout est fait maison et orienté végétarien, ne boudons pas notre plaisir. La température glaciale n’empêche nullement les Gantois de rester au grand air, chaque café et restaurant fournissant des couvertures à leurs clients.

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Pour profiter au maximum des courtes journées d’hiver, nous avons fait l’impasse sur de vrais déjeuners, nous contentant de grignoter entre deux visites. Mais lorsque le soleil se couche, il est temps de suivre les locaux vers les temples de la gourmandise. Max est une vieille pâtisserie (1839 !) à la déco Art Nouveau, où seraient nés la gaufre et le beignet soufflé aux pommes. La légende dit ce qu’elle veut, mais on la croirait sans problème lorsqu’arrivent sur votre table ces deux merveilles. L’ambiance est familiale, le service vif mais affable, voilà un bel endroit, certes un brin touristique, mais incontournable.

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Á quelques pas, le chocolatier artisanal qui a fait chauffer la carte bleue, Luc Van Hoorebeke... j’ai peu de goût d’ordinaire pour le chocolat belge, que je trouve trop gras et trop sucré. La seule joliesse de la boutique m’avait faite entrer, mais lorsque la gentille dame me mit dans la bouche le plus fin des pralinés, je remisais au placard mes préjugés et dévalisais le présentoir. Nous y sommes même retournés le lendemain, la première réserve ayant servi de carburant lors d’une balade nocturne le long de la Lys.

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Pas très loin de la place Sint-Veerleplein, on trouve la petite boulangerie Himschoot, l’une des plus anciennes de la ville, qui propose des pains et des biscuits qui valent le détour. L’espace est réduit mais déborde de ces bons gros pains du Nord, riches de céréales brutes, de levains bien prononcés, de fruits secs, dodus, riches, lourds en main, mais savoureux en bouche. On y trouve toutes sortes de biscuits secs et des spéculoos maison délicats et aériens.

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Côté assiette, coup de cœur pour le Belga Queen, sur le quai Graslei, niché dans un ancien entrepôt du XIIIème siècle, tout en pierre et poutres apparentes. Le lieu est magnifique, à la fois contemporain, raffiné mais dans le respect du vieux bâtiment. La carte est orientée poissons et nous nous sommes régalés de saumon massé à la Rodenbach, d’anguille de l’Escaut fumée, d’un bar poêlé́ avec son risotto d’orge et coques, et d’un délicat turbot rôti. Les vins termineront de ratisser votre portefeuille mais nous ne regretterons pas ce dîner dans un cadre enchanteur.

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Pour le dîner suivant nous avons choisi un tout autre endroit, beaucoup plus simple, car nous l’avons vu déborder de jeunes qui l’ont adopté comme QG, le Grand Café Godot. On dîne dehors, les genoux sous une bonne couverture, de tapas, de bruschetta, de pâtes bien garnies, arrosés d’une bonne bière. L’endroit est parfait pour observer la vie nocturne gantoise, c’est sympa, sans prétention et on s’y sent très bien. Nous avons choisi pour le dernier dîner la brasserie Packhuis, d’abord pour le décor mais la table se tenait tout à fait debout. Il s’agit là aussi d’un ancien entrepôt daté XIXè dont on a gardé la structure métallique. Nous avons craint une cuisine standardisée mais que nenni : croquettes de crevettes, sashimi de bar, faisan et saumon, revisités à la mode de Flandre, bonne bière locale, une bonne surprise que nous recommandons.

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A contrario de toutes ces bonnes choses, éviter le cuberdon, sucrerie locale composée de gomme arabique violette fourrée d’un sirop très sucré aux fruits rouges ; déjà peu appétissante à voir mais quelconque en bouche.

 

Vélos MAX MOBIEL / Voskenslaan 27http://www.max-mobiel.be/Home

B&B SIMON SAYS / Sluizeken 8 / http://simon-says.be/fr

Pâtisserie MAX / Goudenleeuwplein 3 / http://www.etablissementmax.be/en

Chocolatier Luc Van HOOREBEKE / Sint-Baafsplein 15 / http://www.chocolatesvanhoorebeke.be

Boulanger HIMSCHOOT / Groentenmarkt 1 / http://www.bakkerijhimschoot.be

Restaurant BELGA QUEEN / Graslei 10 / http://www.belgaqueen.be/fr/Ghent.aspx

GRAND CAFÉ GODOT / Hooiard 8 / http://www.godotgent.be

BRASSERIE PAKHUIS / Schuurkenstraat 4 / http://www.pakhuis.be/fr

 

17 décembre 2014

Folégandros – pour épargner vos mollets, prenez le bateau

Si vous venez à Folégandros avec de jeunes enfants, vous n’aurez pas pléthore d’endroits où aller vous baigner sans entendre moult récriminations : le port de Karavostasis dispose bien d’une petite plage de galets facile d’accès, mais patauger dans une eau où les bateaux font trempette n’est pas très engageant. Un bus relie Chora au village d’Agali et à sa plage de sable ; mais étant la seule accessible par une route asphaltée, cette dernière souffre vite de sur fréquentation et de nuisances sonores. Il faudra marcher une bonne demi-heure sur le chemin qui longe la côte pour relier la jolie crique d’Agios Nikolaos, toute calme en septembre, bordée de tamariniers.

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Le lieu est plaisant, les eaux bien claires, le silence souverain, notre plage durant le séjour. Pour le reste, il faudra jouer du jarret et supporter les remontées éreintantes sous le soleil après la baignade ; si les descentes des crêtes vers la mer se font sourire aux lèvres, les retours sur les hauteurs escarpées requièrent quelques efforts et de bonnes chaussures, de quoi y laisser tout le bénéfice du bain rafraichissant.

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De Karavostasis, partent de petits bateaux bien équipés pour une journée autour de l’île, balade très agréable en fin de saison lorsque vous vous retrouvez à dix, sur un bateau prévu pour trente. Chacun trouve son espace, l’équipage est détendu et le programme peut être aménagé sans souci. Nous avons suivi la côte Sud et ses falaises de craies rectilignes jusqu’au premier arrêt baignade dans la baie bien encaissée de Livadaki : une nature brute, vierge de toute construction, aux eaux turquoises illuminées de soleil. La joliesse, la sérénité, la quiétude du lieu, distillent de bonnes ondes dans notre petit groupe où la bonne humeur est contagieuse.

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Nous nous arrêterons ensuite dans une petite crique pour que les amateurs de plongée profitent des fonds rocheux et des grottes creusées dans les à-pics, avant de revenir vers Agios Nikolaos, où les amateurs de bronzette iront se faire rôtir la carnation à l’heure de la sieste, tandis que certains comme nous préféreront rester à bord du bateau pour multiplier les plongeons. L’après-midi prendra fin sur la belle plage de Katergo, dessinée entre les rochers, un peu longuette à rallier par un chemin de terre depuis Karavostasis, mais si délicieuse quand on vous y mène par la mer. J’imagine bien qu’en plein mois d’août, ce genre d’excursion n’a sans doute pas la même saveur. Mais économiser ses gambettes l’espace d’une journée, se baigner dans des eaux cristallines inapprochables à pied, appréhender une île par le tracé de ses côtes, accoster sur une plage totalement déserte, partager avec d’autres visiteurs notre attachement pour la Grèce autour d’un tsipouro bien servi après le dernier bain, est totalement délectable !

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10 décembre 2014

Folégandros - Ano Meria (ou Pano Meria), du vent et des pierres

De Chora, en suivant l’unique route qui griffe Folégandros, on parcourt une ligne de crêtes pelées, ocres et desséchées ; cette saillie escarpée déroule de grandioses points de vue des deux côtés de l’île, dans une solitude absolue ; des champs, des murets, une nature sèche, le silence, mais des parfums qui montent sous le soleil à vous faire tourner la tête.

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En quarante-cinq minutes à pied, on atteint le village d’Ano Meria, qui s’étire le long de la route sur plus de trois kilomètres. Contrairement aux autres villages, pas de place principale, de point d’encrage, de ces lieux conviviaux où se retrouvent le soir les habitants. Les bâtiments sont disséminés, sans marque tangible d’un lien social fort. Visiblement, Ano Meria respire un peu différemment. Le mode de vie austère est toujours de mise, conséquence des pénibles conditions d’exploitation des terres : le sol est pauvre, aride, anémié par des bourrasques du diable. Les murets de pierres plates ne délimitent pas seulement les propriétés mais tentent comme ils le peuvent de retenir la fine couche de terre qui dégringole vers la mer pendant les fortes pluies d’hiver.

Le village a gardé sa particularité architecturale, la θεμωνια, habitation traditionnelle où chaque famille au sens large vit en quasi-autarcie. Il s’agit d’une petite unité agricole auto-suffisante, indépendante, qui permet à plusieurs générations de couvrir ses besoins alimentaires. On y retrouve les mêmes éléments groupés, les maisons des différents descendants, une aire de battage, le réservoir d’eau, les étables, le potager, le pressoir, le poulailler, quelques oliviers et les terres cultivables.

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Le village a quelque chose de perturbant car le saut dans ce temps figé n’a pas de préliminaires. En déambulant dans les petits chemins qui sinuent autour des bâtiments, on croise toutes les manifestations d’une manière de vivre ancestrale, pétrifiée. Nous nous perdrons deux bonnes heures dans le village sans croiser un seul bipède, saoulés de vent, jusqu’à l’arrivée des âniers venus chercher l’eau à la citerne. Deux heures à se faire étriller par les rafales qui glissent sur les collines dégarnies, les oreilles vrillées par leur sifflement ininterrompu, les yeux grand-ouverts devant ce morceau d’histoire qu’offre Ano Meria. J’ignore combien de temps encore les villageois resteront fidèles à leurs traditions. Mais si vous passez par là, il serait dommage d'ignorer ce témoignage d’une Grèce très authentique. Pour les bons marcheurs, de nombreux sentiers partent ensuite pour la côte la plus déserte de l’île, tout au bout vers le Nord. Elle me rappelle décidément beaucoup certains coins du Finistère, cette île de Folégandros…

 

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3 décembre 2014

Chora de Folégandros… trois nuances de grâce.

Les « chefs-lieux » des îles sont souvent bâtis sur les hauteurs, pour préserver les populations des invasions et de la piraterie. Folégandros a posé le sien en à-pic d’une falaise de 200 mètres, malmenée par le vent et les déferlantes.

Le kastro, comme celui de Sifnos, marque le village d’une empreinte d’un autre temps. On y accède à partir de la deuxième place, bordée de ses remparts immémoriaux (la première mouture du kastro date du XIII ème). Les habitations sont là aussi enserrées dans l’enceinte extérieure, sur le côté mer directement à l’aplomb de la falaise. Á l’intérieur, c’est le même alignement de maisons blotties les unes contre les autres, de vieux balcons de bois, de passages dérobés, de ruelles étroites, de galeries qui relient entre elles certaines des demeures. L’organisation de l’espace raconte les dangers, les moyens de défense, les villageois tapis et à l’affût. Aujourd’hui, le kastro est le lieu le plus calme du chora, retapé mais pas trop, dépourvu de tavernes et d’hôtels, une enclave historique bien vivante, colorée, qui a su garder son relief.

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Le chora, qui épouse ensuite les courbes plus douces de l’intérieur des terres, est un beau village cycladique traditionnel construit autour de ses quatre places, abondamment fleuri, ponctué d’un nombre impressionnant de chapelles et d’églises, plus nombreuses que les tavernes. Le soir, le village s’allume, les terrasses des tavernes, bien à l’abri du vent sous les arbres, bruissent des conversations, les touristes s’interpellent, échangent leurs coups de cœur du jour ou leurs mésaventures dues à Air France, car on finit toujours par se croiser dans une île de 32 km2. Très peu de boutiques touristiques, deux, trois bars discrets pour siroter un ouzo, une boulangerie et un glacier excentrés dans les petites rues et c’est tout. Le matin, ce sont les marcheurs en route pour l’arrêt de bus qui arpentent les rues silencieuses.

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Tout en haut de la première place, au bout d’un lacis blanc qui serpente doucement sur la colline, se dresse l’imposante église de la Panagia, qui domine de toute sa masse crayeuse la côte Nord de l’île. Á l’abri de son mur d’enceinte, ses larges flancs abritent un lieu de culte un peu mastoc, qui manque de finesse et d ‘élégance. Mais l’essentiel n’est pas là ; il l’est, dans cette « citadelle sacrée» érigée, qui veille sur le chora et son kastro, vers laquelle on se dirige entre chien et loup pour regarder le soleil s’éteindre dans les flots. Ceux qui arpentent le chemin prennent leur temps, s’arrêtent à chaque méandre pour embrasser du regard le paysage sauvage et rude, s’imprègnent de cette nature brute comme on se fait doucher par des embruns. On sent que quelque chose nous dépasse, surtout lors de ses soirs de septembre déjà frais et venteux, où l’on se fait un peu malmener par les bourrasques. On se pose alors de longues minutes, les yeux fixés vers le large, un vague sourire aux lèvres, en affinité avec les éléments. Le soleil disparaît, les lumières fléchissent, le ciel se teinte d’un doux gris laiteux, les reliefs s’estompent et on se sent bien.

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21 novembre 2014

Folégandros pratique

C’est bien joli de poser le pied sur une île, indemne de la déferlante touristique, passé le 20 septembre mais on se coltine alors des soucis de bateau insoupçonnés : soit, on rentre au Pirée après 10 heures et demie de traversée sur un placide bon gros ferry bien lent de chez Ventouris, soit on s’entasse dans un Seajet prétendument rapide, sauf qu’il accumule immanquablement des heures de retard. Nous fuyons habituellement cette compagnie, pour ses tarifs ruineux, ses mauvaises conditions de trajet en vase clos, la mauvaise humeur de l’équipage (même si je les plains volontiers de travailler dans ses conditions) et le stress des débarquements où l’on se fait houspiller sans ménagement. Hellenic Seaways n’assure la traversée qu’en juillet et août, on se retrouve donc devant une alternative binaire assez simple. Sauf que le Ventouris ne passe pas tous les jours et que le Seajet va se révéler plein comme un œuf quatre jours à l’avance. Hors saison, le plus simple est d’effectuer un vol A/R Paris-Santorin et de relier ensuite Folégandros par ferry, solution plus rapide, plus sure et moins onéreuse. 

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Á chaque arrivée de ferry, le bus attend les nouveaux venus et monte à Chora en dix minutes; pas cher et pratique. Deux possibilités ensuite pour se loger ; les beaux hôtels avec piscine et tarifs à l’avenant, où les chambres chez l’habitant, plus simples mais plus conviviales quand on aime échanger avec les locaux. Bonne pioche cette fois encore chez Spyridoula : 35 euros la nuit, au calme, à deux pas du centre animé de Chora, entièrement piéton. Si vous arrivez comme nous un peu tard, vous humerez les senteurs sucrées de son Cestrum nocturnum (j’en ignore le nom en grec), arbre à fleurs blanches au parfum de miel et de cannelle, qui embaume toute la petite rue dès la tombée de la nuit.

Côté fourchette, voilà un petit florilège des tables testées. Nous avons juste été déçus de ne pas pouvoir goûter la spécialité locale, la matsata (pâtes locales qui accompagnent la viande de lapin ou de coq en sauce), plat trop nourrissant le midi par des températures encore bien chaudes mais visiblement plus disponible le soir fin septembre… grgrgrgrrrrr !

- I Pounta (première place*), près de l’ancienne station des bus. Un lieu où l’on se pose à toutes heures du jour, très apprécié des habitants de Folégandros. Ne pas se fier aux trois, quatre tables qui donnent sur la place, mais passer dans le joli jardin, derrière, pour un copieux petit déj, un yaourt au miel de fin d’après-midi, un apéro, un café... Souvent de la musique classique, des chats qui folâtrent, d’excellents vins et une table reconnue pour le soir. A fréquenter sans modération.

- Nicolas Michailidis, (deuxième place) immanquable avec son fatras de livres, de cartes, sa chaise réservée et ses affiches où il annonce ses goûts pour les touristes blondes. J’avais lu sur l’endroit des critiques élogieuses et d’autres assassines. Nous nous rangerons à l’avis de ces derniers, exaspérés par son menu incompréhensible de plusieurs pages, son arrogance, son sans-gêne et son café pas terrible. Ici, le sourire est en option et la parole, rêche. Passez votre chemin.

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- Á côté, son voisin, Araxe, rare taverne ouverte toute l’année, souvent choisie comme lieu de petit-déjeuner par les touristes, pour la bonne humeur de son serveur (à moins qu’il ne soit le patron ???). Bavard, affectueux, généreux (il a vite compris mon addiction au miel et m’en servait plus que de raison), on vient papoter avec lui tôt le matin à la fraîche et lui faire travailler son français. Pour les dîners, nous avons préféré tester les tavernes réputées pour certains plats.

- O Kritikos (3ème place), fameux pour la qualité de sa viande et ses grillades. J-P a confirmé l’excellence des padaïkia, tandis que je régalais d’un briam amélioré de citron et d’artichauts. Beaucoup de monde, service « tonique », haut niveau sonore, mais cuisine simple et goûteuse comme on l’aime. 

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- To Sik, toujours sur la 3ème place mais à l’opposée du précédent et aussi de sa cuisine très carnée. Si on trouve sur la carte quelques plats de viande, To Sik fait la part belle aux légumes, soupes, céréales, herbes, salades et fromage. Un paradis pour les végétariens. Rien de tristounet dans l’assiette, c’est coloré et plein de saveurs.

 - Chrisospilia (tourner à droite après la quatrième place et tout droit). Taverne classique de poissons que l’on va choisir en cuisine. Patron enjoué et prix modérés.

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- Zefiros Anemos (tourner à gauche après la quatrième place et tout droit, tout droit, encore tout droit). Lieu chaudement recommandé par notre logeuse, à juste titre, puisqu’il s’agit certainement de la meilleure table de Chora. On change de catégorie pour une cuisine plus élaborée, plus fine, de bons vins et de succulents poissons et fruits de mer, dégustés au calme dans un beau jardin. Service attentionné et courtois.

Et pour les becs sucrés, les amateurs de douceurs, les gourmands, excellente gelateria italienne en partant à droite d’Araxe - vous ne pouvez pas vous tromper, pas d’autres endroits où savourer une bonne glace et surtout, la boulangerie Αρτος και γευσεις, toujours en partant à droite d’Araxe ; on entre pour voir, pour humer et puis, on goûte et … on succombe. On revient avec un tas de petits gâteaux fondants, craquants, moelleux, savoureux. Succulents, je vous dit !

 

* On se repère à Chora en suivant la succession de places qui dessinent le village. Un peu déroutant au début mais on s'y fait vite.

 

14 novembre 2014

Prélude à Folégandros

 

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En voilà une qui n’avait sur le papier l’air de rien : un caillou aride, trois villages, une seule route, des plages peu accessibles, un vent du diable et des habitants présumés tout aussi austères que leurs collines. En ce qui nous concerne donc, une promesse de bien-être permanent. C’est peu dire que nos aspirations les plus démesurées aient été comblées au-delà du nirvana attendu. Si votre petit cœur bat la chamade au seul nom d’Amorgos*, si vous avez élu plus beau castro des Cyclades celui de Sifnos, si vous soupirez de nostalgie en feuilletant vos photos d’Ithaque, Folégandros c’est un peu beaucoup tout cela, en mieux encore. C’est avant tout une île rurale escarpée, râpée, où la main de l’homme s’échine à modeler les terres peu arables à grand renfort de murets de pierres plates et de cultures en terrasses. Pas de constructions anarchiques, de paysages altérés par du bétonnage, l’habitat se concentre en quelques points et le territoire appartient aux ânes et aux chèvres. Á perte de vue, une terre brûlée par le soleil, d’où émerge une pagaille de pierres chamboulées. Rien de gentillet, de vraiment dompté, Folégandros est rêche, rugueuse mais jamais inhospitalière.

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Le Routard m’avait un tantinet refroidie en soulignant que l’île devenait courue et subissait un début de développement fracassant… est-il taquin ce Routard parfois ! Certes, quelques hôtels, plutôt haut de gamme, ont émergé à l’entrée du chora mais ça reste discret et très mesuré. Les spécificités de Folégandros l’éloignent d’un raz de marée touristique pour les simples raisons que l’île se découvre avec les pieds, et que les plages demandent de bons mollets. Peu de familles avec enfants, plutôt des quinquas en forme ou des jeunes, amateurs de marche et de calme ; les fêtards ne trouveront aucun bar branché, surtout pas en bord de mer, totalement préservé des tavernes bruyantes, des parasols et autres transats bien laids. On se lève et on se couche tôt, même quand on est grec (fermeture des tavernes à 23h fin septembre).  On y croise pas mal d’Anglais, beaucoup de Français, quelques Allemands et des Nordiques. Il est bon aussi de savoir qu’à Folégandros, on a tendance à oublier fréquemment son maillot de bain (bizarre !) et à se baigner alors sans problème, en tenue d’Éve ou d’Adam. La plage la plus facilement accessible l’interdit clairement, plage d’ailleurs beaucoup plus fréquentée, surtout par les familles grecques.

Si le relief de l’île est abrupt, ses côtes le sont tout autant ; à-pics, dégringolades de rochers, découpes tranchantes, rocs acérés, anses équarries, on plaindrait presque les pirates qui ont dû avoir fort à faire pour accoster sans y laisser leur chemise. Peu s’en faut que certains endroits me renvoient illico dans le Finistère, surtout lorsque le vent siffle entre les murets de pierre et que les rafales envoient valser les flots sur les brisants. La mer Égée a soudain un petit goût d’Atlantique très inattendu…

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Je voudrais pour clore ce préambule m’inscrire pleinement, totalement, entièrement en faux, contre cette réputation d’accueil supposé « frileux » des habitants de Folégandros. Les locaux que nous croiserons sur l’île, bergers, cultivateurs, éleveurs, âgés pour la plupart, ne sont pas différents des autres îliens, taiseux et impassibles. Si vous les saluez avec le sourire, si vous vous mettez un peu en retrait de leur activité, si vous prenez le temps d’apprécier leurs gestes séculaires, si vous leur demandez poliment dans un grec, même très approximatif comme le mien, de les photographier avec leurs bêtes « Με συγχωρείτε κύριε, μπορώ να σας φωτογραφίσω παρακαλώ** », vous ne devriez pas subir de rebuffades. Mais si on se comporte en touriste conquérant qui veut juste alimenter son compte Facebook…

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Le soir de notre arrivée tardive à Chora, nous nous sommes retrouvés sans bagages, suite à une fâcheuse inversion de sacs*** sur le ferry (A. a pris les bagages de B., qui a pris les bagages de C., qui n’a pas pris les bagages de A.…). Notre logeuse, pourtant maman d’un bébé, l’agence de voyage locale, la compagnie de ferry, le responsable de la taverne du coin, tous se sont mis en quatre pour nous aider. Il était 22h30, nous arrivions de Paros, nous étions de parfaits inconnus et pourtant, ils ont chacun mis un terme à leur activité pour nous trouver une solution et nous éviter ainsi un aller-et-retour au Pirée. Sans leurs interventions conjointes, je doute fort que le ferry suivant nous ait rapporté notre sac, ce qui fut pourtant fait. Comme marque tangible d’hospitalité, on ne peut pas faire plus et c’est une chose qu’on oublie pas…

 

*Amorgos, île où ma moitié refuse catégoriquement de retourner, conséquence sans appel de la soi-disant traumatisante et éprouvante remontée pédestre de la plage d’Agia Anna, au pied de la Panagia Chozoviotissa… grincheux, va !   

** j’ai bien dit approximatif

*** ça nous apprendra à avoir tous les gros sacs Cargo Eastpak NOIRS

 

1 novembre 2014

Parce que l'on passe toujours par Naoussa...

Non, Naoussa n’est pas seulement le lieu « chic et branché » de Paros, où quelques célébrités parisiennes ont posé leur sac. Si vous avez la chance de fréquenter le lieu hors saison, - mais ce présupposé est valable pour nombre d’îles -, ce vieux port de pêche de carte postale, croquignolet et photogénique en diable, saura exercer sur vous toute sa séduction. C’est vrai qu’il en fait presque trop, avec son petit fort vénitien en ruines, sa chapelle blanche, les barques des pêcheurs qui se gondolent doucement, les poulpes séchés au soleil, les petits volets bleus ou verts qui tranchent sur la chaux des maisons cubiques, les ruelles fleuries… on se dit à chaque visite qu’on ne va plus s’y laisser prendre et… peine perdue, on se laisse abuser comme deux bleusailles. C’est surtout le matin que la magie opère, lorsque Naoussa est encore silencieuse et que la lumière douce du soleil semble dorer la mer. Certes, les collines autour du village sont vilainement ankylosées de constructions passablement hideuses, mais le vieux port reste lui, délicieux.

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Sur le quai, des navettes font des allers et retours vers les plages de Kolymbithrès, de Monastiri ou de Lagueri. Kolymbithrès est la plus célèbre et l’une des plus fréquentées (même en juin et en septembre), avec ses rochers aux formes bizarres qui dessinent des petites criques bien abritées. C’est à faire au moins une fois, surtout avec des enfants qui s’amusent beaucoup à plonger dans ce désordre de pierres. Pour être plus au calme, nous préférons les toutes petites criques que l’on trouve avant la grande anse de Monastiri, (moyen de locomotion obligatoire). Comme les photos l’attestent, la fréquentation reste très raisonnable … et en continuant à pied vers le Nord, se dressent les falaises du cap Almiros, le monastère Agios Ioannis et le parc culturel de Paros, sorte de friche pour bateaux en cale sèche, où sont organisées des soirées et concerts de toutes sortes.

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29 octobre 2014

Paros de l'intérieur

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On ne vient pas uniquement à Paros pour sa dolce vita, ses jolies plages de sable, le port de Naoussa, mais aussi pour ses très beaux villages intérieurs, bien desservis par les bus qui vous emmènent vous baigner à Logaras, Pounda ou Golden Beach (Chryssi Akti). C’est tout simple, il suffit de suivre la ligne, de descendre vous promener et siroter un café, et de reprendre le bus suivant jusqu’au prochain village.  Même s’il n’y a pas grand' chose à voir à Marathi, cette première étape est célèbre pour ses carrières, exploitées depuis l’antiquité pour la blancheur, la transparence et la finesse de son marbre. Extrêmement fragiles, seules de petites statues pouvaient être sculptées dans ces blocs : l’Hermès de Praxitèle, la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo, la Victoire de Paionios sont sortis des entrailles de Paros. Ce marbre d’exception est appelé « lychnitis », car extrait à la lueur des lampes à huile (Ληκυθος) des esclaves. Les carrières ont été exploitées de nouveau durant une partie du XIXe siècle, (les ruines des bâtiments sont toujours visibles) et ont servi, entre autres, aux bas-reliefs du tombeau de Napoléon.

Plus loin, on arrive à Kostos, tout petit village tranquille, doté de deux églises, d’une mignonne grand’ place, d’une taverne ombragée et de son kafeneion ; quelle que soit l’heure à laquelle nous passons, nous y voyons toujours un ou de deux popes attablés, papotant avec les papis du village. C’est fou comme en Grèce il existe des lieux où il est si difficile de s’extirper, une fois bien calé devant un frappé ou une Fix… la quiétude, le silence, la discrétion des habitants engendrent une forme de béatitude que l’on attrape très facilement.

Mais il est temps de repartir pour Lefkes, ancienne capitale de l’île, dont les maisons cubiques blanches (λευκος) dégringolent en amphithéâtre. Un peu en hauteur, entouré de collines en terrasses, sous la protection de vieux moulins, Lefkes déroule ses étroites ruelles bordées d’églises, de belles demeures classiques et d’habitations toutes simples bien fleuries : lacis de chemins dallés, de placettes, de murs chaulés, Lefkes n’a cependant rien d’un village de carte postale pour touristes : écoles, tavernes, cafés, les habitants y mènent la vie de tous les jours sans penser à défigurer le lieu pour vider les poches des visiteurs. Nous nous sommes de nouveau cassés le nez sur les portes décidemment souvent closes de l’église Aghia Triada, dont les guides chantent des louanges extasiées, pour ses ornements de marbre (iconostase, chaire, trône épiscopal) et ses icônes. Vous pouvez toujours vous consoler en allant faire un tour derrière l’église, sous les grands pins, jusqu’au cimetière où la vue sur les collines, jusqu’à la mer, est splendide. Si votre estomac commence à se manifester, remontez sur la place principale en haut du village et attablez-vous chez Clarinos, taverne familiale simple et conviviale, fréquentée par les gens du coin. De bonnes grillades pour les amateurs, goûteux plats de légumes pour les autres.

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En continuant vers la mer, on passe par Marmara (le marbre, toujours), autre petit village typiquement cycladique, avant d’arriver au très beau village de Marpissa. Le bus ne passe évidemment pas dans la partie ancienne, qui se découvre en hauteur, à partir de la place des Trois-Moulins. De nouveau ce même embrouillamini de venelles, de passages voutés, un labyrinthe blanc piqué du rose des bougainvilliers dont nous ne nous lassons pas. La concentration d’églises dans un si petit périmètre est impressionnante, on en croise parfois deux sur moins de cent mètres, toutes différentes, à dôme bleu, clocher de pierre, fronton ouvragé…

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De Marmara, si vous souhaitez une alternative plus calme à Pounda et Golden Beach, vous pouvez vous rendre sur la très jolie plage de Molos, encore préservée des locations de transats et de parasols. Nous n’y croisons que des Grecs, couples d’amoureux ou familles avec enfants en bas-âge. Il faut dire que cette plage de sable est parfaite pour les bambins, elle descend en pente toute douce dans une mer transparente, sans un rocher. Le site est magnifique, bordé aux deux extrémités par une chapelle, et au Sud par un tout petit port de pêche. Passé 19h, vous êtes tout seuls (juin et septembre, of course).

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23 octobre 2014

Parikia, un peu d'histoire à portée de main

Une pensée pour toi, Élo…

Les villages qui abritent le débarcadère des ferrys ont souvent tout de l’embarquement pour la déception. Ce sont en majorité des endroits « modernes » fabriqués, un peu trop neufs, sans caractère, rayés en front de mer par un alignement d’hôtels, de bars et de tavernes. On a alors hâte de monter vers le Chora ou le Kastro historique, bien à l’abri des pirates et des envahisseurs de tout poil. Paros* s’inscrit en antithèse et affiche ses legs du passé à hauteur de quai, dans son chef-lieu de Parikia.

Comme toutes les îles grecques après l’hégémonie romaine, Paros a vu défiler les mêmes vagues d’occupants : goths, slaves, byzantins, vénitiens, ottomans… Selon la durée de leurs « séjours » et leurs intentions, certains se sont juste essuyé les pieds dessus, quand d’autres bâtissaient, transformaient et marquaient profondément l’île de leur empreinte. Les byzantins ont édifié l’une des églises les plus anciennes de Grèce, massive, puissante, qui en impose toujours aujourd’hui. L’église, appelée Katapoliani (Á côté de la ville) ou Ekatontapyliani (Aux cent portes), ces deux dénominations étant utilisées parallèlement dès le milieu du XVIe, acquiert très rapidement prestige et influence.  De nombreux habitants de l’île, devenus des fidèles de ce nouveau lieu de culte, s’installent dans le quartier voisin ; on les appelle des παροικι (« qui appartiennent à la même communauté »). Le mot est resté jusqu’à désigner l’ensemble du village, Parikia.

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Comme à l’accoutumée, un édifice de cette importance ne sort pas de terre ex-nihilo car il faut montrer que la nouvelle religion a triomphé de l’ancienne : l’église Katapoliani a été édifiée au IVème siècle, sur l’emplacement de deux constructions successives pré-chrétiennes,  un temple antique, et un gymnase de l’époque romaine. Ce premier édifice modeste**, endommagé par un incendie, fut reconstruit sous Justinien, deux siècles plus tard, agrandi, agrémenté de voûtes et d’une coupole. Les chapiteaux et pilastres de marbre ont été « empruntés » au temple de Déméter, tout proche alors. Ensuite, les aléas des occupations successives, les pillages, les raids des pirates, le séisme de 1773 modifièrent l’apparence de l’église, qui fut rendue à sa forme première lors d’un important travail de restauration dans les années 1960.

L’église a aujourd’hui l’aspect d’un monastère, avec son mur d’enceinte, sa cour intérieure, son jardin et les cellules de moines… qui n’en abritent plus. Le bâtiment en croix grecque fait forte impression avec ses rangées de piliers, ses colonnades et sa large coupole. Le marbre sur la partie inférieur des murs, les pierres taillées de couleur des voûtes, la richesse de l’iconostase, le lustre imposant, l’or des icônes, vous tombent littéralement dessus : elle est à la fois sobre mais somptueuse, bien équilibrée mais remarquable, grandiose sans être grandiloquente. Sa chapelle Saint-Nicolas et son baptistère aux fonts baptismaux cruciformes, tous deux rescapés du IVe siècle, dépouillés, presque austères, émeuvent par leur simplicité et leur dénuement. On touche là à quelque chose d’originel, d’essentiel, qui vous remue singulièrement la corde sensible.

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Au XIIIe siècle, ce sont les Vénitiens qui se serviront des ruines des sanctuaires antiques pour ériger le kastro de Paros : des blocs de marbre, des morceaux de colonnes ont été intégrés au mur d’enceinte de la forteresse, que l’on atteint à partir de la vieille ville de Parikia. On monte doucement en lacis, dans d’étroites ruelles tachées du rose et du rouge des bougainvilliers, les petites maisons cubiques serrées les unes contre les autres, à l’abri des attaques des pirates ; passages voutés, placettes, chapelles discrètes, escaliers dérobés, l’ensemble a gardé son cachet, son charme, à deux pas pourtant des rues plus fréquentées où s’alignent les boutiques de souvenirs.

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C’est une des raisons du bien-être que l’on ressent à Paros, à savoir un équilibre, une coexistence réussie entre des lieux d’histoire et les impératifs économiques du présent. Entre un café et une épicerie, on peut toujours admirer la beauté des maisons de maître aux toits de tuiles, les balcons ouvragés, les corniches, des balustrades, des fontaines du XVIIIe siècle. Les magasins sont discrets, respectent l’harmonie des rues, se fondent dans le décor sans agressivité et coexistent avec l’église d’à côté et la demeure seigneuriale à blason du coin. Les enfants de Parikia jouent sur la grand’ place, on déguste une glace entre deux popes, on partage les fêtes du village, on se mêle à la population sans se sentir trop touristes ou étrangers, et on est vite intégré au tempo de l’île. C’est pourquoi on revient toujours à Paros, parce qu’on y a laissé un gros bout de soi et qu’on ressent toujours une bouffée d’émotion lorsque le ferry abaisse le battant du pont arrière, et que les ailes du moulin de Parikia se dessinent lentement…

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* Comme Naxos d’ailleurs

** Selon la légende, sainte Hélène et son fils l’Empereur Constantin, revenus de Palestine avec la Sainte Croix, seraient les fondateurs de l’église. 

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Le Présent Défini
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